Sujet porteur

Comme le beaujolais nouveau, chaque année est attendue l’édition du Petit Larousseavec son lot de nouveautés, les mots à la mode, les noms surgis dans l’actualité (Emmanuel Macron) ou repêchés de l’oubli (Véronique Sanson).

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Puisqu’on évoque la langue française, je conseille à ceux qui ne les suivraient pas encore de s’abonner aux comptes twitter de Bernard Pivot 

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et, plus rare sur le réseau social mais tout aussi pertinent dans la défense et illustration de la langue française, l’ancien président du CSA, Michel Boyon.

À mon tour de jouer les empêcheurs de « novlanguer » en rond ! Notre nouveau président, et, par imitation, ses plus proches, ministres ou porte-parole, ont beaucoup usé, et, si je puis me permettre, abusé d’une expression qui, sans être incorrecte, pourrait finir par lasser : on ne propose plus un programme, on porte un projet ! Les candidats aux élections législatives sont devenus à leur tour des porteurs de projet.

De la même manière – mais dans ce cas toute la classe politique, l’ancienne comme la nouvelle, est contaminée ! – on a banni du vocabulaire des dirigeants les mots problème ou question, au profit de : sujet. 

Les dirigeants réunis à l’OTAN ou pour le G7, MM. Poutine et Macron hier, ont abordé tous les.. sujets ! Aujourd’hui, pour les automobilistes de la région parisienne, le… sujet c’est la rupture d’approvisionnement des stations-service.

Etrange, je ne vois pas dans le Larousse que sujet soit assimilé à un synonyme de problème ou de question…! Un vrai… sujet pour l’édition 2018 !

L’ardente obligation

Le débat d’hier soir a confirmé ce que l’on savait – le vrai visage d’une démagogue haineuse et incompétente – et ce que l’on espérait – un homme jeune, porteur d’avenir, calme et déterminé.

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On peut faire tous les reproches à Emmanuel Macron, d’être trop ceci, pas assez cela, sauf un : il a, dès le lancement de son mouvement En Marche, fait le juste constat d’un pays, d’un système politique, bloqués depuis vingt ans.

L’histoire de la Vème République démontre que les grandes réformes, celles qui marquent et qui durent, sont toujours nées dans les premiers mois d’une présidence : Giscard et ses lois de société (majorité à 18 ans, divorce, IVG, élection européenne au suffrage universel), Mitterrand en 1981-1982 avec les lois Auroux (travail), Defferre (décentralisation), Badinter (abolition de la peine de mort). Quand le même Mitterrand a voulu lancer la réforme de l’école privée en 1984, il a dû renoncer sous la pression de centaines de milliers de manifestants.. et enterrer le projet en changeant de gouvernement.

En 2002, Jacques Chirac qui, comme président sortant, avait à peine atteint 20% des voix au premier tour, et avait très largement battu le père de Marine Le Pen au second, avait aussitôt oublié de qui il tenait son élection… En 2005 il avait soumis au référendum le projet de nouveau traité sur l’Union européenne … et n’avait tenu aucun compte du résultat des urnes.

Puis on sait ce qu’il advint des quinquennats successifs de Nicolas Sarkozy et François Hollande : une étrange apathie dans les premiers mois, les fameux premiers 100 jours perdus – l’un et l’autre l’ont reconnu.

Emmanuel Macron, élu Président ce dimanche, peut non seulement incarner un nouveau visage de la politique (Dignité, indignités– et ce n’est pas le moindre de ses atouts – mais aussi, surtout et enfin, une nouvelle pratique de l’engagement et des promesses faites aux électeurs. Il a l’ardente obligation de réussir. Pas de réaliser des miracles, pas de raser gratis, mais de prendre à témoin les électeurs, leurs représentants à l’Assemblée Nationale, du calendrier, des modalités et des résultats des réformes qu’il s’est engagé à lancer dès l’été.

En effet, l’immense majorité des Français n’en peut plus des promesses non tenues, des déceptions permanentes, sur lesquelles le Front national a prospéré. En effet, l’immense majorité des électeurs ne supporte plus qu’on ne fasse pas ce qu’on a dit… et qu’on ne dise pas ce qu’on va faire. En effet, on ne réduira pas l’influence des extrêmes en stigmatisant leurs électeurs, en se réfugiant dans de grands principes moraux.

Hier soir, c’était le combat de la démagogue et du démocrate. Le démocrate l’a emporté haut la main, tant il est vrai que le naufrage en direct de la démagogue était patent, pathétique…

Nous, les démocrates, nous avons l’ardente obligation de faire réussir le prochain Président de la République, pour qu’enfin des millions de nos concitoyens sortent de l’assignation à la résignation du vote extrême.