Star Wars mais encore ?

Je lis ce matin sur Facebook deux avis très contrastés : « S’il y a quelque chose dont je me fous complètement, c’est bien Star Wars »  et à l’opposé ceci : (http://www.lefigaro.fr/cinema/2015/12/16/03002-20151216ARTFIG00034–star-wars-le-reveil-de-la-force-3-raisons-d-aller-voir-le-film.php).

Malgré le conseil du Figaro je n’irai pas plus voir ce nouvel avatar de la série créée par George Lucas que je n’ai vu les précédents films (si j’ai bien dû, pour ne pas mourir idiot, voir une fois le premier ! mais je n’ai jamais accroché à la science-fiction ni en livre ni au cinéma).

Ce qui m’intéresse évidemment c’est la musique de ces films, au moins aussi célèbre. Programmer un « digest » de Star Wars dans un concert, c’est le succès garanti.

https://www.youtube.com/watch?v=4wvpdBnfiZo

Comme Lawrence d’Arabie ou Le Docteur Jivaro ont fait la réputation (et la fortune) de Maurice Jarre, John Williams est à jamais associé à Star Wars (et E.T. et Harry Potter et Indiana Jones, etc. ). (https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Williams_(compositeur)).

Comme tous les grands compositeurs de musiques de films (Jarre, Herrmann, Francis Lai, Georges Delerue, Alexandre Desplat, Nino Rota…) John Williams est de formation classique, et sa musique l’est tout autant. Dans Star Wars, la proximité (l’emprunt ?) avec Les Planètes (1916) de Gustav Holst (1874-1934) est évidente, notamment dans ce passage :

Et, comme il arrive souvent, la plus moderne des deux n’est pas forcément la plus récente !

Deux idées de cadeaux à (vous) faire pour retrouver ces musiques de films enregistrées dans les meilleures conditions, deux coffrets (à tout petit prix mais avec un minutage généreux !)

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Silence

« De tous ceux qui n’ont rien à dire, les plus agréables sont ceux qui se taisent » (Coluche, Pensées et anecdotes).

Jamais le côté « café du commerce » de la Toile, des réseaux sociaux, Facebook surtout, ne m’a paru plus insupportable que depuis dimanche. L’effet de sidération, de stupeur, qui nous avait tous saisis dès vendredi soir, s’étant estompé, les pires vannes se sont ouvertes. Pourtant je suis resté connecté sur ces réseaux, j’ai essayé de partager les questions, les analyses, les commentaires de beaucoup de mes amis et relations.

Comme tout le monde, j’essaie de comprendre, d’écouter ceux qui en savent plus que moi, je fais appel aussi aux ressources de ma conscience, de ma mémoire. Et finalement je préfère le silence, qui n’est pas l’indifférence, le repli sur soi. Qui peut être communion avec ceux qui ne sont plus, avec ceux qui restent et pleurent leurs morts, avec ceux qui veulent vivre.

J’ai eu besoin de beaucoup de musique. Comme celles-ci :

Schubert à retrouver dans le magnifique coffret que publie Decca pour les 70 ans de Radu Lupu (http://bestofclassic.skynetblogs.be/archive/2015/11/15/radu-lupu-au-singulier-8528752.html)

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La 6eme symphonie n’est pas la plus connue ni jouée des symphonies de Bruckner, et pourtant j’y reviens souvent, à cet extraordinaire adagio d’une grandeur infinie.

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https://www.youtube.com/watch?v=hjxpYRAkKSA

La voix, le timbre de la grande contralto canadienne Maureen Forrester (https://fr.wikipedia.org/wiki/Maureen_Forrester) me bouleversent à chaque écoute. Le label Praga vient de rééditer deux versions de référence, parues séparément au début des années 60, des cycles de Mahler, Des Knaben Wunderhorn et les Rückert Lieder.

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https://www.youtube.com/watch?v=SEXWM94xwI8

La pureté, la simplicité, l’essence de ce chant de douleur de Bach, sous les doigts de ma grand-mère préférée du piano russe, Tatiana Nikolaieva que j’ai eu la chance de côtoyer dans un jury à Genève et surtout d’entendre en concert. Je reviens souvent à ses Bach et ses Beethoven, gorgés d’humanité.

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J’ai dû écouter ces derniers jours plusieurs versions de l’ultime chef-d’oeuvre de Rachmaninov, ses Danses symphoniques. Aucune n’atteint l’intensité du désespoir que Kirill Kondrachine exprime dans le 2e mouvement, cette valse de fin du monde, ces trompettes hurlantes qui ouvrent le bal tragique. Ecouter à partir de 11’10 » (mais les trois Danses sont de la même eau)

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Le chagrin et la raison

Je ne suis rien de plus (ni de moins) qu’un citoyen. J’ai eu et j’ai encore des responsabilités, professionnelles ou politiques, j’ai des valeurs, celles que la vie et ma famille m’ont enseignées. Bientôt 72 heures après les attentats de Paris, je veux simplement consigner ici ce que j’ai vécu, vu, entendu.

Vendredi soir j’étais à la campagne, j’écoutais de la musique, de nouveaux disques à critiquer. Je suivais distraitement Facebook, lorsqu’un mécanisme s’est déclenché dans mon cerveau, une alerte. Quelque chose d’anormal, des bribes éparses, info ou intox, mais un faisceau d’indices graves. Immédiatement, comme un réflexe, recouper, rechercher d’autres sources, puis allumer une chaîne d’info en continu à la télévision.

Réflexe aussi d’appeler mes proches à Paris, là où j’habite, à 100 mètres du Bataclan. De joindre l’un de mes fils – c’est son anniversaire ce 13 novembre ! – il sort d’un entraînement sportif, je lui intime de rentrer chez lui en évitant le centre de Paris, il me rassure, il est en sécurité, il regardera les images jusqu’au bout de la nuit. Et le lendemain nous nous retrouverons tous, la famille réunie, avec les rires des tout-petits pour éloigner pour un temps le spectre de l’horreur.

Les réseaux sociaux démontrent, ce triste vendredi noir, qu’ils sont plus utiles que pernicieux. Les uns et les autres s’informent, s’interrogent, se rassurent.

Je ne quitte plus les écrans de télévision, juste surpris que France 2 ait maintenu l’émission pré-enregistrée de Frédéric Taddei, une aimable conversation en complet décalage avec ce que nous vivons. La chaîne du service public se rattrapera dès minuit.

Je pleure plus d’une fois, parce que tous les lieux visés, le Bataclan au coin de l’avenue de la République et du boulevard Richard Lenoir, où j’ai habité plusieurs années, la rue de Charonne, la rue de la Fontaine-au-Roi, c’était ceux que j’avais si souvent fréquentés. Et puis ça aurait pu être n’importe où dans Paris, là où l’esprit de fête et de fraternité a toujours soufflé…

Peu avant minuit, je regarde la première allocution de François Hollande. Toute la presse l’a noté, moi aussi, il est bouleversé, presque confus, on le serait à moins. Au Bataclan, les opérations sont encore en cours, ailleurs on n’en est pas encore à compter les morts, doit-on craindre d’autres attaques ?

Je réponds aux SMS, aux amis qui m’interrogent sur Facebook, qui a activé une application qui avait servi lors de catastrophes climatiques. Je me suis demandé si je devais appeler ma mère à Nîmes qui s’est sûrement couchée tôt, je ne le fais pas, inutile de l’affoler.

Je n’ai pas envie de lire certains « commentaires », je vais essayer de dormir après avoir écouté ceci :

https://www.youtube.com/watch?v=hjxpYRAkKSA

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Je « partage » ce poème d’Aragon que Camille de Rijck a publié sur son « mur’ :

Où fait-il bon même au coeur de l’orage
Où fait-il clair même au coeur de la nuit
L’air est alcool et le malheur courage
Carreaux cassés l’espoir encore y luit
Et les chansons montent des murs détruits
Jamais éteint renaissant de la braise
Perpétuel brûlot de la patrie
Du Point-du-Jour jusqu’au Père-Lachaise
Ce doux rosier au mois d’août refleuri
Gens de partout c’est le sang de Paris
Rien n’a l’éclat de Paris dans la poudre
Rien n’est si pur que son front d’insurgé
Rien n’est ni fort ni le feu ni la foudre
Que mon Paris défiant les dangers
Rien n’est si beau que ce Paris que j’ai
Rien ne m’a fait jamais battre le coeur
Rien ne m’a fait ainsi rire et pleurer
Comme ce cri de mon peuple vainqueur
Rien n’est si grand qu’un linceul déchiré
Paris Paris soi-même libéré
(Louis Aragon, 1944)

L’aurore me réveille samedi matin. France 2 a rassemblé un plateau d’hommes d’expérience, de raison et de sagesse, l’ancien juge du pôle anti-terroriste Marc Trévidic, le politologue Gilles Kepel, Antoine Basbous et d’autres encore. Nul n’en rajoute, la réalité est bien assez effrayante, tous expliquent, avec des mots justes, pourquoi ces attentats, d’où ils viennent, par qui, comment. On est loin de certains tweets ou « commentaires » hargneux, honteux, hideux, qu’on découvre au petit matin.

La vie reprend, on va rejoindre la famille. Ce samedi midi sera ensoleillé par les rires de G. et L., à deux ans et quelque le garçon me parle de Saint-Säens et de son Cygne, la demoiselle est d’une bonne humeur sans limite. Le soir, on se dit qu’on va éviter la télévision, et puis finalement on ne peut s’en empêcher. Je me surprends à apprécier Mélenchon, à le trouver même excellent dans ce qu’il dit, dans ce qu’il exprime. Ruquier et ses compères, Yann Moix et Léa Salamé, opinent. Les artistes, acteurs, musiciens ne sont pas dans l’arène habituelle du samedi soir, ils sont touchants, maladroits, à notre image. Catherine Frot : « Je suis venue pour ne pas être seule face à cette douleur, pour être avec vous ».

Hier dimanche, c’est décidé, je laisse en plan certains travaux, je rentre à Paris. Moi aussi j’ai besoin d’être parmi les Parisiens et tous les autres qui aiment Paris, y sont venus le temps d’un week-end… ou d’un concert ! La rue de Bretagne semble se ranimer doucement, ma libraire a rouvert, le café Charlot, les commerces sont moins pleins que d’habitude, mais avec le soleil, la vie reprend.

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Déjeuner rapide, et après un peu d’hésitation – comment ne pas tomber dans le voyeurisme, la curiosité malsaine ? – nous décidons, parce que c’est aussi un parcours habituel de balade, d’aller rue Oberkampf, boulevard Richard Lenoir puis sur la place de la République.

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Je répugne à photographier les bougies, les fleurs, les anonymes qui pleurent et se recueillent. Le silence est impressionnant, prenant. Place de la République, un petit groupe fait de la musique, mais le coeur n’y est pas. Plus tard dans la soirée, un bref mouvement de panique ne réussit pas à dissuader la foule de poursuivre son rassemblement. On entend encore un hélicoptère, des sirènes, le glas qui résonne à Notre Dame. Il est temps que ce funeste week-end s’achève.

Sur Facebook ce lundi matin, on découvre les images de la solidarité planétaire. Tous ces gestes, ces couleurs arborées par les grands monuments du monde, ne résoudront rien, mais la compassion est nécessaire et bienvenue.

A midi, comme un horrible écho, les mêmes musiciens (l’Orchestre national de France), dans les mêmes lieux (le nouvel Auditorium de la Maison de la radio), jouaient le même compositeur (Beethoven) que le 8 janvier dernier. Quand la tragédie se répète…

https://www.youtube.com/watch?v=6l_bPmJifV4

Malentendus

L’intense « promo » qui l’a précédée a certainement assuré des chiffres record à la sortie du film de Xavier Giannoli Marguerite. Catherine Frot a dû faire à peu près tous les plateaux, toutes les émissions de télévision dans la quinzaine écoulée. Elle fait même la une du Monde d’hier (http://abonnes.lemonde.fr/cinema/article/2015/09/14/marguerite-un-subtil-air-de-crecelle_4756960_3476.html)

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Faut-il rappeler le pitch de Marguerite ? L’histoire de Mrs. Florence Foster-Jenkins transposée dans le Paris des années 20.

Tout le monde connaît cet air de la Reine de la nuit de la Flûte enchantée de Mozart, massacré par la dame, et diffusé ad nauseam dans tous les bêtisiers radiophoniques

Oui, Catherine Frot alias Marguerite Dumont chante archi-faux dans trois passages du film, oui on rit de bon coeur à pareil saccage musical. Mais ce film, et le personnage qu’incarne, à merveille, Catherine Frot, n’ont rien de comique, pas plus que le professeur de chant, ténor sur le retour, joué par Michel Fau.

Marguerite est une héroïne tragique, parce qu’elle seule éprouve encore du désir, une envie de liberté, qui passe par ce rêve fou de se produire sur une vraie scène devant un vrai public, désir et envie étouffés par l’hypocrisie, la lâcheté de son entourage, à commencer par son mari. On cesse vite de rire, même de sourire, pour être pris à la gorge, jusqu’à un dénouement surprenant.

Giannoli n’a pas lésiné sur les décors, les détails, d’une peinture aussi précise que cruelle d’univers qui se croisent sans jamais se comprendre : les vrais musiciens – jolies séquences qui restituent le foisonnement créateur de ces années 20 – les bien-pensants rescapés de la Grande Guerre, les « folies » des surréalistes, dadaïstes et autres anars. Et, ce qui ne gâte rien, bande originale et illustration musicale très réussies.

Un film à voir, à l’évidence ! Prévoir de sortir les mouchoirs plutôt que se tenir les côtes.

L’ autre malentendu, c’est Guy Béart. Entre ceux qui le croyaient mort, ou qui l’avaient enterré depuis longtemps, ceux qui l’associent aux années pompidoliennes et à des sixties un peu ringardes, personne n’a osé d’autre hommage que ceux qui marquent le décès d’un nom connu.

https://www.youtube.com/watch?v=eWGN119KpYo

Finalement Laurent Gerra a plutôt sauvé de l’oubli celui qui avait déserté la scène et les médias, jusqu’à un retour inattendu au début de cette année.

Piètre chanteur, il le reconnaissait lui-même, Béart reste et restera comme un grand auteur, et pas des moindres, puisque, de son vivant, pas loin d’une cinquantaine de ses chansons sont entrées dans l’histoire, reprises par d’autres, fredonnées par tous.

https://www.youtube.com/watch?v=7it5nW3LnqM

Sur Facebook hier, voici ce qu’écrivait Michel S.

De Guy Béart, qui rimait depuis les années 80 avec ringard, ce dont il n’est jamais revenu, hébété, interdit, continuant parce qu’il le fallait : 

Les enfants de bourgeois (1976).
« Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à, 
Les enfants de bourgeois jouent à la misère. 
Ils marchent déguisés en mendiants distingués: 
Ca coûte cher les jeans rapiécés. 
Ils ont pris nos vêtements, nos bleus et nos slogans.
Leur beau linge les attend chez leurs parents.
Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à,
Les enfants de bourgeois jouent à la vie dure.
Leurs dents ont trop souffert à cause du raisin vert
Que leurs parents ont mangé hier.
Ils viennent, ces chéris, sur nos tables pourries
Poser leurs hauts talons de leurs théories.
Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à,
Les enfants de bourgeois jouent à l’herbe verte.
Ils vont planter leur fraise en Ardèche,.en Corrèze.
Leur sœur, elle, fait du tricot à l’anglaise. 

Ils vont, le cœur vaillant, à la ferme dans les champs. 
La terre est dure, mais ça ne dure pas longtemps. 
Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à, 
Les enfants de bourgeois jouent à la commune. 
Ils font quelques enfants libres et nus soi-disant 
Qu’ils abandonnent chez le premier passant. 
Ils abritent des chiens, des oiseaux, des copains, 
Des chats qui meurent écrasés un par un. 
Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à, 
Les enfants de bourgeois jouent à l’aventure. 
Ils traversent les mers, les idées, les déserts. 
Quand ça va mal, ils n’ont qu’à changer d’air. 
Quand ils crient au secours, voici qu’ils trouvent toujours 
Au fond de leur poche leur ticket de retour. 
A force de jouer où est, où est, 
A force de jouer, où est l’espérance? »

Et qui pourrait nier que cette chanson de 1968 reste d’une tragique actualité ?

Vox Facebooki

« Le sophiste moderne se présente comme celui qui est porteur d’une opinion sur toute chose…il refuse d’exposer son avis à la critique, comme le veut initialement Platon, mais excelle dans l’art de parler de tout et de n’importe quoi dans les médias de masse« 

« Il faudrait pouvoir débattre de ce qu’est une véritable opinion…J’appellerai cela la tâche d’un nouveau journalisme dont notre époque a cruellement besoin. J’entends par là un journalisme plus rigoureux, plus instruit, plus documenté, qui cesse de tomber dans la facilité consistant à parler pour ne rien dire. Aujourd’hui n’importe quel événement est immédiatement structuré par l’opinion dominante« 

Ces propos du philosophe Alain Badiou, extraits d’un long entretien publié par L’Obs du 16 juillet dernier, pourraient tout aussi bien s’appliquer à ce qui est en train de supplanter les « médias de masse » auxquels il fait référence : les réseaux sociaux, et Facebook en particulier.

Précisons d’abord qu’on est un usager, un adepte même de Facebook, et qu’on ne fera pas partie de ceux qui brûlent ce qu’ils ont adoré. Et que la liberté d’expression, même dans ses pires outrances, reste la mère des libertés.

On n’en est que plus à l’aise pour rappeler deux ou trois choses :

– Lors d’un remarquable débat des Rencontres de Pétrarque (dans le cadre du Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon), la Garde des Sceaux Christiane Taubira et l’ancien juge antiterroriste Gilbert Thiel, interrogés sur les menaces sur nos libertés que comporterait la dernière loi dite « renseignement » votée par le Parlement – et depuis lors validée pour l’essentiel par le Conseil Constitutionnel – avaient répondu que nous donnons de nous-mêmes mille fois plus d’informations aux Big Brothers que sont Google, Facebook, Apple, Amazon etc. que tout ce que les services de renseignement pourraient collecter sur nous. On est effaré de voir ce que des proches, des « amis », livrent sans retenue ni discernement sur leurs pages ou profils Facebook…et qui, dans un même mouvement, entament le grand air des libertés bafouées par les lois gouvernementales ! –

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(Gilbert Thiel avait promis à sa femme une photo avec Christiane Taubira..)

Facebook, comme d’autres réseaux, a contribué à recréer du lien entre des gens que la géographie, les circonstances, ont éloignés, des familles éparpillées, a même suscité des rencontres, des « amitiés » qui, même virtuelles, peuvent être aussi puissantes que des réelles. C’est la première raison du succès mondial du réseau fondé par Mark Zuckerberg. Et c’est bien ainsi ! Mais comme la musique enregistrée n’a jamais remplacé le concert, Facebook n’est pas la vie réelle, et pourtant pour des millions d’adeptes, le virtuel est devenu la seule existence réelle. On n’a pas manqué de savantes dissertations sur le sujet,

– L’ « opinion dominante » dont parle Badiou est considérablement amplifiée sur Facebook.

Chacun peut émettre un avis, « commenter » un fait, une prise de position, une situation, et pense ainsi se retrouver au même niveau, à égalité des puissants, des faiseurs d’opinion. Le Président de la République, un ministre, un leader politique écrit quelque chose sur sa page Facebook, et tout un chacun peut déverser à loisir le plus souvent critiques et rancoeurs, voire insultes ou injures, en toute apparente impunité, exprimer, plus rarement, soutien et admiration. C’est l’essence même de la liberté.

On n’est pourtant jamais loin de la manipulation (cf. les Big Brothers dont on parlait plus haut). Les grands groupes de médias ont parfaitement compris le bénéfice qu’ils peuvent retirer d’une présence massive et très active sur les réseaux sociaux, Et pas nécessairement dans l’intérêt de l’internaute : même les titres les plus prestigieux ne dédaignent pas de se livrer à la course au titre le plus racoleur, à la diffusion de photos ou de vidéos qui font scandale. Certains sont depuis longtemps descendus sous le niveau du caniveau ou de l’égout.

Rendez-vous compte, Florence Foresti, oui l’humoriste, la rigolote, n’est vraiment pas sympa dans la vraie vie, la preuve sa prestation récente à Ramatuelle ! Et c’est forcément vrai puisque c’est écrit sur Facebook et que cela émane d’un titre de presse réputé sérieux. Mais le pire n’est pas « l’info » elle-même, c’est la cohorte innombrable de « commentaires » qu’elle suscite, le défoulement collectif, et cet effrayant sentiment de meute inculte, incapable d’un minimum de recul critique…. tout ce que dénonce Alain Badiou, on y revient. –

-La ‘liberté » qu’offre Facebook est donc très largement une illusion. Beaucoup ont abandonné le réseau ou ont été tentés de le faire. Cela n’a pas été mon cas, pour une raison bien précise – et c’est la vertu très positive d’un réseau social : c’est devenu un outil de travail professionnel. L’essentiel de mes « amis » Facebook est constitué d’abord d’amis réels, et surtout de musiciens et de professionnels de la musique et des médias.

J’éprouve un réel plaisir doublé d’un intérêt professionnel à suivre les activités, les concerts, les voyages, de mes amis musiciens, à participer parfois à leurs débats sur des répertoires, des oeuvres, des salles de concert, etc. Je pourrais citer le nombre de rendez-vous, de rencontres fixés au dernier moment, sans passer par les secrétariats, les agents, grâce à Facebook. Ou de concerts, de représentations que j’aurais oubliés ou manqués.

La limite entre attachement et addiction ? C’est de choisir librement quand, où et comment on se connecte et ce qu’on diffuse et à qui. Ce n’est pas demain que je renoncerai à mon indépendance et à ma liberté.