Diète estivale

Comme me le disait le rédacteur en chef de Bachtrack (édition française) au début de l’été : « Les vacances ça fait du bien aussi ». Donc je fais une sorte de diète de festivals cette année. Avant Montpellier jusqu’en 2022, je faisais un tour à Avignon, Aix-en-Provence, Orange, et après Montpellier j’étais comme vidé de toute envie de spectacle ou de concert. C’est ainsi que j’ai délaissé depuis longtemps La Roque d’Anthéron ou Salon-de-Provence, où j’ai pourtant de merveilleux souvenirs

Ici même j’ai rendu compte des deux seuls concerts auxquels j’ai assisté en juillet (lire Le chant merveilleux de Marianne et Le phénomène Yuja). Les prochains seront pour la dernière semaine d’août.

Ma nouvelle fonction de reviewer (je préfère finalement le terme anglais au prétentieux « critique musical » français) m’a permis depuis deux ans de visiter des festivals que je ne connaissais pas ou mal.

À Colmar – où je n’étais plus revenu depuis trente ans – je découvrais, en 2023, la programmation du nouveau directeur artistique, mon ami Alain Altinoglu, et surtout ce très jeune chef finlandais, dont tout le microcosme musical faisait grand cas, Tarmo Peltokoski (Le début d’une belle histoire entre Peltokoski et le Capitole de Toulouse).

Ça c’était début juillet, et à la fin du même mois, je m’étais laissé embarquer à Marvão,: « Les lieux sont spectaculaires : à 2h30 de route à l’est de Lisbonne, un promontoire rocheux culminant à 900 mètres et dominant toute la plaine de l’Alentejo, à quelques kilomètres de l’Espagne. » (lire Pépites portugaises). Dans un lieu improbable, j’avais découvert un chef – Dinis Sousa – un orchestre – l’Orquestra XXI – et entendu une formidable Cinquième de Mahler (Un grand Mahler) le 29 juillet 2023.

Je découvre sur YouTube cette captation faite le lendemain à Lisbonne :

Alain Lompech est allé à Marvão cette année. Son enthousiasme à lire sur Bachtrack : Marvão, royaume de la musique et des musiciens rejoint et ravive les souvenirs de cette expédition.

En 2024 j’étais retourné à Colmar, cette fois pour y entendre le maître des lieux avec ses musiciens de La Monnaie et fin août, dans une ville que je connais presque par coeur et que je pensais bien peu festivalière – Nîmes – j’avais entendu la joyeuse équipe réunie autour d’Alexandre Kantorow

Mais quand au cours de mes balades – (Loin du monde), je vois des noms familiers affichés au programme de telle abbaye, de telle église, quand je lis leur actualité sur Instagram, j’ai un peu l’impression de prolonger d’abord une amitié, ensuite des souvenirs, tant de souvenirs partagés.

Thomas Ehnco était hier soir à La Romieu, que je visitais le 18 juillet dernier.

Le cloître de la Collégiale de La Romieu (Gers)

Certains souvenirs me poursuivent et me poursuivront longtemps, comme celui de Jodie Devos, ce 15 juillet 2022 à Montpellier…

Message personnel

Le 25 juillet Laurent Guimier – qui fut un éphémère mais formidable collègue à Radio France – écrivait sur un réseau social que je ne fréquente plus guère : » Il est amoureux. Tout le temps. Amoureux de la musique, de la radio, des soirs à l’Auditorium, au 104 et des festivals ensoleillés. Amoureux d’une équipe qui pense et fabrique sa radio avec passion. Alors moi j’aime @mvoinchet et tout ce qu’il fait pour @francemusique« 

Le 14 juillet 2015, je voyais débarquer à Montpellier ce Marc Voinchet que je ne connaissais que de loin. Il venait d’être pressenti par Mathieu Gallet pour prendre la direction de France Musique, et nous avions passé une bonne partie de la soirée à évoquer cette chaîne qui avait tant compté pour moi (30 ans ont passé) et qui était alors en pleine crise. J’avais parié avec Marc qu’il dépasserait le score de tous ses prédécesseurs – dont la durée de vie à cette fonction n’excédait pas deux ou trois ans ! –

Marc a traversé de redoutables épreuves personnelles ces derniers mois. Je l’ai vu à Montpellier il y a quelques jours. Je sais qu’il a besoin de tous nos messages, de toute notre amitié. Je l’embrasse.

Les humeurs du moment toujours à lire sur mes brèves de blog

Pourquoi la Neuvième ?

Je n’ai pas eu, retrouvé, d’explication convaincante au pullulement de Neuvièmes de Beethoven en ce début d’année… Traditions nordique ? germanique ? japonaise ? Un anniversaire ? pas celui de l’oeuvre en tout cas, créée le 7 mai 1824 !

Le fait est que le Finnois Mikko Franck a introduit cette supposée tradition à Radio France en 2018, en faisant jouer chaque début janvier par l’Orchestre philharmonique de Radio France. Et c’est un autre Finlandais, le tout jeune Tarmo Peltokoski, à l’aube de son mandat à la tête de l’Orchestre du Capitole de Toulouse, qui vient de faire de même.

Les résultats cette année sont tout sauf probants. Qu’on en juge :

– ma propre critique pour Bachtrack : La Neuvième sans joie de Jaap von Zweden au Philhar’

– celle d’Erwan Gentric pour Diapason du même concert : Une symphonie n° 9 de Beethoven taillée à coups de serpe.

– pour Bachtrack toujours, la critique de Thibault d’Hauthuille du concert de Toulouse : La joie forcée de Tarmo Peltokoski.

Pas brillant tout ça !

Pour me rassurer, j’ai relu le papier que j’avais écrit à la fin du marathon Beethoven qu’avait dirigé Dinis Sousa à la Philharmonie de Paris en mai dernier : Le triomphe de la fraternité.

Extr. finale 9e symphonie Beethoven / Dinis Sousa dir. Monteverdi Choir & Orchestra

Quelques Neuvièmes inattendues

Ces déceptions de début d’année m’ont donné envie de fouiller dans ma discothèque non pas en quête de versions dites « de référence » connues et reconnues, mais de raretés ou du moins de chefs qu’on ne cite pas souvent – à tort – comme « beethovéniens »

Arvid Jansons / Berlin 1973

Dans la famille Jansons, il y a d’abord eu le père Arvid (1914-1984) et ce disque est – comme par hasard ! – le « live » d’un concert du 31 décembre 1973 !

Erich Leinsdorf / Boston et Berlin

On a trop négligé Erich Leinsdorf (1912-1993), né Viennois, mort Américain. Il a fait une somptueuse intégrale à Boston

Et j’ai ce « live » du 18 septembre 1978 capté à Berlin.

Rafael Kubelik / Munich 1982

La grandeur, le souffle… Magnifique Rafael Kubelik avec son Orchestre de la radio bavaroise !

Yehudi Menuhin / Strasbourg juin 1994

J’ai consacré tout un article à Yehudi Menuhin (1916-1999) … chef d’orchestre. On a beaucoup célébré le violoniste, à l’occasion du centenaire de sa naissance, et complètement oublié l’excellent chef qu’il a été. Ses symphonies de Beethoven mériteraient amplement une réédition.

Leopold Stokowski / Londres 1967

Eh oui Stokowski était aussi un immense beethovénien…

Chacun des « live » de ce coffret est prodigieux.

Kurt Sanderling / Berlin 1987

J’ai eu la chance d’entendre Kurt Sanderling (1912-2011) diriger l’Orchestre de la Suisse Romande à la fin des années 80 à Genève dans deux Neuvièmes : celle de Mahler, puis celle de Beethoven.

J’ai toujours aussi gardé en mémoire la façon extraordinaire qu’il avait de doser les interventions des différents pupitres de l’orchestre pour que la ligne mélodique soit toujours nettement dessinée. C’est un des problèmes auxquels les chefs se trouvent confrontés notamment dans le 1er mouvement de la 9e symphonie (et c’est tout ce que n’a pas fait Jaap van Zweden samedi dernier à Radio France).

Michael Tilson Thomas / Londres 1987

L’intégrale « allégée » des symphonies de Beethoven qu’avait gravée Michael Tilson Thomas à Londres en 1986 avec l’English Chamber Orchestra avait été accueillie au mieux avec une certaine curiosité, le plus souvent avec une condescendance certaine par une critique prompte à ranger les gens dans des cases. MTT dans Beethoven quelle idée ! Encore un préjugé à bannir (MTT Le chef sans âge)

Je ne peux refermer cet article qui évoque l’Ode à la joie et à la fraternité de Beethoven/Schiller sans rappeler les tragiques événements d’il y a dix ans, que j’ai vécus de si près : Le silence des larmes

Les meilleures notes de 2024

Oublier l’encombrant, le navrant, l’accessoire, ne garder que l’exceptionnel, le singulier, l’essentiel. C’est ainsi que je fais mon bilan d’une année musicale dont je ne veux retenir que les moments de grâce.

Ces souvenirs de concert, j’ai la chance de les avoir consignés pour Bachtrack.

La Chauve-Souris de Minkowski

« Marc Minkowski dirige d’une main de maître l’opérette de Strauss, dans une version portée par une distribution idéale. »

Bon c’était encore en décembre 2023, mais la dernière représentation a eu lieu le 31 !

Le triomphe d’Anna Netrebko dans Adriana Lecouvreur

L’Agrippina impériale d’Ottavio Dantone à la Seine musicale

Les tableaux symphoniques d’Esa-Pekka Salonen

Esa-Pekka Salonen et Sarah Connolly avec l’Orchestre de Paris

La Didon bouleversante de Joyce DiDonato

L’Heure espagnole délurée de Louis Langrée à l’Opéra Comique

Le fascinant parcours de Mikko Franck dans les paysages de Sibelius

Mikko Franck et l’orchestre philharmonique de Radio France

Martha Argerich réinvente le concerto de Schumann

Le marathon Beethoven de Dinis Sousa à la Philharmonie

Le bonheur d’avoir entendu le jeune chef portugais Dinis Sousa – découvert à l’été 2023 au Portugal – diriger une quasi intégrale des symphonies de Beethoven

Klaus Mäkelä et Oslo voient double dans Brahms

Ouverture de fête à Colmar avec Alain Altinoglu

Retrouvailles avec la double casquette d’Alain Altinoglu, directeur du festival de Colmar et chef de son excellent orchestre de la Monnaie

Avec Julian Rachlin au festival de Zermatt

Marianne Crebassa bouleversante dans Picture a day like this

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Le génial Don Giovanni de Julien Chauvin à l’Athénée

I got rhythm avec Bertrand Chamayou et Antonio Pappano

L’admirable Nelson Goerner

Le retour de la musique à Notre Dame de Paris

Pas de toccata de Widor pour la réouverture de Notre Dame, mais je la livre ici dans la version jubilatoire du légendaire Pierre Cochereau, pour conclure cette année en beauté.

Le baromètre des chefs

Le cas Roth

Il me faut revenir sur le billet que j’ai publié le 27 mai – Confidences et confidentialité – où j’évoque la situation du chef François-Xavier Roth. J’ai eu nombre de commentaires, d’interpellations, de réactions de la part d’amis, de musiciens et de musiciennes, qui me conduisent à préciser mon propos.

Lorsque j’écris  » il n’y a pas eu de violence sur autrui, ni fait pénalement répréhensible, juste des situations ridicules dont la seule victime est l’auteur » c’est au minimum incomplet, s’agissant des personnes, musiciens ou non, placés sous l’autorité artistique et/ou hiérarchique du chef. On pense évidemment en premier lieu aux artistes qui jouent au sein de l’orchestre Les Siècles, qui, à la différence des autres orchestres et institutions que dirige FXR (le Gürzenich à Cologne) n’est pas une structure permanente. Des amis musiciens me faisaient très justement remarquer que des SMS de nature sexuelle constituent bien une forme de harcèlement, réprimé par la loi. et qu’il faut bien du courage aux victimes de harcèlement pour engager une procédure judiciaire.

Pour le reste, la prudence me semble devoir être la règle dans les commentaires, l’expression sur les réseaux sociaux. À ceux qui sont en situation de responsabilité – et à eux seuls – d’exercer leurs droits et surtout leurs devoirs pour faire toute la lumière sur cette malheureuse affaire.

L’ascension d’un chef

Je ne veux faire aucun rapprochement hasardeux, mais c’est bien à cause d’un phénomène de même type que celui qui est reproché à Roth – le comportement du chef britannique John Eliot Gardiner à l’égard de l’un de ses interprètes (lire ici) – qu’un jeune chef portugais, Dinis Sousa, a surgi en pleine lumière depuis quelques mois. Il a dû remplacer en effet Gardiner dans la totalité des projets que ce dernier avait engagés avec ses forces du Monteverdi Choir and Orchestra.

Hier s’est achevé une forme de marathon Beethoven à la Philharmonie de Paris : en quatre concerts, le Monteverdi Choir et son jumeau orchestral ici dénommé Orchestre révolutionnaire et romantique, dirigés par Dinis Sousa, ont donné les symphonies 2,3,4,5,6,7 et 9 ainsi que la Messe en do.

J’invite à lire mes comptes-rendus sur Bachtrack, en particulier sur une mémorable Neuvième, une Héroïque impressionnante, et finalement tout cette aventure.

Au bonheur de la Pastorale

Le triomphe de la fraternité

L’apothéose finale

Je reviendrai sur ces concerts et sur la personnalité de ce jeune chef qui me paraît avoir tout compris des enjeux et des risques d’une carrière musicale à notre époque.

Pour le moment il n’y a pas de captation disponible des concerts de la Philharmonie, mais celle-ci, réalisée il y a moins d’un an à Newcastle, avec l’orchestre Northern Sinfonia, dont Dinis Sousa est le directeur musical, donne une assez juste idée de sa direction et de sa conception des symphonies de Beethoven :

Je reviendrai aussi sur le coffret que je viens de recevoir, qui récapitule le mandat du chef anglais Antonio Pappano avec la Santa Cecilia de Rome

Antonio Pappano que j’applaudissais il y a un mois à la Philharmonie de Paris. Lire : Pappano et le LSO. Il dirigeait la 2e symphonie de Rachmaninov, qu’il a gravée à Rome et qu’on retrouve dans ce coffret :

Des chefs et des dames

Les Français ne vous oublient pas

Hier spontanément j’ai souhaité un bon anniversaire à Michel Plasson – 90 ans – mais il a fallu qu’un chroniqueur britannique, trop heureux de pouvoir taper sur ce qui n’est pas British, affirme sur son blog que la France avait « oublié » son grand chef. Inutile querelle. Tous les mélomanes, et les musiciens, français savent ce qu’ils doivent à ce grand chef qui a si bien et si longtemps servi la musique de son pays, en particulier à la tête de l’Orchestre du Capitole de Toulouse.

Rattle fait un Mahler

J’ai encore compris hier soir pourquoi je redoute la Sixième symphonie de Mahler, pourquoi je ne l’écoute quasiment jamais au disque. Alors que je ne me lasse de pratiquement aucune autre – la fabuleuse Troisième entendue à Bucarest (lire Le Mahler de Mäkelä), l’étonnante Cinquième du Portugal et la découverte d’un grand chef, Dinis Sousa) pour n’évoquer que les plus récents concerts. Hier donc c’était l’Orchestre de la radio bavaroise – quelle volupté ! – et son nouveau chef Simon Rattle qui inauguraient leur relation.

Même si je ne l’ai pas formulé aussi abruptement dans mon compte-rendu pour Bachtrack (lire Suffocante Sixième symphonie de Mahler par Simon Rattle), je trouve l’oeuvre, et son dernier mouvement en particulier, à la limite de l’inaudible. Mais je ne regrette évidemment pas d’avoir entendu la version/vision plutôt singulière du chef anglais et de son fabuleux orchestre.

Catherine est Bernadette

Comme antidote à la déprime mahlérienne, rien de mieux ce matin que le nouveau film de Léa Domenach, Bernadette !

Je craignais qu’après toute la promo qui avait été faite, les multiples interviews des acteurs et surtout de Catherine Deneuve qui incarne Bernadette Chirac, je ne sois finalement déçu par un film qui a sinon divisé, du moins partagé la critique. SI j’en juge par le nombre de spectateurs présents en matinée dans une salle du centre de Paris, le film ne devrait pas connaître un gros succès de fréquentation. Nulle déception, mais le plaisir d’un bon cinéma, qui aurait gagné à un peu plus de nerf.

Peu importe, ce Bernadette évite à peu près tous les pièges du genre : le personnage qu’incarne formidablement une Catherine Deneuve souveraine – qui n’est jamais dans l’imitation ou la parodie – est souvent sympathique, tandis que tous les machos qu’elle côtoie (à commencer par son président de mari, formidable Michel Vuillermoz, l’inénarrable Sarkozy de Laurent Stocker), à l’exception de l’attendrissant conseiller Bernard Niquet si bien joué par Denis Podalydès, frôlent souvent le ridicule. Sara Giraudeau est une étonnante et très crédible Claude Chirac. Plusieurs jolis moments d’émotion et une bande-son des plus inattendues, qu’on ne divulgâchera pas…

Une fête de la jeunesse

Retour sur un festival (voir Pépites portugaises) qui a véritablement célébré la jeunesse : Au Festival international de Marvão, le triomphe de la jeunesse.

C’était d’ailleurs assez amusant d’être au Portugal, et même dans les lieux les plus reculés de l’Alentejo, et d’y voir des centaines, des milliers de jeunes déjà présents sur place pour les Journées mondiales de la jeunesse. C’est ainsi que visitant la cathédrale de Portalegre dimanche dernier, on y a surpris un groupe de jeunes Français répétant pour la messe qui allait suivre…

La jeunesse, elle irriguait tout le festival de Marvão, comme on a pu le constater durant tout le week-end dernier.

J’aimerais m’arrêter sur trois des artistes qui m’ont particulièrement intéressé, et qui méritent vraiment d’être mieux connus, en particulier en France où ils semblent ignorés.

L’Orquestra XXI et Dinis Sousa

Créé en 2013, Orquestra XXI est un projet qui rassemble de jeunes musiciens portugais vivant à l’étranger – souvent membres de grandes phalanges – avec le double objectif de maintenir un lien fort entre ces jeunes et leur pays d’origine.

Ce que j’ai entendu samedi dernier je l’ai écrit ici : Un grand Mahler. Mon seul regret est de n’avoir pas connu plus tôt cet excellent orchestre et de n’avoir donc pu l’inviter au Festival Radio France, où pendant huit ans, j’avais instauré la tradition d’inviter à Montpellier chaque été un orchestre de jeunes .

J’ espère que les grandes salles européennes, en dehors du Portugal, inviteront ces musiciens dans leurs saisons Ils le valent bien !

L’archet de Leia

C’était la plus jeune soliste du concert de clôture du festival de Marvao. A 16 ans, la jeune Britannique Leia Zhu (prononcer « joue ») – ses parents, tous deux d’origine chinoise se sont rencontrés en Angleterre où ils se sont établis – a déjà tout d’une grande, reconnue comme telle au Royaume-Uni – débuts à 12 ans aux Prom’s -, et rien d’un phénomène de foire. Elle-même comme sa mère, avec qui j’ai pu converser à l’issue du concert, sont extrêmement sereines et réalistes quant aux perspectives de carrière, aux risques d’une célébrité trop vite acquise. Leia continue ses études en pension à Oxford. Mais elle comme sa mère sont surprises que la France ne lui ait encore rien proposé (sauf m’ont-elles dit une invitation à… Reims pendant les Jeux olympiques de 2024 !);

Simon Rattle n’avait pas hésité, lui, à l’inviter avec le London Symphony il y a deux ans !

Tout comme Paavo Järvi en avril dernier à la Tonhalle de Zurich :

Ceux qui me suivent savent que je me laisse difficilement séduire par les sirènes de la pub (ou de la com c’est pareil) lorsqu’il s’agit de « vendre » un nouveau talent. Mais je crois savoir reconnaître quelqu’un d’authentiquement musicien. Cette jeune violoniste ne se la joue pas, son attitude sur et hors scène, son sourire disent la tête bien faite, la belle personnalité.

Gabriel Pidoux le hautbois chantant

Même si ce ne fut pas dans les meilleures conditions acoustiques – le plein air peut parfois s’avérer impitoyable – j’ai été heureux d’entendre le hautboïste français Gabriel Pidoux (26 ans) jouer le concerto de Richard Strauss (lire Le triomphe de la jeunesse). Tiens encore un artiste qu’on avait invité au Festival Radio France il y a deux ans après qu’il eut été désigné « Révélation soliste instrumental » par les Victoires de la musique classique en 2020. Le jeune homme a de la branche : père Raphaël (le trio Wanderer) et grand-père Roland violoncellistes renommés.

Pépites portugaises

J’ignore l’origine de l’expression bien peu distinguée « avoir les portugaises ensablées » ! En l’occurrence, c’est tout le contraire qui s’est produit le week-end dernier pour quelques milliers d’auditeurs/spectateurs du Festival international de Marvão. Les oreilles grandes ouvertes pour apprécier toutes les pépites musicales qui nous étaient offertes par une manifestation encore jeune (c’en était la 9ème édition) mais qui honore véritablement le concept même de festival !

Les lieux sont spectaculaires : à 2h30 de route à l’est de Lisbonne, un promontoire rocheux culminant à 900 mètres et dominant toute la plaine de l’Alentejo, à quelques kilomètres de l’Espagne.

La citadelle de Marvão

Parmi les concerts « couverts » pour Bachtrack, le week-end dernier, j’ai particulièrement apprécié la Cinquième symphonie de Mahler qu’a osé proposer l’Orquestra XXI – un orchestre de jeunes musiciens portugais, tous en poste dans de grandes phalanges étrangères, qui se retrouve trois fois l’an pour travailler sous la houlette de leur fondateur, ‘un chef extrêmement prometteur Dinis Sousa. Lire mon compte-rendu enthousiaste sur Bachtrack.fr : Un grand Mahler au festival de Marvão.`

Deux brefs extraits captés par mon téléphone portable…

Auparavant on aura assisté à une vraie Schubertiade, d’inégal intérêt mais avec un quatuor vocal qui restituait bien l’atmosphère de ces soirées amicales qu’affectionnait tant Schubert.

Le dimanche, dans la même petite église Saint-Jacques, où la température était à peine inférieure aux plus de 30° qui régnaient sur le village, c’était au tour d’un sextuor de jeunes Portugais de nous régaler d’un programme vraiment original (compte-rendu à lire ici : Le triomphe de la jeunesse à Marvão )

(de gauche à droite : Diogo Coelho, Gonçalo Lelis, Ricardo Caspar).

Le soir concert final comme on les aime, un joli patchwork de pièces connues.

Au premier rang, sans protocole, le président de la République portugaise Marcelo Rebelo de Sousa (un petit air d’Yves Montand !) soutien de toujours du Festival.

(de gauche à droite, la soprano Juliane Banse, la jeune violoniste (16 ans!) Leia Zhu, le flûtiste Michael Faust, Christoph Poppen, le clarinettiste Horacio Ferreira, la mezzo Caterina Sereno, le baryton Nikolai Borchev)

Lorsque la nuit est tombée, la citadelle de Marvao s’éclaire aux couleurs du Portugal