Ansermet enfin

On savait par son biographe, l’ami François Hudry, que Decca avait prévu d’honorer le chef suisse Ernest Ansermet (1883-1969) par une monumentale réédition de son legs discographique à l’occasion des 50 ans de sa mort en 2019. Puis silence radio (lire mon billet de décembre 2021 Disques fantômes). Sur la foi d’une nouvelle date de parution annoncée pour avril 2022, j’avais commandé le premier et plus important coffret de cette édition – Ernest Ansermet, the Stéréo Years – chez l’éditeur allemand jpc.de. C’est finalement un an après la date annoncée que j’ai reçu le précieux coffret.

On n’a pas à regretter le retard pris sur la date initiale de publication, tant l’objet qui nous est livré est à tous égards remarquable.

A la différence d’autres éditeurs (Sony, Decca pour le récent Dorati/Detroit), on a ici des minutages très généreux… et des pochettes d’origine. Sur chaque pochette, figurent tous les détails qu’un mélomane curieux est en droit d’attendre, les interprètes bien sûr, les minutages, les dates et lieux précis d’enregistrement.. et de première publication, les équipes de prise de son, etc… Dans le livret quadrilingue (français, anglais, allemand, japonais), d’excellents, quoique trop brefs à notre goût, textes de François Hudry et Jon Tolansky. Et le tableau extrêmement détaillé de tous les enregistrements réalisés par Ansermet, de leurs dates de publication, etc. Un coffret « mono » doit suivre.

Je connaissais déjà la quasi totalité de ces enregistrements, et en admirais de longue date les prises de son, presque toutes réalisées au Victoria Hall de Genève, par les ingénieurs de Decca de la grande époque. De ce que j’ai pu entendre de ce nouveau coffret, les remastérisations sont impressionnantes, en ce qu’elles gomment les défauts des premières prises stéréo, sans altérer – au contraire – leur parfait équilibre. Et quand Decca annonce toutes les captations stéréo cela comprend aussi des enregistrements qu’on ne connaissait pas en CD, comme une 1ère et une 8ème symphonies de Beethoven captées en mai 1956 (sept ans avant l’intégrale des symphonies)

En terres germaniques

Quant au contenu, il permettra, on l’espère, d’élargir la perception qu’on a de ce grand chef, une fois pour toutes catalogué comme spécialiste de la musique française. On aime tellement enfermer les musiciens dans des cases…

Qu’on écoute seulement ce qu’Ansermet fait de la demi-douzaine de cantates de Bach qu’il a gravées, des symphonies parisiennes de Haydn (la première intégrale en stéréo !), bien sûr des symphonies de Brahms et Beethoven, si proches de conception de son contemporain Monteux

Les Weber, Mendelssohn, Schumann (magnifique 2ème symphonie) ne manquent ni d’élan ni de saveur.

Maître de ballet

Qui pourrait oublier qu’Ansermet a été, de 1915 à 1923, le chef des Ballets Russes, qu’il a, à ce titre, créé les partitions du Tricorne de Manuel de Falla, de Noces de Stravinsky, qu’il a étroitement connu ceux dont il dirigeait les oeuvres ! Ses enregistrements des trois grands ballets de Tchaikovski, de Coppélia de Delibes, de Glazounov, évidemment de Stravinsky (malgré la brouille qui les a séparés après la guerre, Ansermet refusant de jouer les partitions « révisées » par Stravinsky, qui, ce faisant, régénérait le compteur de ses droits d’auteur!). Dans Tchaikovski en particulier, les tempi d’Ansermet peuvent parfois surprendre, on ne doit jamais oublier que lui savait ce qu’était qu’accompagner des danseurs !

Une curiosité sans limite

On ne peut résumer ici ce que fut l’incroyable carrière du chef suisse, fondateur en 1918 de l’Orchestre de la Suisse Romande qu’il dirigea jusqu’en 1967, ni l’étendue de ses curiosités et de ses répertoires. Mais on en trouve, dans ce coffret, l’éclatant témoignage.

De Sibelius, il a laissé deux symphonies, dont une surprenante Quatrième :

En septembre 1968 pour l’un de ses tout derniers enregistrements, il grave la 3ème symphonie d’Albéric Magnard.

Il n’oublie jamais ses contemporains suisses, Honegger bien sûr (c’est Ansermet qui crée le poème symphonique Pacific 2.3.1, Frank Martin

On l’a bien compris, ce coffret est une malle aux trésors, qu’on n’a pas fini de redécouvrir.

Sous les pavés la musique (X) : Corboz la suite, Trevor Pinnock en 100 CD

Le slogan « Sous les pavés la plage  » est l’un des plus célèbres qui nous soient restés de Mai 68. Ce printemps 2023 semble, lui, particulièrement productif en pavés de disques.

C’était, à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire, le pavé Gardiner chez Warner (lire Les Pâques de Gardiner), il y a quelques semaines le superbe hommage du Concertgebouw à son chef historique, Bernard Haitink (voir Bernard Haitink l’intégrale).

Voici qu’en peu de jours j’ai reçu deux coffrets commandés dès l’annonce de leur publication, la suite des enregistrements de Michel Corboz, et un fort coffret de 99 CD et 1 DVD consacré au claveciniste, chef et fondateur de l »English Concert, Trevor Pinnock.

Corboz la ferveur

J’avais salué, comme la critique à peu près unanime, l’oeuvre pionnière du chef de choeur suisse, et la parution chez Warner d’un premier coffret consacré à la période baroque. La suite avait été d’emblée annoncée, puisque Michel Corboz n’a jamais limité ses curiosités et a souvent révélé des répertoires romantiques ou modernes moins fréquents au disque.

C’est ce que nous restitue un second coffret très complet :

Comme dans le premier coffret, il y a quelques doublons, qu’il est passionnant de comparer : deux fois le requiem de Mozart, la Missa di gloria de Puccini, le requiem de Fauré ou le requiem allemand de Brahms. Noter que les derniers enregistrements réalisés pour Aria Music et/ou Virgin Classics ont été tous repris ici. Comme les étonnants requiems du Portugais João Domingos Bomtempo (1775-1842) ou du spécialiste de l’opérette viennoise Franz von Suppé (1819-1895)

Ce qui caractérise l’art de Michel Corboz, plus encore si c’est possible que dans le répertoire classique ou baroque, c’est la ferveur, l’ardeur, de sa direction. Ce sont souvent les troupes du Gulbenkian de Lisbonne qui sont sollicitées, dans des prises de son souvent très réverbérantes (comme les aimait Michel Garcin, le légendaire directeur artistique d’Erato). Un coffret tout aussi indispensable que le premier.

Trevor Pinnock ou la distinction

J’avoue n’avoir jamais prêté une grande attention à la carrière et aux disques du quasi-contemporain de John Eliot Gardiner, Trevor Pinnock, 77 ans. J’ai bien eu dans ma discothèque quelques Haendel, ses Haydn (quelques messes et les symphonies dites « Sturm und Drang ») sans jamais m’y attarder vraiment. Allez savoir pourquoi !

Je me suis finalement décidé à acheter, à un prix réduit, le coffret qui rassemble tout ce qu’il a enregistré pour Archiv Produktion entre 1977 et 2000.

Voici plusieurs jours que je redécouvre d’abord un magnifique ensemble, The English concert, fondé il y a cinquante ans, qui rayonne de couleurs plus méditerranéennes que britanniques, notamment dans Vivaldi. Mais aussi dans une intégrale des symphonies de Mozart, où l’élégance, la fluidité du trait n’excluent pas la profondeur. Les Haendel sont de premier ordre, moins raides que ceux de Gardiner.

Pépites suisses

Alain Lompech postait il y a quelques jours sur Facebook une vidéo qu’il trouve à juste titre extra-ordinaire : Nelson Freire jouant le 2ème concerto de Saint-Saëns avec l’orchestre de la Suisse italienne.

Cela m’a rappelé que j’ai dans ma DVDthèque un coffret de 10 DVD (avec des suppléments audio sur chacun), sans doute acheté un jour en Allemagne pour un prix dérisoire, et que j’avais sans doute négligé de regarder plus avant.

Ce ne sont que des pépites, de véritables trésors, des captations faites par la télévision suisse italienne dans son grand studio de Lugano dans les années 70 et 80.

Je viens de vérifier sur les sites de la FNAC et d’Amazon, le dit coffret plat est disponible chez des revendeurs chevronnés à des prix dérisoires.

Le contenu est incroyablement alléchant. A chaque fois c’est l’Orchestra della Svizzera italiana (Orchestre de la Suisse italienne) qui joue. La plupart des solistes invités sont dans leurs jeunes années. Qu’on en juge :

DVD 1 Beethoven concerto n°5 (Homero Francesch, piano), Brahms symphonie n°3 / Dir. Serge Baudo

DVD 2 Chopin concerto n°1 (Tzimon Barto, piano), Beethoven symph.n°3 / Dir. Roderick Brydon

DVD 3 Fauré Masques et bergamasques, Franck Variations symphoniques (Nelson Freire), Bizet Jeux d’enfants, Saint-Saëns Concerto n°2 (Nelson Freire, piano) / Dir. David Shallon. David Shallon était un chef israélien, incroyablement doué, qui avait dirigé notamment l’orchestre de Jérusalem et le philharmonique du Luxembourg, mort à 50 ans, en l’an 2000, dans des conditions atroces d’une crise d’asthme foudroyante sous les yeux impuissants de son épouse d’alors, l’altiste Tabea Zimmermann.

DVD 4 Haydn Symphonie n°103, Mozart concerto n°20 (Maria Tipo, piano) / Dir. Peter Maag

DVD 5 Lebrun concerto hautbois n°1 (Omar Zoboli), Mozart Symphonie 35 / Dir. Frans Brüggen

DVD 6 Mozart La Clemenza di Tito ouv., Concerto n°21 (Mikhail Rudy, piano), Schubert Symph.n°3 / Dir. Christof Escher

DVD 7 R.Strauss Der Rosenkavalier suite valses, Burlesque (Bernd Glemser, piano), Brahms Symph n°2 / Dir. Nicolas Carthy

DVD 8 Récital Zoltan Kocsis (Mozart, Beethoven sonate 32, Schubert sonate D 960

DVD 9 Roland de Lassus Les larmes de Saint-Pierre, Ockeghem Missa pro defunctis / Hilliard Ensemble, Consort of Musicke

DVD 101 Récital Marilyn Horne (Gluck, Meyerbeer, Saint-Saëns, Rossini, Bizet) / Dir. Martin Katz

Funérailles etc.

Lundi j’ai fait comme tout le monde, même ceux qui s’en sont défendus, j’ai regardé cette cérémonie de funérailles comme on n’en avait jamais vu et comme on n’en reverra probablement plus. Les Britanniques savent faire le grand spectacle.

Les plus mélomanes des téléspectateurs auront remarqué la qualité des musiques jouées et chantées lors des obsèques d’Elizabeth II. Le chant choral est consubstantiel à la nation britannique. C’est ce qu’on expliquait en présentant la dernière édition So British du Festival Radio France. C’est ce que le monde entier a pu constater lundi, et depuis l’annonce du décès de la reine.

En revanche, rien, pas un mot, pas une mention des oeuvres jouées lors de la cérémonie à Westminster. Il y avait pourtant deux créations. Venant de deux des compositeurs les plus importants du Royaume-Uni.

Judith Weir maîtresse de musique

Judith Weir, née en 1954, était depuis 2014 le « maître de musique » de la reine. Choix audacieux, à l’époque, de la part d’une souveraine décrite comme conservatrice que de choisir une femme pour succéder à Peter Maxwell-Davies (1934-2016). En l’occurrence, Judith Weir qui a beaucoup composé pour la voix et le choeur, a repris, sans grande audace, le psaume 42.

James McMillan, l’Ecossais catholique

James McMillan, 63 ans, est sans doute le compositeur vivant le plus joué du Royaume-Uni. Le Scottish Chamber Orchestra donnait la première française de sa pièce Eleven le 29 juillet dernier à Montpellier. il est régulièrement à l’affiche des grandes formations britanniques. C’est sans doute son patriotisme écossais qui lui a valu d’être commandité par la défunte reine pour ce chant qui était bien le seul de toute la cérémonie d’obsèques à revêtir une apparence de modernité.

Par charité, on passera sur tous les commentaires, reportages, dont on nous a gavés pendant la décade qui séparait le décès de la souveraine de ses obsèques. L’insistance sur le « visage marqué », les signes visibles de « l’émotion » de Charles III, confinaient au ridicule absolu : en effet le nouveau roi n’assistait pas à une surprise party !

L’invention de nos vies

Après cette longue séquence britannique, qui ne m’a pas empêché de sortir, l’ouverture du Festival de Laon jeudi dernier (et l’exercice difficile de ma première critique de concert : Ainsi chantait Caligula), l’envie d’aller au théâtre voir une pièce donnée à Avignon l’été dernier : L’invention de nos vies, une adaptation du roman de Karine Tuil par Johanna Boyé, qui fait aussi la mise en scène, et Leslie Menahem.

« Quand Sam Tahar a emprunté l’identité de Samuel, son ex meilleur ami, pour partir à New-York, faire une brillante carrière dans un prestigieux cabinet d’avocats, épouser la fille du principal associé et intégrer ainsi une des familles juives les plus puissantes du pays, il n’imaginait pas que son passé d’enfant des cités, révolté, violent, sans repères ni avenir, franchirait l’océan pour le rattraper et révéler le fragile château de cartes de son existence, au sein duquel il se croyait pourtant à l’abri… »

Une pièce « chorale » comme on le dit d’un film qui brasse les situations, les personnages, six excellents acteurs – Mathieu ALEXANDRE, Yannis BARABAN, Nassima BENCHICOU, Brigitte GUEDJ, Kevin ROUXEL, Elisabeth VENTURA qui endossent plusieurs rôles selon les séquences conduites à un rythme haletant – et au milieu d’eux, le charismatique Valentin de Carbonnières, Molière de la révélation 2019, qui porte superbement le personnage central, ambigu à souhait, Sam (ou Samir) Tahar.

C’est au théâtre Rive Gauche, rue de la Gaîté à Paris. Et cela mérite d’être vu !

Les airs du bonheur

Fin de saison plutôt agréable et légère. Où l’on s’aperçoit, une fois de plus, que le temps passe vite, trop vite, malgré une interruption involontaire (Une expérience singulière), et qu’on se retrouve fin juin comme si de rien n’était…

Une forme olympique

C’est toujours un bonheur de retrouver Julien Chauvin et son Concert de la Loge qui n’a toujours pas le droit de s’appeler olympique. C’était vendredi dernier dans l’église Notre-Dame d’Auvers-sur-Oise (à jamais immortalisée par Van Gogh quelques jours avant sa mort en juillet 1890) dans le cadre du Festival d’Auvers.

Un programme comme toujours savamment concocté qu’on aurait pu éviter de titrer pompeusement en anglais « Opera Gala Vienna Masters » ! Haydn, Gluck, Mozart (avec sa symphonie Jupiter comme fil rouge).
(De gauche à droite: assis de dos Julien Chauvin, Patricia Petibon, Gaëlle Arquez, Stanislas de Barbeyrac)

Trois solistes, Patricia Petibon, Gaelle Arquez, Stanislas de Barbeyrac. Des airs, des duos, des trios, des découvertes aussi.

Une pure splendeur à épingler : l’air de Don Ottavio – Il mio tesoro – dans Don Giovanni de Mozart. Stanislas de Barbeyrac impérial à Auvers, comme ici au Metropolitan Opera

Mélodies du bonheur

Avant-hier c’était au Théâtre des Champs-Elysées que s’achevaient en même temps la saison du théâtre et le festival annuel du Palazzetto Bru Zane, avec un programme qui ne pouvait que nous enchanter.

L’Orchestre de chambre de Paris dirigé par Hervé Niquet, Véronique Gens, Hélène Guilmette, Julien Dran, Tassis Christoyannis, le harpiste Emmanuel Ceysson, le violoncelliste Xavier Philips, le pianiste Cédric Tiberghien, pour servir la muse poétique, légère et capricieuse de Chausson, Fauré, Saint-Saëns et surtout Massenet, il y avait peu de risque qu’on soit déçu. Et on ne l’a pas été ! Peu de chefs-d’oeuvre dans cette enfilade d’airs, de duos, de quatuors, quelques jolis solos, mais de la musique sacrément bien troussée et réjouissante. En résumé, que du bonheur !

Michel Corboz (1934-2021)

Il faut bien s’y résigner, ceux qu’on aime ne sont pas immortels. J’avais fini par croire que lui échapperait à la règle. Michel Corboz est mort aujourd’hui à 87 ans.

J’ai tant aimé l’homme, le musicien, l’artiste, même si je n’ai jamais travaillé avec lui.

Cette image de décembre 1987, la première émission de Disques en lice (Une naissance) autour de l’Oratorio de Noël de Bach, et ma première rencontre avec Michel Corboz :

(à la Radio suisse romande à Genève, de gauche à droite, François Hudry, le producteur de l’émission, JPR, Chiara Banchini, Michel Corboz et Pierre Gorjat)

Si Armin Jordan a été mon père en musique, son compatriote a été, sans le savoir, mon parrain. J’ai tant appris de lui sur tout le répertoire qu’il a exploré, parfois défriché, de Monteverdi à Bach, jusqu’à Fauré, Mendelssohn ou Brahms.

Michel Corboz était un bloc d’exigence et de bonté, de ferveur radieuse. Lire le bel article que lui consacre la Radio Télévision Suisse : Michel Corboz s’en est allé

Je reviendrai sur une discographie aussi riche que diverse: voir Michel Corboz : une discographie . En témoigne ce Requiem de… Franz von Suppé, dont Michel Corboz avait gravé une lumineuse version à la tête des forces musicales de la fondation Gulbenkian de Lisbonne

Témoignages

Depuis cette réaction à la mort de Michel Corboz, nombreux sont celles et ceux qui ont témoigné de leur attachement à ce grand musicien. Je reproduis ici deux textes, bouleversants autant qu’éclairants, rendus publics sur Facebook, l’un de Jeanne Perrin qui a travaillé avec et auprès de Michel Corboz, l’autre du merveilleux Leonardo Garcia Alarcon. Tout y est dit.

Jeanne Perrin

Son amour des bons vins, ses insomnies, ses partitions, ses lunettes, ses chaises sans barreaux, ses réponses toute prêtes pour les interviews, son sourire de circonstance, son froncement de sourcil avec le Ah bon ?, son chapeau, ses restos à proximité de l’hôtel, sa place dans le car (premier tiers avant à tribord), ses chaussettes en fil d’Écosse, ses colères monumentales, ses baguettes de direction différentes selon les compositeurs (courte et trapue pour le Rossini, longue et brute pour le Schubert), sa mauvaise foi, son humour, sa manière de nous pétrir le bras, sa simplicité, sa manie de changer le plan de scène, ses migrations de piano à chaque concert qui nous font noter sur la fiche technique Mettez le piano où vous voulez, de toute façon ça n’ira pas, son sens helvétique du timing, sa force de devenir à lui tout seul le quatrième mur, son siège de contrebasse, son intérêt sincère pour la vie des gens, pour les gens, pour leur histoire, ses enfants, ses blagues grivoises qu’il raconte dans le car en tournée dans la Loire, sa manière de siffler le rythme qu’on distingue jusque sur le CD, ses bobos qui apparaissent quand il n’est plus occupé et qu’il a le temps de se regarder le nombril, ses bobos plus sérieux.Son sourire humble d’artiste très ému, celui qu’il affiche à l’occasion des saluts et quand il serre chaleureusement la main à quelqu’un qu’il ne remet pas du tout… Le seul mot qu’il connaisse en anglais (Begining !), qui oblige Sinfonia Varsovia à recommencer au début de l’œuvre alors qu’on aurait pu reprendre à la mesure 52 – mais 52, il ne sait pas dire…Ses maisons qu’il aime à Lausanne, Cevins et Lens et les trajets qui en résultent, sa manière de parler du dernier match de Federer 4 secondes avant d’entrer en scène, le rendez-vous chez Pablo après la répétition, ses phrases assassines (Votre la aigu était excellent, formidable ! Dommage qu’il vous serve de si bémol !), sa manière de s’adresser en allemand à toute personne qui ne parle pas français, son allemand de cantate et son italien d’opéra, sa manie d’être toujours en avance et de laisser entendre que les autres sont en retard, sa carrière, sa générosité, les amis restés en arrière, ses salutations par mail issues d’un autre siècle, toutes ces messes, sa discographie, sa filmographie et ses séances de dédicaces qu’il honore en traînant les pieds, sa Prius rouge, sa culture qu’il n’étale pas, ses petits-enfants, son salut par les œuvres, ses yeux devant le plateau des desserts du Baron Lefebvre, ses remèdes miracle découverts cette nuit sur internet. Tout ça et bien plus encore. Son panache.Tant d’églises, de cathédrales, d’abbatiales, de salles de concerts, tant de messes grandes et petites, de requiem, de cantiques… Tu l’auras bien gagné, ton paradis. Bon voyage.

Leonardo Garcia Alarcón

Michel Corboz, le Grand, vient de quitter ce monde. Il n’y a pas de mots pour dire exactement à quel point ce musicien hors pair a inspiré les voix et les instrumentistes qui ont travaillé avec lui.Son bras dialoguait avec d’autres mondes et ses mains donnaient corps et chair au silence, le transformant en Musique, une Musique qui naissait dans un lieu que lui seul fréquentait. Je n’oublierai jamais nos concerts de la Passion selon saint Matthieu au Teatro Colón de Buenos Aires le 4 août 2000 et dans la cathédrale de La Plata (ma ville natale) le 6 août 2000, miracles inégalés pour moi dans une salle de concert. Les solistes étaient tous argentins, Bernarda Fink, Adriana Fernández, Víctor Torres, Markus Fink et un évangéliste dont, hélas, je ne me rappelle pas du nom. Qu’il me pardonne.Juan Manuel Quintana a la viole de gambe ( Michel l’aimait tellement, avec raison) . Je dois faire une confession publique, c’est le jour pour ça. Michel Corboz m’a montré une voie, une voie de relation directe avec les sons, avec le « bel canto », avec la respiration et la dynamique. J’ai pu lui dire cela plus tard. En observant ce que j’obtenais grâce à sa direction, j’ai commencé à me méfier de trop d’intellect appliqué à la musique, du microcosme ornemental dont on peut habiller les grandes œuvres et de la recherche d’un esthétisme superficiel sans profondeur métaphysique.La foi de Corboz en la musique dépassait tout.Il est impossible de revenir en arrière après avoir vécu une expérience musicale avec cet artiste unique. Je pense qu’il faudrait inventer un vocabulaire pour définir la ligne vocale qu’il obtenait avec ses gestes et ses mouvements, à la fois plastiques et solides, aériens mais avec un densité spécifique.Il était sans doute un « médium » entre le Ciel et Terre, ou plutôt entre le monde extérieur et les profondeurs de nos âmes. Je ne pense pas exagérer dans ce que je dis, car tous ceux qui l’ont connu pensent, je le crois, comme moi. Un grand alchimiste nous a quittés.Nous nous sentons comblés par sa mémoire éternelle, mais orphelins de son charisme, de ce regard et de ce sourire indéfinissables qui contenaient toutes les émotions humaines et cachaient un mystère que je n’ai jamais pu dévoiler.J’ai eu le plaisir de partager une table avec lui à Buenos Aires. Tout ce qu’il a partagé sur Johann Sebastian Bach, la musique ancienne et la musique polyphonique en général, la Résurrection de l’Ercole Amante de Cavalli, le Vespro de Monteverdi, le Dixit de Haendel, ou même sa pratique des instruments anciens et son expérience avec eux, je pense qu’il mérite que je transcrive à mon tour. Je n’étais qu’un jeune musicien de 23 ans, mais je pense que je pouvais déjà me rendre compte de la grandeur de celui qui était en face de moi. Monsieur Corboz, merci de m’avoir guidé dans de nombreux choix artistiques de manière constante, comme cela a été le cas, je crois, pour tous les musiciens qui ont été irradiés par votre personnalité artistique. Haendel et Bach doivent se faire concurrence pour savoir quelle musique vous accueillera dans ce voyage.Merci Michel . Je vous remercie encore et encore

Lire aussi : Michel Corboz, une discographie

Que la fête commence !

Avant d’évoquer les premiers jours de fête du #FestivalRF21, une pensée amicale et solidaire pour tous mes amis de Liège et de Belgique, pour toutes les victimes des terribles inondations qui ont frappé l’est de la Belgique et la région de Cologne que je connais bien.

(La Meuse au centre de Liège il y a 3 jours / Photo G. Gilson sur Facebook)

Je sais que ni le courage ni la solidarité ne manqueront à ceux qui doivent maintenant réparer, nettoyer, restaurer…

Chaque concert est une fête

Entre une proclamation, une promesse, et la réalité, il peut parfois y avoir un fossé. Le pari que nous avions fait en annonçant le 7 avril dernier une édition complète (155 concerts) du Festival Radio France Occitanie Montpellier est très largement relevé, comme en témoignent les premiers jours du Festival.

Avant-hier matin, au micro de Clément Rochefort sur France Musique, c’est ce que j’affirmais : Chaque concert est une fête, la musique est une fête !.

Dimanche soir à Saussan, le quatuor Alborea enchantait la petite église du village pleine comme un oeuf.

Mardi matin, j’étais heureux de retrouver « en vrai » les musiciens de l’Orchestre national de Montpellier et leur chef Michael Schonwandt pour la première répétition de leur concert de ce soir

Mercredi jour de fête nationale, on y était enfin, sur la place de l’Hôtel de Ville de Montpellier, après un montage compliqué.

(Le maire de Montpellier, Michael Delafosse, ouvre le concert du 14 juillet sur le parvis de l’Hôtel de Ville)

(de gauche à droite les artistes du 14 juillet : Isabelle Georges, Roland Romanelli, Claude Salmieri, Benoît Dunoyer de Segonzac, Frederik Steenbrink)

Après le feu d’artifice républicain du 14 juillet, les Feux d’artifice royaux de Haendel tirés par un Hervé Niquet en pleine forme à la tête des choeurs et de l’orchestre du Concert spirituel.

Mais avant le concert du soir, le festival offrait, comme chaque année, deux concerts, les « Découvertes » à 12h30, « Musique ensemble » à 18 h. Honneur d’abord au Quatuor Hanson qui ouvrait le feu salle Pasteur…

et à 18h ma très chère Sophie Karthäuser, et un autre ami cher, Cédric Tiberghien, que je n’avais plus revus, l’une et l’autre, depuis quelques années déjà.

Hier soir, très attendus par le millier de spectateurs réunis à l’opéra Berlioz (la jauge maximale que nous avions retenue pour éviter le recours au pass sanitaire), Renaud Capuçon et Michel Dalberto ont donné un programme plus que rare, devant une salle impressionnante de silence et de concentration. Un concert à réécouter sur francemusique.fr

Un copieux programme attend les festivaliers ce week-end, à découvrir ici.

Servir plutôt que se servir

La « niaque » de Carole Delga

Les médias parisiens ont mis plusieurs heures à saluer et analyser la large victoire de Carole Delga aux élections régionales en Occitanie.

J’ai la chance de travailler depuis six ans avec la présidente de la Région Occitanie. Le soutien que je lui ai apporté avant l’élection, les félicitations que je lui ai adressées dimanche soir, n’étaient ni de pure forme ni de politesse intéressée. J’aime son caractère, sa fidélité imparable à des valeurs sur lesquelles elle n’a jamais transigé (« Mon projet n’est pas compatible avec les propos de Jean-Luc Mélenchon »), sa fidélité aussi aux hommes et aux femmes de cette immense région. Il n’est que d’écouter ce qu’elle déclarait dans la première interview qu’elle accordait lundi matin à France Bleu Toulouse : Mon avenir, c’est la Région Occitanie

J’aime la politique quand elle est pratiquée de la sorte : dire ce qu’on fait, faire ce qu’on dit. C’est ce que, au-delà d’une abstention massive et très préoccupante, les électeurs ont voulu approuver dimanche.

Je salue ici aussi la belle victoire d’élus régionaux – Hussein Bourgi, Serge Regourd -, départementaux – Renaud Calvat – qui ont la même conception de la politique : servir plutôt que se servir.

Les valeurs de Renaud Capuçon

Prononcer son nom sur certains réseaux sociaux vous expose à toutes sortes de railleries et d’apostrophes. Renaud Capuçon on aime ou on déteste !

Le violoniste que j’ai invité le 16 juillet prochain à Montpellier avec Michel Dalberto à jouer Fauré, Elgar et Richard Strauss (lefestival.eu) se livre, comme jamais, dans un long entretien au magazine Classica de juillet.

Ses admirateurs comme ses détracteurs devraient lire ce que dit Renaud Capuçon, sans aucune langue de bois :

Sur la crise sanitaire : « Je n’ai laissé voir que le côté bon élève gentil qu’on retrouve dans mon aspect physique ou ma manière de m’habiller. Or j’étais intérieurement désespéré. Pas pour moi, mais pour les autres. Je sais que l’Etat a fait beaucoup, bien plus que les autres pays du monde, mais si le musicien d’orchestre ou les intermittents ont été protégés, ce n’est pas le cas des solistes qui ont vu s’annuler tous leurs concerts de l’année contre une maigre obole de 1500 €. Il y a eu des gens connus qui n’arrivaient plus à payer leur loyer.. »

Un projet sans lendemain : « Au lieu de pleurer, j’ai imaginé le projet d’une gigantesque captation de toute la musique française, de Rameau à nos jours, pour donner du travail à tous et créer un document unique, payé par l’Etat, consultable partout et qui pourrait s’avérer un trésor national »…. Le violoniste dit en avoir parlé à Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot, mais constate que ça n’a pas pu se faire : « Je n’en veux à personne, mais c’est dommage car c’était un vrai plan Marshall pour la culture, qui aurait mis tous les musiciens français, connus ou pas connus, à égalité et qui aurait rallumé la flamme »

Notre-Dame et les insultes : Renaud Capuçon évoque sa traversée de la crise sanitaire, les projets qu’il a imaginés avec de jeunes musiciens pour des captations, et un épisode qui l’a meurtri : « à Pâques en 2020, l’archevêché de Paris m’a demandé de jouer les Sept dernières paroles du Christ de Haydn avec mon quatuor à cordes. Je suis musicien, croyant, amoureux de Notre-Dame, j’ai tout de suite dit oui. Mais le général Georgelin a prévenu qu’il était impossible d’accueillir plus d’un musicien pour des raisons de sécurité. J’y suis donc allé seul. Après cette expérience, j’étais encore rempli d’émotion quand un ami m’a appelé. C’est par lui que j’ai appris le déchaînement d’insultes déversées sur ma page Facebook. Il y avait des violonistes, des personnes que je connaissais. J’étais abasourdi. Cette période révèle la vraie nature des gens »

Plus loin, Renaud Capuçon confesse une addiction paradoxale aux réseaux sociaux, mesure les avantages comme les inconvénients de la célébrité, de l’exposition (surexposition ?) médiatique..

Servir et non se servir de la musique : « Mon obsession, c’est que la musique ne soit jamais reléguée au second plan. Ne jamais perdre de vue le noyau, l’intégrité. Chaque jour je dois prendre des décisions, je suis très souvent sollicité pour des choses qui pourraient me tenter… J’ai refusé de participer à Prodiges* qui est une émission de divertissement. Je reste attaché à une certaine éthique, celle des Casals, Busch, Menuhin.

En un mot, j’aime et j’admire ceux qui ne se servent pas de la musique mais qui la servent.

Je n’ai pas regardé les dernières Victoires de la musique classique. Je reste marqué par une certaine époque et une certaine classe, celle d’un Jacques Chancel hier ou d’une Anne Sinclair aujourd’hui. Partager le beau avec un large public sans avilir. J’ai souvent l’impression que la télévision ignore ce qu’est un vrai talent ou un vrai musicien. Sur les chaînes publiques la musique fait partie du cahier des charges, mais on lui demande aussi de faire de l’audience alors même qu’il n’y a plus de publicité à cette heure-là. Il faudrait s’inspirer de la BBC qui opère une distinction entre culture et divertissement…. Ce n’est pas le nombre de followers qui doit décider qui joue bien une sonate de Mozart. La musique classique, c’est tout sauf ce monde-là ! »

Il faut lire toute la suite de l’entretien, largement consacrée au répertoire du musicien, à ses rapports avec les compositeurs d’aujourd’hui, à son activité d’enseignement et aux projets qu’il nourrit avec l’Orchestre de chambre de Lausanne dont il vient d’être nommé directeur artistique

Quant à moi, je ne suis pas surpris de lire cet entretien. Je connais Renaud depuis ses 18 ans ! Je l’ai vu se former, se forger son identité de musicien, progresser pas à pas, je l’ai invité plusieurs fois à Liège – Brahms, Rihm, Escaich, Beethoven… -. Je l’ai entendu créer les oeuvres de Dusapin, Mathias Pintscher. Je lui avais demandé, en 2017, de jouer à Montpellier le concerto de Khatchaturian, voici ce qu’il en disait au micro de France Musique : « C’est la première fois que je joue ce concerto. Au départ, je comptais présenter le n°1 de Prokofiev mais j’ai accepté le challenge de travailler un nouveau concerto car il était totalement dans le thème de cette soirée appelée « Aux confins de l’Empire ». Je suis très heureux de le jouer car c’est une œuvre que je connaissais mal. Elle a beaucoup d’allure et qui va plaire au public. C’est très daté dans l’écriture car quand on compare avec ce que pouvait composer Schönberg, Stravinsky ou Berg à la même époque ou plus tôt. Ce concerto illustre extrêmement bien l’époque, la Russie des années 1940.« 

J’ai hâte de le retrouver le 16 juillet prochain à Montpellier.

(* Prodiges est une émission de France 2, un « concours » pour jeunes musiciens avec un jury dont fait partie Gautier Capuçon, le frère violoncelliste de Renaud)

Déconfinement

Lorsque j’ai fait cette annonce – c’était le 7 avril dernier ! – je me suis heurté à ceux, y compris dans mon entourage, qui me trouvaient, au choix, inconscient, imprudent, excessivement optimiste. Certains faisaient le rapprochement avec l’an dernier : le 2 avril j’avais annoncé l’édition 2020 du Festival Radio France, pour finalement devoir l’annuler le 24 avril (et pourtant nous avons fait un Festival malgré tout !)

La meilleure réponse nous a été apportée par le public qui, dès l’ouverture des réservations le 8 avril, s’est précipité sur la billetterie en ligne du Festival et a, ainsi, validé notre optimisme et surtout la programmation festive de cette édition 2021 (lefestival.eu)

Chaque concert est une fête

C’est plus que le slogan de ce prochain Festival, c’est une conviction, une promesse.

Des preuves ? Un premier florilège des oeuvres et des artistes programmés (il y a aura une suite !)

Le 14 juillet, l’Umlaut Big Band ouvre le Bal à Montpellier

Le lendemain du feu d’artifice de la Fête nationale, Hervé Niquet lance les Feux d’artifice royaux

Ce même 15 juillet, un duo de charme, Sophie Karthäuser et Cédric Tiberghien, ouvre la série Musique ensemble

Le lendemain, le très talentueux Dmitry Shishkin, 2ème prix du Concours Tchaikovski 2019*- l’un des 30 pianistes invités du Festival ! – figure parmi les Découvertes de cette édition 2021.

Le 16 juillet, dans la grande salle de l’Opéra Berlioz, une séance de sonates au sommet : Richard Strauss, Elgar, Fauré sous les doigts et l’archet de Michel Dalberto et Renaud Capuçon

Le 18 juillet, le Festival retrouve son chef porte-bonheur, Santtu-Matias Rouvali. Découvert, pour ma part, en 2014 lorsqu’il était venu diriger deux concerts, deux programmes, déjà à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France

SMR était revenu avec les mêmes en 2018 pour un Sacre du printemps mémorable, et en 2019 pour deux concerts tout aussi exceptionnels avec l’orchestre philharmonique de Tampere (Finlande) dont il est le directeur musical depuis 2013

(de gauche à droite, Santtu-Matias Rouvali, JPR, Jean-Luc Votano qui venait de jouer l’extraordinaire concerto pour clarinette de Magnus Lindberg)

Thibaut Garcia est un autre invité de choix du #FestivalRF21. Il sera de la soirée du 18 juillet, et de plusieurs autres à Montpellier et dans la Région Occitanie.

Le 19 juillet, François-Xavier Roth, son orchestre « Les Siècles » et la violoncelliste argentine Sol Gabetta nous offrent un programme tout Saint-Saëns, dont le rare 2ème concerto pour violoncelle.

Je ne peux m’empêcher de redonner un coup de projecteur sur un projet discographique qui m’avait passionné : l’intégrale des oeuvres concertantes de Saint-Saëns pour violon et violoncelle.

Saint-Saëns est à l’honneur du concert de l’Orchestre National de France et de son chef Cristian Măcelaru, avec une vraie rareté, pour ma part, jamais entendue en concert, l’une des cinq symphonies du compositeur français, Urbs Roma. On se réjouit de l’appétit que manifeste le nouveau directeur musical de l’ONF pour le répertoire français, comme en témoigne cet enregistrement – sans public – réalisé durant le confinement.

On poursuivra bientôt ces invitations aux concerts de l’été.

Tout le programme est à retrouver et télécharger ici. Et les réservations sont plus que recommandées : https://lefestival.eu

*Le premier Prix du Concours Tchaikovski 2019 sera aussi présent au Festival le 24 juillet (Alexandre Kantorow)

Les raretés du confinement (XII) : Tavernier, Faust, Levine, Grumiaux…

Confinement, épisode 3

Depuis ma dernière chronique – Les raretés du confinement (XI)- les heureux habitants de 19 départements français, dont l’Ile-de-France, ont eu droit à un troisième confinement qui ne dit pas son nom. Et, pour ce qui me concerne, je suis entré en période d’abstinence, abstinence de JT sur le service public (France 2, France 3) : je ne supporte plus ces micro-trottoirs, ces « directs » dans les villes confinées, et, pire, ces sujets anxiogènes, toujours les mêmes – « le gouvernement va devoir donner un tour de vis supplémentaire ». Alors que, dans le même temps, on ne voit ni n’entend jamais un sujet sérieux, qui demanderait, il est vrai, un peu plus de travail et d’investigations, sur la réalité des contaminations en extérieur. Les télés nous montrent à l’envi des rassemblements sur les quais de Seine, à Marseille, tandis qu’on entend les spécialistes, et même le ministre de la Santé, proclamer que le risque de propagation du virus est infime : qu’attend-on pour enquêter sur les suites de ces « rassemblements », y a-t-il eu augmentation consécutive des hospitalisations, des contaminations ? Des faits précis, plutôt que des suppositions et des approximations, n’est-ce pas le minimum qu’on puisse attendre de ceux qui ont mission de nous informer ?

14 mars : le pianiste inconnu

En me replongeant dans l’imposant coffret paru l’été dernier consacré à John Barbirolli (1899-1970) : – voir Sir John) j’ai trouvé cet enregistrement du 5ème concerto de Beethoven, auquel je n’avais pas prêté attention, et ainsi découvert un pianiste, dont – je le confesse à ma grande honte – je n’avais jamais entendu parler de Mindru Katz, roumain et israélien, né à Bucarest en 1925, mort à Istanbul en 1978. Un « Empereur » impérial sous ses doigts !

15 mars : mes premières Danses hongroises

Jean-charles Hoffelé évoquait récemment la noble figure d’un chef allemand que j’aime entre tous depuis longtemps : Hans Schmidt-Isserstedt (1900-1973). Je citais sa lumineuse et parfois oubliée intégrale des Symphonies de Beethoven (Beethoven 250: Schmidt-Isserstedt). J’évoquerai bientôt mes découvertes de jeunesse d’oeuvres de Dvořák et Brahms grâce à lui. Avant-goût avec la première intégrale des Danses hongroises de Brahms qui figura dans ma discothèque d’adolescent.

17 mars : les sérénades de HSI

Grâce à plusieurs rééditions récentes, on redécouvre l’art de l’un des grands chefs allemands du XXème siècle, Hans Schmidt-Isserstedt (1900-1973) – La découverte de la musique: Hans Schmidt-Isserstedt. En 1965, il enregistrait une version lumineuse, pastorale, de la Sérénade pour cordes de Dvořák, à la tête de « son » orchestre de la radio de Hamburg (NDR Orchester):

18 mars : la mort de Jimmy

James Levine était un exceptionnel chef d’opéra, l’incontesté patron et l’âme du Metropolitan Opera de New York pendant 40 ans, mais c’était aussi un formidable chef symphonique. Comme en témoigne une série de symphonies de Sibelius enregistrée avec les Berliner Philharmoniker. (Lire : Dear Jimmy )

Sibelius : Symphonie n°2

Orchestre philharmonique de Berlin dir. James Levine

19 mars : Levine, une vie pour la musique

#JamesLevine encore : Une vie pour la musique Le génie protéiforme du chef lyrique, du maître de l’orchestre symphonique, et un pianiste qui s’amuse avec quelques illustres collègues

20 mars : l’air de Berlin

Je ne me rappelais plus que James Levine avait dirigé l’un des célèbres concerts berlinois en plein air de la Waldbühne en 1999. Ici le bis que tout le monde attend en fin de concert, la marche Berliner Luft / L’air de Berlin de Paul Lincke (1866-1946)

21 mars : Printemps qui commence

Printemps qui commence… sous le signe du confinement pour beaucoup de Français !Printemps qui commence)

« Printemps qui commence » par ma Dalila de coeur, la grande Rita Gorr (1926-2012), voix ô combien troublante et charnelle.

Saint-Saëns : Samson et Dalila, air « Printemps qui commence »

Rita Gorr, mezzo-soprano Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire dir. André Cluytens

21 mars : Grumiaux centenaire

Le violoniste belge Arthur Grumiaux est né il y a cent ans, le 21 mars 1921 – et mort à 65 ans seulement en 1986. Il laisse une discographie considérable (très bientôt rééditée en coffret). Grumiaux a été un des premiers à enregistrer les méconnus concertos pour violon de Haydn.

Haydn: Concerto pour violon en sol Majeur Hob.VIIa/4 1er mvt allegro moderato

Arthur Grumiaux, violon New Philharmonia Orchestradir. Raymond Leppard

22 mars : la mort de Boris

Hommage à l’un des plus grands chanteurs russes, le baryton-basse Evgueni Nesterenko, mort hier, à 83 ans, des suites de la COVID-19.

Inoubliable interprète de Chostakovitch, Tchaikovski et bien sûr de Boris Godounov de Moussourgski, il est ici le Boris d’une célèbre production de 1978 du Bolchoi

23 mars : Divertimento à la hongroise

L’un des chefs-d’oeuvre de Béla Bartók, son Divertimento pour cordes écrit en 1939, avant l’exil du compositeur hongrois aux Etats-Unis, créé le 11 juin 1940 par son commanditaire et dédicataire Paul Sacher et l’orchestre de chambre de Bâle. Ici dans ma version préférée : Antal Dorati dirige le BBC Symphony Orchestra (1964)

24 mars : Déodat de Séverac

Spéciale dédicace à Carole Delga et Hussein Bourgi cette musique délicieuse du compositeur occitan #DeodatdeSeverac né à St Felix Lauragais en 1872 mort il y a 100 ans le 24 mars 1921 à Céret, par le pianiste Aldo Ciccolini qui fut un invité régulier du Festival Radio France Occitanie Montpellier

25 mars : adieu Bertrand

#BertrandTavernier est mort (lire : Bertrand Tavernier: coup de torchon).

Parmi toutes ses qualités, il y avait son goût et sa connaissance de la musique. Le 11 janvier 2019, l’ Orchestre Philharmonique de Radio France jouait sous la direction de Bruno Fontaine la musique composée par Bruno Coulais pour le film-documentaire de Bertrand Tavernier « Voyage à travers le cinéma français« 

26 mars : Faust en prime time

Faust de Gounod a ses fans, ce n’est pas mon cas. Trop « grand opéra », trop long, tout est trop dans ces 5 actes. Mais il y avait de quoi se réjouir que France 5 diffuse, un vendredi soir, en « prime time », la toute récente production, donnée sans public, de l’Opéra de Paris. Un chef – Lorenzo Viotti – qui a tout pour lui, le talent, la jeunesse (il vient de fêter son 31ème anniversaire !) et, dans cet ouvrage, la capacité de saisir toutes les atmosphères, et d’alléger un tissu orchestral parfois bien lourd, d’excellents chanteurs (même si, dans ce rôle et ce personnage de Faust, j’attends une voix plus corsée que celle, ô combien lyrique et élégiaque, de Benjamin Bernheim). Une mise en scène dont toute la presse a salué la pertinence et l’inventivité, celle de Tobias Kratzer.

Côté disques, on en reste aux grands classiques Cluytens et Plasson, pour des distributions qui savent chanter le français (les grands chanteurs de la célèbre version de Georges Prêtre sont vraiment trop exotiques dans un ouvrage où la compréhension du texte chanté n’est pas accessoire !)

27 mars : Around Midnight

De toutes les qualités qu’unanimement on s’accorde à reconnaître à Bertrand Tavernier, il y a sa connaissance et son amour de la musique, comme France Musique l’a déjà rappelé et continue de l’évoquer tout ce week-end.

Il y a eu ce film magnifique de 1986 Autour de minuit :

Réécouter absolument la chronique de Max Dozolme dans la Matinale de France-Musique du 26 mars : Bertrand Tavernier, un portrait musical