Quatuors enchantés

Je ne sais pas pourquoi, mais pendant longtemps j’ai très peu pratiqué l’écoute du quatuor, tant au concert qu’au disque. Sans doute parce qu’on n’écoute pas un quatuor de Haydn, de Beethoven ou de Schubert distraitement, comme on peut le faire d’une symphonie ou même d’un opéra qu’on connaît par coeur. Sûrement aussi parce que c’est l’essence même de la musique, qui s’adresse à l’intime, qui provoque la part la plus secrète de notre humanité.

Ces derniers temps, j’ai de plus en plus souvent besoin de me ressourcer à l’écoute de ces chefs-d’oeuvre. L’effet de l’avancée en âge sans doute, la confrontation aussi avec l’évolution irréversible des dégâts de la vieillesse chez ma mère qui fête demain ses 97 ans..

Deux coffrets récents comblent mes attentes.

La jeunesse de Cleveland

Sony a ressuscité un ensemble devenu légendaire : le quatuor de Cleveland, formé en 1969, dissous en 1995

Même si l’on connaît tous ces histoires de musiciens membres d’un quatuor qui avaient fini par ne plus se parler, alors même qu’ils continuaient à se produire en concert, je reste en complète admiration devant ces ensembles qui vont, qui sont au coeur de la musique.

Le quatuor Cherubini

J’avais retrouvé l’an dernier au Portugal le grand Christoph Poppen en chef d’orchestre qu’il est maintenant depuis nombre d’années, en ayant presque oublié qu’il avait fondé le Quatuor Cherubini en 1978 (et remporté en 1981 le premier prix du Concours de quatuors qui avait lieu alors à Evian). Warner a eu l’excellente idée de rééditer le legs de ce quatuor :

Marc Lesage dans le dernier Diapason a dit mieux que je ne saurais le faire tout le bien qu’on pense de ce coffret : Flamme et transparence

Les disques du quatuor ont toujours été disponibles, à la différence de ceux du Cleveland. Et les quatuors de Mendelssohn toujours chéris comme des références :

Le dernier CD du coffret est une pépite. Il comprend notamment le sublime Notturno d’Othmar Schoeck dans une version « en famille » puisque le chanteur, Dietrich Fischer-Dieskau, n’est autre que le père du violoncelliste du quatuor.

Pépites portugaises

J’ignore l’origine de l’expression bien peu distinguée « avoir les portugaises ensablées » ! En l’occurrence, c’est tout le contraire qui s’est produit le week-end dernier pour quelques milliers d’auditeurs/spectateurs du Festival international de Marvão. Les oreilles grandes ouvertes pour apprécier toutes les pépites musicales qui nous étaient offertes par une manifestation encore jeune (c’en était la 9ème édition) mais qui honore véritablement le concept même de festival !

Les lieux sont spectaculaires : à 2h30 de route à l’est de Lisbonne, un promontoire rocheux culminant à 900 mètres et dominant toute la plaine de l’Alentejo, à quelques kilomètres de l’Espagne.

La citadelle de Marvão

Parmi les concerts « couverts » pour Bachtrack, le week-end dernier, j’ai particulièrement apprécié la Cinquième symphonie de Mahler qu’a osé proposer l’Orquestra XXI – un orchestre de jeunes musiciens portugais, tous en poste dans de grandes phalanges étrangères, qui se retrouve trois fois l’an pour travailler sous la houlette de leur fondateur, ‘un chef extrêmement prometteur Dinis Sousa. Lire mon compte-rendu enthousiaste sur Bachtrack.fr : Un grand Mahler au festival de Marvão.`

Deux brefs extraits captés par mon téléphone portable…

Auparavant on aura assisté à une vraie Schubertiade, d’inégal intérêt mais avec un quatuor vocal qui restituait bien l’atmosphère de ces soirées amicales qu’affectionnait tant Schubert.

Le dimanche, dans la même petite église Saint-Jacques, où la température était à peine inférieure aux plus de 30° qui régnaient sur le village, c’était au tour d’un sextuor de jeunes Portugais de nous régaler d’un programme vraiment original (compte-rendu à lire ici : Le triomphe de la jeunesse à Marvão )

(de gauche à droite : Diogo Coelho, Gonçalo Lelis, Ricardo Caspar).

Le soir concert final comme on les aime, un joli patchwork de pièces connues.

Au premier rang, sans protocole, le président de la République portugaise Marcelo Rebelo de Sousa (un petit air d’Yves Montand !) soutien de toujours du Festival.

(de gauche à droite, la soprano Juliane Banse, la jeune violoniste (16 ans!) Leia Zhu, le flûtiste Michael Faust, Christoph Poppen, le clarinettiste Horacio Ferreira, la mezzo Caterina Sereno, le baryton Nikolai Borchev)

Lorsque la nuit est tombée, la citadelle de Marvao s’éclaire aux couleurs du Portugal