Je reviens de quelques jours sur une île dont le nom même m’a toujours fait rêver : Zanzibar. C’est souvent une escale, ou un complément de séjour pour ceux qui font des safaris en Tanzanie, en Ouganda ou au Kenya. Pour moi ce fut une vraie découverte.
Oscars, Césars et autres
L’avantage des longs trajets en avion c’est de pouvoir rattraper son retard en matière de cinéma. J’en ai bien profité !
Anatomie d’une chute
J’avoue que j’avais été d’abord indisposé par la déclaration ridicule et inopportune de Justine Triet à Cannes, puis par tout le foin fait dans les médias français avant les Oscars. Mais je dois reconnaître que l’Oscar du meilleur scénario est amplement justifié, et que cette Anatomie d’une chute est un film captivant. Très « hitchcockien » dans sa construction, sa narration, son absence d’effets. Et sans rien dévoiler – pour ceux qui n’auraient pas vu le film – on aime que le spectateur soit finalement laissé face à une énigme, ou plus exactement à plusieurs possibilités. Mention toute spéciale pour le jeune acteur, Milo Machado-Graner, qui est époustouflant de justesse, et pour celle qui est sa mère dans le film, l’actrice allemande Sandra Hüller – que je connaissais mal, je l’avoue -.
C’est vraiment un film à voir, et même à revoir.
Oppenheimer
Autre grand oscarisé, et attendu comme tel, le film de Christopher Nolan Oppenheimer. Trois heures bluffantes, exaltantes, angoissantes, qui évitent tout manichéisme, et restituent au contraire la complexité du personnage, resté dans l’imaginaire collectif comme « le père de la bombe atomique », et surtout le cynisme des hommes de pouvoir américains.
Lors d’un voyage aux Etats-Unis, il y a une quinzaine d’années, j’étais passé par Los Alamos, Zone toujours interdite, dans un paysage désertique. Circulez, y a rien à voir.
Second tour
Je ne suis pas systématiquement fan d’Albert Dupontel, et ce film sorti en octobre dernier m’avait échappé. Ce Second tour est d’une drôlerie déjantée, toujours aux limites de l’absurde, qui fait appel notamment à une Cécile de France hilarante en journaliste d’une télé privée sur la piste d’un scoop.
En revanche, j’ai vite abandonné Le règne animal, gagné peut-être par la fatigue.
L’île aux esclaves
Le nom même de Zanzibar serait d’origine perse : Zanğibar signifiant « la terre des Noirs ». L’île principale de l’archipel, Unguja, est comme un concentré d’histoire de l’humanité, tant les influences, les invasions, y ont été nombreuses : Arabes, Perses, Allemands, Anglais, Français, Portugais, Indiens, etc…
La ville principale de l’île, Stone Town, conserve et préserve la richesse et la diversité de cette histoire, y compris dans ses aspects les plus sombres, comme cet immense marché aux esclaves qu’elle fut jusque dans les années 20, malgré l’abolition officielle de l’esclavage décrétée au tout début du XXe siècle.
Deux églises, l’une catholique (construite par les Français en 1889), l’autre anglicane, rappellent les présences successives et la multuculturalité d’une ville et d’une île, où la population est aujourd’hui très majoritairement musulmane. Un mémorial rappelle le terrible passé esclavagiste de Zanzibar.
Stone Town, c’est bien sûr l’économie de la mer, de la pêche et quelques célébrités.
L’ancien fort a été préservé et sert à de nombreuses manifestations culturelles.
Ici sont nés l’explorateur David Livingstone, l’écrivain Abdulrazak Gurnah, Prix Nobel de Littérature 2021,
et Farrokh Bulsara, beaucoup plus connu sous son nom de scène Freddie Mercury, auquel est consacré un petit musée au centre de Stone Town.
Colobes et corail
On peut circuler en voiture sans trop d’encombres dans toute l’île – le réseau routier est en très bon état -. Il faut juste éviter la tombée de la nuit, la plupart des autos et des motos « oubliant » d’allumer leurs feux et ne pas oublier qu’on roule à gauche !
On peut ainsi visiter les quelques sites naturels ou historiques de l’île, traverser une nature très changeante, et constater la vitalité d’une population très jeune – les sorties des écoles, avec des centaines de filles et de garçons en uniformes, sont impressionnantes.
Le parc national de Jozani
A l’est de Zanzibar, ce n’est sans doute pas le parc, ni la forêt la plus spectaculaire qu’on ait visités en Afrique de l’Est, mais c’est le seul de l’île, et il attire évidemment beaucoup de monde (une fois de plus mention spéciale pour les groupes de Français qui se distinguent par leur discrétion, leur tenue… la honte quoi !)
La forêt est moins dense que certaines réserves qu’on avait visitées en Ouganda (voir Gare aux gorilles), et la faune y est plutôt rare. La mangrove est parfaitement préservée.
L’attraction de ce parc ce sont les singes, les colobes roux de Zanzibar, une espèce endémique. Bien qu’il soit explicitement demandé de ne pas s’approcher des animaux, les touristes agglutinés autour d’eux leur balancent leur smartphone sous la gueule et, mieux, prennent des selfies (ne dit-on pas que « qui se ressemble s’assemble » ?) :
En remontant vers le nord de l’île, on passe par un site qui n’a guère d’intérêt (Fukuchani), sauf à présenter une ruine d’une maison construite par les Portugais au XVIe siècle et une piscine souterraine.
Lagon et corail
Mais si on va à Zanzibar c’est bien finalement pour la beauté de ses plages et la douceur des mers qui la bordent. Excursion obligée en face de Matemwe vers l’îlot de Mnemba – propriété de Bill Gates – et son merveilleux lagon qui ressemble à un aquarium géant, ses centaines de poissons multicolores, ses étoiles de mer et ses quelques récifs de corail encore vivants.
Addendum : Zanzibar et Poulenc
Un fidèle lecteur me rappelle l’inénarrable air des Mamelles de Tiresias de Poulenc et Apollinaire, où il est question de Connecticut et de… Zanzibar, et me signale ce document exceptionnel de Denise Duval accompagnée au piano par le compositeur qui ne se prive pas de rajouter quelques répliques bien senties …