Ne garder que la gaieté

Même dans un blog personnel, on est parfois contraint de se transformer en nécrologue. Cette semaine n’a pas échappé à cette loi des séries qui semble s’inviter à intervalles réguliers : après Philippe Boesmans, Harrison Birtwistle, Radu Lupu, Nicholas Angelich (Sur les ailes du chant), voici que disparaissent, à leur tour, une chanteuse dont seuls les mélomanes avertis avaient entendu parler, et un acteur-réalisateur-producteur que tout le monde a connu à un titre ou un autre.

Renate Holm

J’avais déjà rendu un hommage anthume à la cantatrice viennoise Renate Holm, disparue à 91 ans ce 21 avril, lire : Un duo à Vienne.

Réécouter, sans risquer de se lasser, les enregistrements, le plus souvent d’opérettes, où s’affirment le charme et le chic d’une voix de soie.

Jacques Perrin

Excellent acteur, bel homme, réalisateur et producteur engagé, quels défauts trouverait-on à Jacques Perrin, disparu mercredi à 80 ans ?. Sans doute n’a-t-il jamais appartenu à la catégorie des « monstres sacrés » du cinéma, sûrement ne l’a-t-il jamais cherché non plus.

Bien sûr je vais voir et revoir certains des films qu’il a marqués de son empreinte et de sa présence. Mais je vais aussi me replonger dans les fabuleuses images de ses films, bien restrictivement définis comme « animaliers », qui racontent une humanité, un humanisme rares.

L’Ukraine de Kourkov

J’ai déjà évoqué ici la figure du grand écrivain ukrainien Andrei Kourkov (La grande porte de Kiev), invité récemment sur quelques plateaux de télévision. Je redis ici combien il faut livre ses livres, qui sous les apparences du désespoir et de la fatalité qui s’attachent à ses héros, nous donnent des leçons de gaieté et de foi en l’humanité.

J’ai fini il y a peu le plus ancien de ses romans, traduits et publiés en français, Le pingouin. Jouissif du début à la fin, prenant comme un thriller.

Pour tromper sa solitude, Victor Zolotarev a adopté un pingouin au zoo de Kiev en faillite. L’écrivain au chômage tente d’assurer leur subsistance tandis que l’animal déraciné traîne sa dépression entre la baignoire et le frigidaire vide. Alors, quand le rédacteur en chef d’un grand quotidien propose a` Victor de travailler pour la rubrique nécrologie, celui-ci saute sur l’occasion. Un boulot tranquille et lucratif. Sauf qu’il s’agit de rédiger des notices sur des personnalités… encore en vie. Et qu’un beau jour, ces personnes se mettent à disparaître pour de bon. Une plongée dans le monde impitoyable et absurde de l’ex-URSS. Un roman culte. (Présentation de l’éditeur)

Beaucoup plus relié à l’actualité, et tout aussi jouissivement réaliste, ce « roman » dont on comprend vite pourquoi il a été interdit en Russie :

Président de la République d’Ukraine ? Rien ne prédispose Sergueï Bounine à occuper ce poste. Son imprévisible ascension, dénuée de coups bas et d’ambition personnelle, se fait presque malgré lui. De la fenêtre de sa salle de bains, son point d’observation préféré, il se remémore son passé : les années de jeunesse à la sauce communiste, un frère jumeau pas si fou que ça, une mère préoccupée d’arrangements avec le système, le vieux David Isaakovitch amoureux de sa cabane sur une île au milieu du Dniepr… Et maintenant, il lui faut affronter le post-communisme, la greffe d’un nouveau coeur et tous ceux qui rêvent de l’empoisonner… Un roman prémonitoire. Le roman balaye 25 ans d’histoire de l’Ukraine, de la période soviétique à celle de l’indépendance toujours fragile face au grand frère russe. Mafias en tout genre, corruption, nationalismes, hégémonie russe, question européenne : tout le monde en prend pour son grade ! (Présentation de l’éditeur)

En lisant Kourkov, je ne peux m’empêcher de le comparer au grand Nicolas Gogol, sans doute l’écrivain russe que j’ai le plus lu et relu, celui des Âmes mortes, des Nouvelles pétersbourgeoises… et ukrainiennes, comme Le Nez (qui a inspiré l’opéra éponyme de Chostakovitch)

Samedi cinéma

Petite session de rattrapage ce week-end côté cinéma.

Un hommage un peu tardif, vendredi soir, sur France 3 à Michèle MorganRecyclage habile d’interviews, de magazines déjà souvent diffusés, mais revus avec plaisir. En revanche, malgré la touche (et les tics) Lelouchje trouve que Le Chat et la souris a mal vieilli.

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Entre deux averses de neige, cap ce samedi après-midi sur un petit complexe associatif multi-salles qui propose toujours une belle programmation. Pour voir Nerudale film du Chilien Pablo Larrainauteur par ailleurs du très attendu Jackie qui sort en France le 1er février (lire la critique des Inrocks).

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Comme l’a souligné la critique, le film ne ressortit pas vraiment au genre du biopicni hagiographie d’un grand personnage, le poète communiste Pablo Neruda, ni documentaire critique sur une personnalité complexe. Un récit parfois sinueux, à double entrée, somptueusement filmé, des images et des paysages à couper le souffle, d’excellents acteurs pour incarner notamment Neruda, sa compagne, et le petit flic qui le poursuit.

Et une bande-son absolument admirable qui comblera les plus exigeants des spectateurs mélomanes (due au jeune compositeur argentin Federico Jusidpar ses nombreux emprunts à Grieg, Penderecki, Gavin Bryars, Charles Ives et Mendelssohn.

Un film à voir absolument.

Je me promets – mais y arriverai-je ? – de me replonger dans Canto General le grand oeuvre de Neruda.

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Suite de cette cure de rattrapage cinématographique, cette fois près d’un feu de cheminée. L’embarras du choix devant un coffret de DVD très soigneusement réédités de la première période de Costa Gavras :

91xetzceq5l-_sl1500_Choix vite fait puisque je n’avais encore jamais regardé le tout premier film du cinéaste d’origine grecque Compartiment tueurs

Distribution éblouissante, la fine fleur de tout ce que le cinéma français de l’époque comptait de stars confirmées et de débutants prometteurs – et à ma connaissance le seul film où sont réunis le mari (Montand), la mère (Signoret) et la fille (Catherine Allégret). Un premier film haletant, hitchcockien par certains plans, une authentique série noire.

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