L’archet et la baguette : le roi Heinrich

C’est un patronyme porté par plusieurs grands artistes : Schiff, comme Andras, le pianiste anglais d’origine hongroise, ou comme Heinrich, le violoncelliste et chef d’orchestre allemand, disparu en 2016 à 65 ans.

Un beau (et cher) coffret Universal est récemment paru, pour un hommage mérité mais univoque puisqu’il se concentre sur l’activité d’instrumentiste de Heinrich Schiff.

Je n’ai pas toujours prêté attention à ce violoncelle généreux, qui sonne comme un orgue, à cette personnalité extravertie, aventurière dans ses choix interprétatifs et ses partenaires.

Sur un site allemand (jpc.de), j’ai trouvé un coffret qui reflète beaucoup mieux le musicien qu’était Heinrich Schiff, violoncelliste certes, mais aussi chef d’orchestre inspiré ! Et à un prix qui défie toute concurrence (voir détails ici)

De J.S.Bach à Zimmermann ou Friedrich Gulda, Neos – qui reprend en partie des enregistrements du coffret Decca – propose plusieurs « live », des duos fascinants entre Schiff et Gulda ou Christian Zacharias. Et surtout Heinrich Schiff chef d’orchestre : Beethoven, Mozart, une phénoménale 2ème symphonie de Schumann captée à Oslo, une Quatrième de Bruckner qui vaut le détour…

Depuis que j’ai reçu ce coffret, je vais de surprise en émerveillement.

L’inconnu de la baguette (suite)

Au fur et à mesure que le Südwestrundfunk (la radio publique allemande qui regroupe les antennes historiques de Baden BadenSüdwestfunk – et Stuttgart – Süddeutscher Rundfunkpublie les archives de celui qui a été le directeur musical de l’orchestre du SWF de Baden Baden de 1986 à 1999, l’enthousiasme va croissant.

Après les  Beethoven, Mahler, Bruckner de Michael Gielen (lire L’inconnu de la baguette), ce sont des coffrets composites, mais extraordinairement passionnants, qui nous sont proposés.

D’abord parce qu’ils illustrent l’étendue du répertoire de ce contemporain de Pierre Boulezà qui il a souvent été comparé et dont il partageait plus d’un trait commun. Mais à la différence du Français, Gielen l’Autrichien n’a jamais oublié les racines de la musique qui l’a nourri, et a toujours dirigé le répertoire classique, en même temps qu’il défendait et promouvait la création contemporaine. Et, sans qu’il ait eu besoin de le dire et de l’afficher, dans le même état d’esprit qu’Harconcourt ou Gardiner : le respect du texte, de l’Urtext. Ses Haydn manquent un peu de la fantaisie qu’y mettait un JochumMais tout le reste paraît simplement évident, justesse des tempi, des phrasés, sens de la ligne (cf. les vidéos ci-dessous).

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Le 4ème volume de cette Michael Gielen Edition est peut-être encore plus exceptionnel : le Requiem de Berlioz, les Scènes de Faust de Schumann– qui rappellent combien Gielen était un maître des grandes architectures (sa Huitième de Mahler, les Gurre-Lieder, la Missa solemnis, etc.), mais, plus inattendus, Weber, Suk, Tchaikovski ou Dvorak – et un magnifique témoignage de l’art du grand violoncelliste Heinrich Schiff disparu le 23 décembre dernier.

Et cerise sur le gâteau, une prodigieuse Kaiserwalzer – un bis – qui nous fait regretter que Gielen n’ait jamais été invité à diriger le concert de Nouvel an à Vienne. Pas assez médiatique, un look trop austère sans doute. Et pourtant quelle leçon de style, d’élégance, tout simplement du respect du texte…

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https://www.youtube.com/watch?v=ZT70nU01UpQ

On espère encore plusieurs volumes qui devraient rendre justice à ce grand chef… et à l’orchestre qu’il a dirigé et qui a maintenant fusionné avec Stuttgart !