Châteaux des Carpathes

Il y a dix jours, je quittais à regret une ville – Brașov– et un pays – la Roumanie – que, quarante-quatre ans après un premier voyage, j’ai redécouverts avec passion.

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Le Château des Carpathes est un roman de Jules Verne dont je ne connaissais que le titre.

 

L’opéra qu’en a tiré  Philippe Hersant m’est plus familier. Créé au Festival Radio France le 1er août 1992, l’ouvrage a beaucoup contribué à la reconnaissance et à la notoriété du compositeur français, qui s’est frayé une voie originale et singulière dans un paysage de musique contemporaine largement dominé par Boulez et ses disciples.

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Quand on prend le temps de parcourir les paysages contrastés, montagnes couvertes de forêts profondes, vallées sinueuses, du massif des Carpathes  en Roumanie (et en partie en Bulgarie), ce que j’ai eu la chance de faire à quatre reprises en quarante ans, on comprend que Jules Verne, Bram Stoker (Dracula) y aient puisé inspiration et installé des personnages fantasmatiques.

C’est bien dans ces régions montagneuses du centre et du nord de la Roumanie, partagées entre Transylvanie, Moldavie, Bucovinequ’on perçoit le mieux la richesse – et le poids – d’une histoire mouvementée, le mélange de cultures, de langues (allemand, hongrois, roumain, russe), le brassage des religions, qui font la singularité de cette région d’Europe.

Des photos, des images de ce parcours estival :

Cliquer sur les liens Brasov la ville couronnée

Châteaux des Carpathes : Pelisor

Châteaux des Carpathes : la résidence royale de Peles

L’horreur Dracula

Le monastère de Bistrita

Piatra Neamt

Secu hors du temps

L’ermitage de Sihastria

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Les Immortelles d’Agapia

La citadelle de Neamt

Le monastère de Varatec

 

 

 

Retour à Bucarest

La première fois c’était l’été 1973, six mois après la mort de mon père. J’avais 17 ans, j’avais imaginé faire le périple en train – l’Orient-Express version routard –  un cousin plus âgé se proposa de le faire en voiture.

J’allais rencontrer Florin N. – mon « correspondant » depuis le lycée – à Blaj près d’Alba Iulia, puis Anca A. à Bucarest, les deux visages qui resteraient pour moi ceux de la Roumanie. Si j’ai perdu la seconde de vue, je suis encore ami, quarante-quatre ans après, avec le premier, installé depuis un quart de siècle comme chercheur et médecin réputé dans le Maryland

La moitié de Bucarest n’avait pas encore été rasée pour faire place à la monstrueuse folie architecturale décidée par le défunt génie des Carpathes, Nicolae Ceaușescu.  Les parents d’Anca A. habitaient une jolie maison dans ce quartier résidentiel, nous avions visité le centre historique de la capitale roumaine. J’ai encore ces photos prises avec un Instamatic Kodak 50. Ce matin j’ai revu quelques-uns de ces lieux chers… que j’avais manqués lors de mes voyages ultérieurs, en 1990 et en 2003.

IMG_0164IMG_0168Un célèbre restaurant, ancien caravansérail.

IMG_0187IMG_0204L’église et le monastère Stavropoleos.

D’autres images à découvrir dans Le monde en images.

En février 1990, deuxième voyage à Bucarest, cette fois dans un contexte très éloigné du tourisme. Deux mois à peine après la révolution de décembre, qui a chassé Ceausescu et sa femme, je suis revenu avec un collègue maire-adjoint de Thonon-les-Bains pour prendre la mesure des besoins de la population de la commune « jumelée » de Baia de Aries, que Ceausescu avait le dessein de raser comme des centaines d’autres. Le seul hôtel en fonctionnement à l’époque est l’Intercontinental. 

27 ans plus tard, j’y suis revenu. Et les souvenirs ont afflué. Il n’y a plus de restaurant réservé aux étrangers à l’avant-dernier étage, plus de bar fréquenté par des « hôtesses » aux formes généreuses qui insistaient pour raccompagner les dîneurs à leur chambre… Et en ce dimanche d’août, il fait nettement plus chaud qu’au coeur de l’hiver 1990.

20597199_10154927090362602_955350780919132603_nIMG_0136IMG_0138Vue imprenable sur le Palais du Parlement.

IMG_0289À côté de l’hôtel, une stèle aux « héros » de la révolution de décembre 1989.

 

 

La découverte de la musique (IV) : l’été 73 suite

Après Munich, Salzbourg, Vienne, Budapest (L’été 73), la Roumanie final destination de mon périple estival. On peut encore circuler librement dans le pays dirigé par le sinistre « génie des Carpathes » Nicolae Ceaușescu, moyennant l’obligation de se signaler à la police locale à chacune de nos étapes. L’année suivante les voyages individuels seront interdits. Partout où s’arrête notre Peugeot flanquée de son F (qui nous sera finalement volé), c’est la sensation. Paris, la France, c’est quelque chose pour un peuple si voisin par la langue et la culture… et l’admiration pour le général de Gaulle !

Première étape en Transylvanie dans le village de Blaj près de la petite ville d’Alba Iulia. Mon cousin et moi sommes reçus comme des rois dans la famille de Florin N. au point d’en être embarrassés, mon « correspondant » devenu mon ami – il l’est toujours quarante-trois ans après ! – s’empresse de nous faire visiter les environs, sur les traces de quelque colonie romaine. Beaucoup de Roumains parlent français comme une deuxième langue maternelle (lorsque j’y retournerai trente ans plus tard, il ne subsistera plus beaucoup de signes de cette francophonie/philie). La ville universitaire la plus proche est Cluj Napoca

La grande Julia Varady n’y a pas encore fait ses débuts (en 1982), et je ne suis pas alors très versé dans l’opéra. Mais je me rattraperai dans l’admiration quinze ans plus tard (Carnegie Hall)

https://www.youtube.com/watch?v=TK5uUHFbm-Y

Après Alba Iulia et Cluj, direction le nord du pays, la Bucovine, la Moldavie roumaine et ses fabuleux paysages sylvestres, ses fermes anciennes, ses églises en bois ou couvertes de fresques. Nous dormons dans un couvent de bonnes soeurs à Sucevița (prononcer Sou-ché-vi-tsa). Avant de partir, j’ai dévoré les livres de Virgil Gheorghiu.

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Après un passage à Iași (une des villes jumelées à Poitiers (Initiation), nous arrivons sur les rives du delta du Danube, non sans encombres. La carte routière  est loin d’être précise : une route qu’on croit goudronnée débouche brusquement sur un chemin à peine carrossable, là où un pont est indiqué, on tombe sur un bac qui ne fonctionne plus la nuit tombée (on en sera quittes pour dormir dans la voiture). On a lu dans un guide qu’on pouvait faire une excursion dans le delta du Danube, en compagnie d’un pêcheur de… grenouilles. On passera quatre longues heures silencieuses dans une barque au milieu de nulle part, à compter les batraciens qui se laissent appâter par les morceaux de carotte que leur tend notre pêcheur. La récompense sera à la hauteur : je ne mangerai plus jamais ensuite d’aussi succulentes et copieuses cuisses de grenouille que celles que nous fera déguster la femme de notre batelier.

Nous avons installé notre tente dans un camping proche de la station balnéaire de Mamaia, et un soir, je ne sais plus comment ni pourquoi, j’y retrouve un autre cousin suisse celui-là (j’en ai de nombreux du côté de ma famille maternelle !), nous dînons sur la plage, à quelques tables d’une immense célébrité nationale que je n’oserai aller saluer même si je l’admire beaucoup, le virtuose de la flûte de Pan Gheorghe Zamfir.

L’un de ses tubes est une mélodie populaire L’alouette (Ciocîrlia), qu’Enesco a reprise telle quelle dans sa célèbre Rhapsodie roumaine n°1

L’étape suivante est Bucarest qui n’a pas encore été défigurée par la folie des grandeurs de Ceaucescu. Cette fois nous sommes accueillis par des amis de la famille de mon cousin. Le père est, semble-t-il, proche de la nomenklatura, et reçoit avec un faste culinaire plutôt inhabituel. Sa fille ne me laisse pas indifférent, je lui conte fleurette, sans parvenir à échapper à la vigilance paternelle. Les photos que je verrai d’A. une dizaine d’années plus tard me confirmeront que les attraits de la jeunesse ne sont pas éternels… À Bucarest, on ne visite pas le palais Cantacuzène, on fait quelques photos devant l’Athénée roumain, mais pas de concert !

La route du retour empruntera les routes sinueuses des Carpathes, où nous ferons halte dans la maison de vacances d’Enesco, comme je l’ai déjà raconté (Chez Enesco à Sinaia)

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La dernière nuit passée en Roumanie, dans un vaste camping dont nous étions les seuls hôtes, est associée à un autre souvenir musical. France Inter qu’on captait (on appelait cela alors les « grandes ondes ») diffusait ce soir-là Carmen de Bizet dans la version de Maria Callas et Georges Prêtre. Je ne comprenais pas grand chose à ce que chantait la diva grecque, je me suis longtemps demandé ce qu’étaient les « deux Mansanilla » et ce que voulait dire « je l’ai mis à la portière » (avant que je ne découvre le livret en achetant la version Solti en 1977 : « du Manzanilla » et « je l’ai mis à la porte hier » !!)