Un bouquet de Strauss (III) : entrez dans la danse !

#JohannStrauss200

Troisième et dernier volet de cette série consacrée à Johann Strauss, né le 25 octobre 1825 (lire Dix valses, Sang viennois) : il n’y a pas que des valses et des opérettes dans le corpus de près de 500 oeuvres qu’il a laissées.

Strauss l’influenceur

Aujourd’hui Johann Strauss pourrait être qualifié d’influenceur, au XIXe siècle il imitait un Franz Liszt qui, à son clavier, propageait, diffusait les oeuvres de ses contemporains (Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Wagner, Bellini, etc.). Avec son orchestre il arrangeait les thèmes à la mode, surtout des opéras : à son actif plus de 80 quadrilles. Je renvoie à l’article Le filon Strauss que j’avais consacré à cette part étonnante de l’oeuvre de Strauss.

Claudio Abbado, en 1988 à Vienne, avait déjà révélé ce quadrille sur des thèmes du Bal masqué de Verdi.

En marches

Le fils n’arrivera jamais à concurrencer le père Johann Strauss et sa célébrissime Marche de Radetzky. En revanche, certaines de ses marches sont plus exotiques que martiales

Sa Marche égyptienne est créée à Pavlovsk mais fait référence au creusement du canal de Suez en 1869 et sollicite doublement les musiciens de l’orchestre.

Créée elle aussi à Pavlovsk, la Marche persane exploite un exotisme de pacotille qui plaisait au public européen.

Auf’s Korn est la dernière composition de Johann Strauss pour le choeur d’hommes de Vienne (cf. Dix valses) à l’occasion d’un concours de tir fédéral (1898)

On ne l’entendra qu’une seule fois, en 2006, lors d’un concert de Nouvel an, sous la direction de Mariss Jansons… mais sans choeur !

Le mauvais Napoleon

En 1854, Johann Strauss écrit sa Napoleon Marsch. Mais rien à voir avec Napoleon Ier. L’oeuvre est dédiée à Napoleon III, dans le contexte de la guerre de Crimée imminente. Une seule prestation au concert de Nouvel an, en 2008, où Georges Prêtre court la poste. On en reste à l’unique version gravée par Karajan en 1981 ou à Boskovsky. YouTube devrait vraiment réviser ses illustrations de cette marche, qui montrent systématiquement des portraits de Napoleon Ier !

En 1853, avec sa Kaiser-Franz-Joseph-I.-Rettungs-Jubel-Marsch Strauss rend hommage à l’empereur François-Joseph qui a réchappé de peu à un coup de couteau asséné par un activiste hongrois le 18 février.

Nikolas Harnoncourt s’en donne à pleins tambours, le 1er janvier 2003

Polkas, csardas et galops

Champion toutes catégories pour les polkas de Johann Strauss (et celles de ses frères Josef et Eduard), Carlos Kleiber écrase le match en 1989 et 1992. En particulier dans ces polkas rapides, ce n’est pas le tempo qui compte, c’est le sentiment de vitesse et d’étourdissement que doit produire cette musique, et donc c’est au chef et à lui seul de le susciter.

Je n’ai pas beaucoup aimé l’unique concert de Nouvel an dirigé par Christian Thielemann en 2019, mais c’est le seul qui dans cette polka dont le titre est explicite – Im Sturmschritt / À toute allure – donne ce sentiment d’urgence

Une nouvelle fois, Claudio Abbado est l’homme de la situation dans cette furieuse Furioso Polka

Les galops étaient plutôt la spécialité de Johann Strauss père. Le fils en a laissé quelques-uns, le plus souvent tirés de ses opérettes :

Ballets et autres arrangements

Un seul ballet est à mettre à l’actif de Johann Strauss, et encore a-t-il été achevé et en grande partie orchestré par Josef Bayer : Aschenbrödel / Cendrillon. Honnêtement ce n’est pas un chef-d’oeuvre inoubliable, mais on pouvait se douter que le grand spécialiste du ballet, Richard Bonynge, en donnerait une version hautement recommandable.

On écoute aussi le ballet tiré de l’unique opéra de Johann Strauss, Le Chevalier Pázmán / Ritter Pázmán, qui n’est pas vraiment resté à la postérité.

Et puis il y a les arrangements de quelques chefs d’orchestre (comme la très célèbre Gaîté Parisienne composée par Manuel Rosenthal à partir d’airs plus ou moins connus d’Offenbach).

Ainsi Antal Doráti réalise-t-il pour un ballet de David Lichine et Alexandre Benois – Graduation Ball – un arrangement très réussi de thèmes piochés chez Johann Strauss. Il n’y a pas quantité de versions : Dorati bien sûr, Boskovsky, Fistoulari et…l’Australien Charles Mackerras tout à son affaire pour un ballet créé à Sydney en 1940.

Une dernière mention pour un ballet dont j’ai déjà parlé ici (Le Beau Danube parisien). C’est un autre Strauss, sans aucun rapport avec la dynastie viennoise, Paul Strauss, directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Liège de 1967 à 1977 qui a laissé un disque de référence de ces « arrangements »

Pour les réactions et humeurs du jour : mes brèves de blog

Un bouquet de Strauss (II) : sang viennois

#JohannStrauss200

Le compositeur le plus écouté au monde, grâce au concert du Nouvel an diffusé chaque année en direct de Vienne, Johann Strauss, est né le 25 octobre 1825. Après une revue de valses, qu’en est-il de ses ouvrages lyriques, de ses opérettes, qu’il n’a composées que sur le tard, après avoir vu l’incroyable succès d’Offenbach à Vienne ?

Die Fledermaus / La Chauve-Souris

Je n’ai quasiment rien à changer à l’article que j’écrivais ici il y a une dizaine d’années : Revue de chauves-souris. Personne n’a jamais égalé la version si viennoise de Karajan en 1959

(Ackermann 1959, Böhm 1969, Boskovsky 1971, Danon 1963, Fricsay 1949, Haider, Harnoncourt, Karajan Vienne 1959, Karajan Philharmonia 1955, Carlos Kleiber, Krauss 1950)

Quatre versions en DVD, à commencer par celle de Carlos Kleiber qui dispose du meilleur Orlofsky qui soit, Brigitte Fassbaender, alors que la version CD est plombée par la présence ridicule d’Ivan Rebroff !

Quant à Rosalinde travestie en fausse comtesse hongroise, on craque toujours pour Gundula Janowitz (et la version Böhm en CD et DVD)

Der Zigeunerbaron / Le Baron tzigane

Du Baron tzigane, c’est étrangement une version quasiment inconnue, jamais distribuée en France, qui tient le haut du pavé. Distribution parfaite, direction idéale d’un chef admirable et bien oublié, Heinrich Hollreiser (1913-2006).

Une belle alternative à cette version introuvable est celle de Willi Boskovsky, avec un cast exceptionnel :

(Ackermann 1953, Allers 1969, Boskovsky 1977, Harnoncourt, Hollreiser 1959, Jordan 2004)

J’ai évidemment une tendresse pour cette dernière version. J’étais dans la salle du Corum à Montpellier le 11 juillet 2004 dans le cadre du festival Radio France. Armin Jordan dirigeait l’Orchestre national de France, avec une équipe de chanteurs assez inégale, mais le chef transcendait musiciens et chanteurs.

3. Eine Nacht in Venedig / Une nuit à Venise

Je renvoie à l’article – Une nuit à Venise -que j’avais consacré à cette opérette créée en 1883, l’année de la mort de Wagner… à Venise, après avoir vu un merveilleux spectacle à l’Opéra de Lyon en 2016, dirigé par un jeune chef qui débutait alors dans la maison et qui a depuis fait la carrière que l’on sait, Daniele Rustioni.

Je renvoie aussi à mon précédent article (Un bouquet de Strauss : dix valses) où j’évoque la valse de la lagune qui reprend les principaux thèmes de l’opérette, et en particulier ce merveilleux air de ténor :

Et encore cet extrait qui donnera raison à ceux qui ne supportent pas l’extrême sophistication que met Elisabeth Schwarzkopf dans un rôle de…poissonnière !

(Ackermann 1953, Allers 1969, Märzendorfer 1964)

4. Wiener Blut / Sang viennois

Pour une fois, c’est une valse qui donne naissance à une opérette : Wiener Blut (que j’aurais pu placer parmi mes dix valses favorites) est une pièce composée en 1873, et ce sera une opérette reconstituée par Adolf Müller à partir de partitions de Johann Strauss, créée à Vienne quatre mois après la disparition du compositeur, le 26 octobre 1899.

Ici aucune contestation possible quant à « la » version de référence.

J’ai déjà raconté ici (France Musique, fortes têtes), lorsque j’ai appris le décès de Jean-Michel Damian, ce moment inoubliable de radio que fut la journée du 23 décembre 1995 pour les 80 ans d’Elisabeth Schwarzkopf : la cantatrice avait avoué devant une salle comble (le studio 104 ancienne manière de Radio France) que son enregistrement préféré était justement ce Wiener Blut, et ce duo avec Nicolai Gedda (fait en une seule prise miraculeuse). Frissons garantis à 1’17 »

On retrouve le même fabuleux Nicolai Gedda une vingtaine d’années plus tard dans l’équipe rassemblée par Willi Boskovsky

(Ackermann 1953, Bibl, Boskovsky 1975)

On conseille vivement un coffret de belle qualité :

Voix du printemps

Comme on le précisait dans le premier volet de cette série (Dix valses), beaucoup des valses de Johann Strauss étaient destinées à être chantées soit par un choeur, soit par une chanteuse en vue. Nulle n’a mieux incarné l’esprit viennois qu’ Hilde Gueden (1917-1988)

Même si ce n’est pas de Johann, mais de Josef Strauss, on ne résiste pas à ces Hirondelles d’Autriche

On ne peut en dire autant du seul concert de Nouvel an que dirigea Karajan, le 1er janvier 1987.

Humeurs et bonheurs du jour à lire sur brèves de blog

Un bouquet de Strauss (I) : dix valses

#JohannStrauss200

Nous y voilà : il y a deux cents ans, le 25 octobre 1825, naissait le plus célèbre compositeur du monde. Le plus célèbre, oui, puisque ce sont plusieurs milliards de téléspectateurs qui chaque 1er janvier entendent ses oeuvres, on veut parler de Johann Strauss, que je me refuse à appeler Strauss II – il n’est ni pape, ni roi… même de la valse – éventuellement Johann Strauss fils. Même si d’évidence il a acquis une légitime et universelle célébrité, qui surpasse celle de son père (Johann) et de ses frères (Josef et Eduard) pourtant très doués.

La célèbre statue dorée de Johann Strauss dans le parc de la ville de Vienne et un chef, pur Viennois, Christian Arming, qui dirigeait l’orchestre philharmonique royal de Liège dans sa ville natale en mai 2014 (Les soirées de Vienne) / Photo JPR

Pour célébrer ce bicentenaire à ma manière – puisque mon pays, la France, est bien timide – c’est un euphémisme – en dehors d’un beau concert de l’Orchestre national – je propose trois volets très personnels d’exploration de son oeuvre avec des versions que je recommande particulièrement.

D’abord 10 valses, celles qui me touchent le plus, et pour chacune non pas une discographie exhaustive – impossible – mais, tirées de ma discothèque personnelle, des versions qui me semblent être des références et/ou des raretés (mais je mentionne pour chaque valse toutes les versions de ma discothèque !)

1. An der schönen blauen Donau / Le beau Danube bleu

La plus célèbre valse de Johann Strauss est d’abord une valse chantée, sur un texte satirique de Josef Veyl, un ami d’enfance du compositeur, qui fera scandale lors de la création le 13 février 1867 au Dianabad par le Wiener Männergesang-Verein. C’est à Paris, lors de l’Exposition universelle, le 1er avril de la même année, qu’est donnée la version orchestrale sous la direction de Johann Strauss.

La seule version avec choeur qui figure dans ma discothèque est celle de Willi Boskovsky avec le choeur de l’opéra de Vienne et bien entendu les Wiener Philharmoniker

Naguère distingué à l’aveugle par l’émission Disques en lice, Claudio Abbado, capté le 1er janvier 1988, reste une/ma référence, loin devant tant d’autres !

D’autres versions à retrouver dans cet article : Le beau Danube coule depuis 158 ans

(Abbado x2, Barbirolli x2, Barenboim x2, Bernstein, Böhm, Boskovsky x5, Dorati, Dudamel, Fiedler, Fricsay x2, Gerhardt, Gut, Harnoncourt x2, Horenstein, Jansons x2, Karajan x8, Keilberth, Carlos Kleiber x2, Krips, Maazel x4, Mehta x4, Muti x5, Ormandy, Ozawa, Paulik, Prêtre x2, Pritchard, Reiner, Sawallisch, Schneider, Felix Slatkin, Stolz, Suitner, Szell, Welser-Moest, Wildner)

2. Kaiserwalzer ou la valse des empereurs

L’Orchestre national de France et Manfred Honeck rendaient hommage récemment à Johann Strauss (lire Chiche bicentenaire).

Parmi la quarantaine de versions de ma discothèque (avec des récidivistes comme Karajan avec 8 versions studio et « live » !), j’ai mes préférences :

Jascha Horenstein a enregistré à Vienne (avec l’orchestre de l’opéra, c’est-à-dire les Wiener Philharmoniker !) deux disques parus sous diverses étiquettes. Sa Kaiserwalzer (ici à 7’50 ») est idéale d’entrain, d’allure.

Autre version oubliée, viennoise elle aussi, mais avec les Wiener Symphoniker, Wolfgang Sawallisch

(Abbado x2, Barbirolli x2, Bernstein, Böhm, Boskovsky, Fiedler, Fricsay, Furtwängler, Gielen, Gut, Harnoncourt x2, Horenstein, Jansons, Karajan x8, Keilberth, Kempe, Klemperer, Krips, Henry Krips, Maazel x4, Muti, Paulik, Prêtre, Previn, Pritchard, Reiner, Sawallisch, Schneider, Felix Slatkin, Stolz, Walter x2, Wildner)

3. Wein, Weib und Gesang / Aimer, boire et chanter

J’avais déjà consacré un long article à cette valse de 1869 assez unique dans la production de Strauss. C’est presque un poème symphonique, avec une longue introduction, souvent écourtée, voire supprimée.

Mon premier choix est toujours Willi Boskovsky, qui dirige vraiment une valse qui ne traîne pas, ne s’alanguit pas.

Mais la version de Georges Prêtre en 2010 est émouvante, en ce qu’elle révèle dans l’introduction le grand chef de théâtre qu’il fut.

(Bauer-Theussl, Boskovsky x3, Dorati, Fiedler, Guth, Horenstein, Järvi, Karajan x3, Keilberth, Mehta, Muti, Ormandy, Paulik, Prêtre, Sawallisch, Schuricht, Stolz, Suitner, Szell, Welser-Moest, Wildner)

4. Rosen aus dem Süden / Roses du Sud

Depuis des lustres, « ma » version de la valse Roses du sud (créée le 7 novembre 1880 par Eduard, le benjamin des Strauss, au Musikverein de Vienne) est celle de Karl Böhm. Indépassable !

(Barbirolli, Barenboim, Bauer-Theussl, Bernstein, Böhm, Boskovsky x2, Fiedler, Fricsay, Guth, Horenstein, Karajan, Keilberth, Krips, Maazel, Mehta, Muti, Ormandy, Paulik, Reiner, Sawallisch, Schuricht, Stolz, Alfred Walter)

5. Nachtfalter / Papillon de nuit

J’intitulais un de mes (nombreux) articles consacrés à Vienne « Capitale de la nostalgie« . S’il est une valse qui exprime précisément ce sentiment diffus qui m’envahit à chaque fois que j’écoute cette musique, c’est bien Nachtfalter (1854).Zubin Mehta avec la complicité des Wiener Philharmoniker a tout compris du caractère double de cette confidence douce-amère.

(Oliver Dohnanyi, Mehta)

6. Tausend und eine Nacht/Mille et une nuits

Reprenant les thèmes de l’opérette Indigo et les quarante voleurs, cette valse est créée, comme Roses du sud, par Eduard Strauss au Musikverein de Vienne le 12 mars 1871.

Carlos Kleiber avait choisi cette valse, plutôt rare au concert, pour célébrer, le 1er janvier 1992, le sesquicentenaire des Wiener Philharmoniker. Le modèle absolu !

(Boskovsky, Dudamel, Fiedler, Horenstein, Kempe, Carlos Kleiber, Maazel, Ormandy, Stolz, Alfred Walter)

7. Geschichten aus dem Wiener Wald / Légendes de la forêt viennoise

Celle valse de 1868 commence par un solo de cithare, pour faire plus exotique sans doute. Dans plusieurs versions des années 60, comme celle de Boskovsky, on a fait appel à un musicien resté célèbre pour un film qui a donné à l’acteur Orson Welles l’un de ses plus grands rôles, Le Troisième homme. L’auteur du thème de Harry Lime est un artiste qui jouait dans une brasserie du Prater, Anton Karas (1906-1985)

Mes deux versions préférées de ces Légendes sont du même chef, Rudolf Kempe (1910-1976), resté justement célèbre pour son intégrale symphonique de l’autre Strauss (Richard), qui a gravé quelques anthologies de la famille Strauss, d’abord à Vienne en 1959, puis dix ans plus tard à Dresde.

Rudolf Kempe / Wiener Philharmoniker

Rudolf Kempe / Staatskapelle Dresde

J’ai dans ma discothèque une unique version chantée de cette valse : Rita Streich (1920-1987) y déploie tous ses sortilèges

(Barbirolli, Barenboim, Bernstein, Boskovsky x2, Dorati, Fiedler, Fricsay, Guth, Harnoncourt, Horenstein, Karajan x3, Kempe x2, Knappertsbusch, Krauss, Maazel x3, Mehta, Muti, Ormandy, Felix Slatkin, Stolz, Walter, Wildner)

8. Künsterleben / Vie d’artiste

Cette valse suit de peu le succès du Beau Danube bleu. L’introduction orchestrale de cette valse est un pur moment de poésie. Certains s’y attardent tellement qu’ils en oublient de valser. Ce n’est pas le cas d’un chef qui, comme Fiedler à Boston, connaissait par coeur ses classiques à Hollywood, Felix Slatkin (1915-1963),

(Bernstein, Boskovsky x2, Dorati, Fiedler, Guth, Horenstein, Jansons, Karajan x4, Keilberth, Carlos Kleiber, Maazel, Ozawa, Paulik, Reiner, Sawallisch, Felix Slatkin, Stolz)

9. Lagunen Walzer / Valse de la lagune

La valse créée en 1883 reprend – d’où son titre ! – une grande partie des thèmes de l’opérette Une nuit à Venise. J’en aime le début qui semble ouvrir sur tous les matins du monde et qui, contrairement à bien d’autres valses de Strauss, semble inexorablement optimiste.

Je n’avais pas beaucoup aimé le concert du 1er janvier 2025 censé ouvrir les célébrations du bicentenaire Strauss. Riccardo Muti qu’on a connu fringant et conquérant, dès son premier concert de l’An viennois en 1993, semblait ici engoncé, excessivement retenu. Finalement sa version est l’une des plus convaincantes.

Autre grand habitué des concerts de Nouvel an – Lorin Maazel – très irrégulier d’une année à l’autre :

(Boskovsky x2, Oliver Dohnanyi, Horenstein, Jansons, Maazel, Muti, Stolz)

10. Seid umschlungen Millionen / Embrassez-vous par millions

Un petit air d’ode à la joie ? Ce sont bien les mêmes mots qu’emploient Schiller et Beethoven dans le finale de la 9e symphonie, ce sont eux qui donnent son titre à cette valse créée en 1893. Mélancolique souvent, joyeuse parfois, ce n’est pas la plus aisée à diriger. On retrouve, comme par hasard, Abbado en 1988.

(Abbado, Barenboim, Boskovsky, Harnoncourt, Maazel, Stolz, Alfred Walter)

Ce choix de dix valses est éminemment subjectif, comme le choix des interprètes. J’ai surtout voulu attirer l’attention sur des versions dignes d’intérêt, moins connues ou repérées.

Il existe une intégrale symphonique de l’oeuvre de Johann Strauss parue chez Naxos. L’ensemble est assez médiocre du côté des orchestres et des chefs, mais au moins il y a toute l’oeuvre éditée de Strauss !

* Le titre de cette série est bien sûr un clin d’oeil, Strauss voulant dire « bouquet » en allemand… et en viennois !

Demain 2e volet de cette mini-série sur les opérettes et oeuvres vocales de Johann Strauss

Et toujours humeurs et bonheurs du jour à lire dans mes brèves de blog

Les raretés de l’été (III) : Lorin et Carlos

Ils sont nés la même année : 1930. L’un est mort le 13 juillet 2004 : Carlos Kleiber. L’autre dix ans plus tard le 13 juillet 2014 : Lorin Maazel.

J’ai beaucoup écrit ici même sur ces deux chefs si formidablement doués, et pourtant si différents.

Puisque cette série d’été est dévolue aux raretés de ma discothèque, je veux signaler, pour l’un et l’autre chefs, des enregistrements remarquables, mais pas toujours cités comme leurs « indispensables ». Tout simplement des disques que j’aime.

Maazel de Lama à Brahms

Je renvoie à mon article Arrivages de printemps où j’ai consacré tout un paragraphe à une vraie curiosité, la réédition d’un disque d’arrangements de chansons de Serge Lama que Lorin Maazel avait enregistré à Cleveland !

Mais plus sérieusement pour mesurer le talent de ce chef si précocement doué, il faut réécouter ses premiers enregistrements pour Deutsche Grammophon, il avait moins de 30 ans. Et on n’est jamais à court de (bonnes) surprises, comme avec cette 3e symphonie de Brahms, l’une des plus emportées qui soient.

Il ne renouvellera pas l’exploit quelques années plus tard en enregistrant les quatre symphonies à Cleveland.

Carlos et Borodine

La discographie de Carlos Kleiber a été amplement éditée et rééditée, l’essentiel chez Deutsche Grammophon et pas mal de « live » chez Orfeo. J’ai depuis longtemps, classé à Borodine, un CD paru dans une collection allemande un peu confidentielle et réédité il y a peu par SWR (le label de la radio publique allemande de Stuttgart) avec les deux Kleiber, Erich et Carlos, père et fils.

Je me demandais pourquoi cette passion de Carlos Kleiber pour cette symphonie n°2 de Borodine, qu’on n’entend quasiment plus jamais ni au concert ni au disque. Imitation du père ? 

Inutile de dire que, pour moi, c’est « la » version qui surclasse toutes les autres.

Et toujours à suivre, mes brèves de blog

Soirées 5 étoiles

Il est rare d’enchaîner deux soirées qu’on avait quelques craintes d’aborder – pour des raisons très différentes – et qui finalement vous comblent.

La Maréchale de Véronique Gens

Celle qui a si souvent chanté les tragédiennes baroques, des rôles rares dans des ouvrages méconnus – Véronique Gens était une invitée régulière du Festival Radio France à Montpellier – rêvait d’incarner la Maréchale du Chevalier à la rose de Richard Strauss. Michel Franck, pour sa dernière production comme directeur du théâtre des Champs-Elysées, lui a offert ce rôle, où elle nous a émus et éblouis tout à la fois.

Oui, j’étais un peu inquiet à l’idée de découvrir la mise en scène confiée au metteur en scène incontournable de la scène lyrique européenne, Krzysztof Warlikowski. et j’ai finalement adoré comme je l’ai écrit pour Bachtrack : La noblesse du Rosenkavalier de Warlikowski au théâtre des Champs-Elysées.

Le Chevalier à la rose n’est pas l’opéra que je regarde ou écoute le plus souvent, sauf par extraits. Je n’ai pas beaucoup changé de références au fil des ans.

Les deux DVD dirigés par Carlos Kleiber, dans la mise en scène archi-traditionnelle d’Otto Schenk, avec deux distributions d’exception et surtout, évidemment, la plus belle direction d’orchestre qui soit

Souvenir inoubliable des représentations données au Châtelet avec l’impériale maréchale de Felicity Lott dirigée par Armin Jordan en septembre 1993 (je venais d’arriver à la direction de France Musique.

Au disque, tout aussi impérissable, le miracle Karajan-Schwarzkopf-Ludwig-Stich Randall

Blomstedt pour l’éternité

Jeudi soir je redoutais un peu d’être le spectateur d’un vieillard jadis admiré, mais qu’on vient observer comme une curiosité, Herbert Blomstedt, 98 ans dans quelques jours ! Certes l’entrée et la sortie de scène deviennent très difficiles, mais une fois installé sur son banc de pianiste, le vieux chef suédois fait des miracles avec un Orchestre de Paris en état de grâce (voir Bachtrack: Herbert Blomstedt et l’Orchestre de Paris pour l’éternité).

Deux symphonies au programme : la Première de Brahms et en première partie la 2e symphonie de Berwald (1842). A ma connaissance, Blomstedt n’a gravé que les 1ere et 4eme symphonies à San Francisco. Les intégrales symphoniques de Berwald se limitent à quelques versions, avec une préférence pour Ulf Björlin et le Royal Philharmonic

C’est de la musique joliment troussée, qui se laisse écouter.

La Première de Brahms c’est évidemment autre chose, et les grandes versions au disque sont légion. Relire ce que j’écrivais ici à propos de l’un des plus beaux thèmes de toute la symphonie, chanté au cor dans le dernier mouvement : Le son du cor au fond de Brahms.

Il faut évidemment écouter Blomstedt dans une oeuvre dont il connaît tous les secrets

Une expo à voir et entendre

Passant par hasard devant l’hôtel de Soubise, dans le Marais à Paris – c’est le siège et le musée des Archives nationales – j’y ai découvert une belle exposition sur le thème Musique et République (voir mes brèves de blog).

Beaucoup de documents qu’on a rarement l’occasion de voir et de lire. Iconographie et muséographie de premier plan. C’est gratuit et on se précipite

Mon actualité sur brèves de blog.

Carmen est de la revue

Dira-t-on en cette année qui célèbre le sesquicentenaire de la création de Carmen, et subséquemment du décès brutal de son auteur, Georges Bizet, que trop de Carmen tue Carmen ?

C’est bien possible, sinon probable. Je connais des amis qui ne supportent plus ni d’écouter, ni de voir Carmen. Je n’en suis pas, même si je ne cours pas après toutes les Carmen qui se présentent. Après le dossier très complet que consacre Diapason, dans son numéro d’avril, à « l’opéra le plus aimé au monde », je me suis amusé à réexaminer ma discothèque personnelle.

Comme Diapason, je mets depuis longtemps tout en haut de la pile la version Beecham, dont j’avais raconté les aventures et mésaventures (L’impossible Carmen)

Pas loin je place Rafael Frühbeck de Burgos avec un couple Carmen/Don José étonnant

C’est la même Grace Bumbry et les mêmes comparses qui seront du film réalisé à Salzbourg sous la direction de Karajan.

On mettra loin derrière le remake plantureux de Karajan pour DGG avec Agnes Baltsa, tout comme la version de 1964 avec Leontyne Price.

La Carmen de Maria Callas, n’est peut-être pas idiomatique, mais elle est d’abord très bien entourée et dirigée, et elle m’évoque un souvenir très particulier. Au cours de l’été 1973, j’étais au fin fond de la Roumanie dans un camping, avec pour seule liaison avec le « pays », un poste à transistor et en longues ondes France Inter. Un dimanche soir, la radio diffusait Carmen chantée par Callas. Surréaliste mais vrai !

Puis au hasard d’une Tribune des critiques de disques de France Musique, j’ai découvert la version de Georg Solti, à laquelle je n’ai cessé au fil des ans de trouver de plus en plus d’atouts, à commencer par l’incarnation si juste et touchante du rôle-titre par Tatiana Troyanos

Lorin Maazel, qui n’a pas toujours eu la main heureuse dans ses enregistrements d’opéra, réussit parfaitement la bande-son du film de Francesco Rosi. Julia Migenes n’est peut-être pas la plus grande chanteuse, avec ses partenaires elle incarne une Carmen plus que cr’édible

Lorin Maazel, quelques années plus tôt, a gravé une autre Carmen avec une interprète capiteuse à souhait, à laquelle il est difficile de résister, Anna Moffo

On s’étonnera peut-être que je ne place qu’ici, en tout cas pas dans les priorités, la version toujours présentée comme une référence de Claudio Abbado avec Teresa Berganza et Placido Domingo. Je n’ai jamais partagé l’engouement général pour cette version, que je trouve certes bien réalisée, mais trop statique, pas assez vivante. Et des soucis de prononciation rédhibitoires.

Très exotique aussi, mais pour d’autres raisons, la version de Thomas Schippers, grand chef de théâtre s’il en fut, avec une Carmen impossible en la personne de Regina Resnik, caricature de cantatrice et de Carmen en même temps. Rien ne va dans cet album, à part la direction racée de Schoippers et la rigueur de l’Escamillo de Tom Krause.

Je ne suis pas non plus très fan de la version de Michel Plasson, avec une Carmen vraiment peu crédible malgré (ou à cause de) la présence d’une Angela Gheorghiu que je n’arrive pas à me représenter en Carmen. Si Roberto Alagna fait un Don José émouvant, Thomas Hampson (Escamillo) et Inva Mula (Micaela) ne m’ont jamais convaincu.

En bonne dernière, malgré l’admiration qu’on nourrit pour le chef – Leonard Bernstein – et l’interprète principale – Marylin Horne – il faut bien reconnaître le ratage de cette Carmen.

En DVD il y a plusieurs versions qui ne manquent pas d’intérêt. J’en ai 4 dans ma bibliothèque (Karajan/Price), Philippe Jordan avec la blonde Anne-Sofie von Otter à Glyndebourne, Anna-Caterina Antonacci avec John Eliot Gardiner, et la plus surprenante Carlos Kleiber à Munich avec un « cast » étonnant autour de l’éternel Placido Domingo, Elena Obraztsova (!) en Carmen, Isobel Buchanan en Micaela

Et toujours le quotidien sur : brevesdeblog

Le beau Danube coule depuis 158 ans

La plus célèbre valse du monde a 158 ans aujourd’hui. Son auteur est né il y a 200 ans : Johann Strauss (1825-1899).

An der schönen blauen Donau (Le beau Danube bleu) est né d’une commande de Johann von Herbeck, directeur de la plus célèbre chorale – exclusivement masculine – de Vienne, le Wiener Männergesang-Verein, qui souhaite une nouvelle « valse chorale vivante et joyeuse » pour leur festival d’été Sommer-Liedertafel. Les paroles  de Josef Weyl,  un ami d’enfance du compositeur, paroles sur le thème satirique qui traitent par la satire et la dérision la défaite militaire historique de la maison d’Autriche à la guerre austro-prussienne de 1866 vont susciter de vives critiques et l’indignation du public, malgré succès de la première de cette valse le 15 février 1867 à l’établissement thermal Dianabad du canal du Danube de Vienne.

Je ne connais qu’un seul enregistrement de la version originale avec choeur par Willy Boskovsky (lire Wiener Blut) avec le choeur de l’Opéra de Vienne et l’orchestre philharmonique de Vienne.

Lorsque Johann Strauss dirige, quelques mois plus tard, son Beau Danube à Paris pour l’exposition universelle de 1867, c’est la grande version symphonique qui nous est restée depuis lors, et qui est restée l’incontournable de tous les concerts de Nouvel an à Vienne

Ici quelques versions moins connues (ou moins souvent citées), à commencer par celle de Claudio Abbado en 1988 (arrivée première d’une écoute critique anonyme d’un Disques en lice)

L’année précédente, le vieux Karajan, épuisé par la maladie, jetait sa dernière énergie dans l’unique concert de Nouvel an qu’il ait jamais dirigé. Et c’est toujours bouleversant.

Carlos Kleiber, en 1989 et 1992, atteint de tels sommets qu’il épuise pour longtemps la question

Mais je me demande si la version qu’on pourrait dire « de référence » n’est pas celle de Karl Böhm, enregistrée en 1972. Partition en main, et oreilles grandes ouvertes, on ne sait qu’admirer le plus : la pulsation inépuisable (qui prend toujours appui sur le premier temps), les transitions fabuleuses entre les différents épisodes – là où tant de chefs ralentissent, s’alanguissent sans raison – et puis cet élan irrésistible, ajoutés à la beauté de la prise de son réalisée au Sofiensaal.

Ici au Japon en tournée en 1975 !

Cela vaut le coup de jeter une oreille à ce très beau disque qu’on doit à l’un des plus grands chefs américains du XXe siècle, Arthur Fiedler (1894-1979), qui n’a pas été que le légendaire chef des Boston Pops. Je lui consacrerai bientôt un billet, notamment sur son héritage classique

Tout aussi inattendue, la version de Felix Slatkin (1915-1963) avec le Hollywood Bowl Orchestra (l’autre nom du Los Angeles Philharmonic en été !): une vraie valse qui tourne, s’envole et ne s’alanguit pas

La valse de Strauss a subi arrangements et transformations – notamment pour le piano – mais aussi dans son format orchestral. Ainsi le chef Roger Désormière avait réalisé une sorte de poème symphonique Le beau Danube qui reprend les principaux thèmes de la valse de Strauss

Elle n’a pas non plus échappé au strass hollywoodien

Et toujours mon journal : brevesdeblog

Les morts du 13 juillet : Kleiber, Maazel

On a beau dire et écrire que les grands chefs ne meurent pas puisque les témoignages de leur art les immortalisent. Certains, plus que d’autres, nous manquent parce qu’ils n’ont jamais eu de successeurs de leur niveau.

13 juillet 2004 : Carlos Kleiber

Plus le temps passé depuis sa disparition il y a vingt ans, plus la figure, la personnalité, l’art de Carlos Kleiber nous apparaissent comme uniques, extraordinaires, irremplaçables. Tout a déjà été dit et écrit sur le fils d’un autre géant Erich Kleiber, même un très mauvais livre du bientôt ex-ministre de l’économie.

Relire le portrait que j’avais fait : Carlos Kleiber

13 juillet 2014 : Lorin Maazel

Autant Carlos Kleiber était rare sur le podium ou dans la fosse, parcimonieux dans sa discographie, autant son presque contemporain Lorin Maazel était prolifique, courant après les postes, les honneurs et l’argent, sans qu’on parvienne toujours bien à distinguer l’essence de son talent.

Le temps a fait son œuvre et l’on mesure aujourd’hui la chance qu’ont eue les orchestres qu’il dirigeait, et qui sous la précision de la baguette pouvaient parfois, souvent, atteindre des sommets. Lire le portrait que j’avais fait de lui, il y a dix ans exactement : L’Américain de Paris

A l’occasion du centenaire de la mort de Puccini, on peut rappeler que Lorin Maazel était aussi un chef lyrique particulièrement inspiré dans les ouvrages de ce compositeur.

Sur les basques de Ravel

C’est à croire que toute la touristerie s’est donné rendez-vous sur la côte basque coté français durant ce viaduc de l’Ascension. Biarritz inatteignable, Guéthary invisitable, et finalement non sans bouchons, l’accès à un nouveau parking de Saint-Jean de Luz peu avant qu’il affiche complet. Mais en sortant, la récompense : la vue directe sur la maison natale de Ravel de l’autre côté du port sur la commune de Ciboure (l’étrange façade flamande qui détonne au milieu des maisons en pur style basque.

La maison natale de Ravel à Ciboure sur le port de Saint-Jean-de-Luz

En rentrant je me replongerai dans les écrits de Ravel. Où il évoque sa « basquitude », ses fréquents retours au pays. J’ai trouvé ceci, un témoignage de Gustave Samazeuilh sur « les nombreux étés que nous avons passés ensemble en ce Pays Basque… Nous voisinions quotidiennement, soit dans les logis qu’il habita successivement à Ciboure ou dans la grande rue de Saint-Jean-de-Luz, soit sur ce coteau de Bordagain, où les miens et moi-même avions fixé nos pénates. Ravel aimait le vaste horizon de mer et de montagne qu’on y découvre. Il goûtait la douceur de l’air, la lumière affectueuse et vive. Que de fois sommes-nous montés en haut de la tour de l’ancienne abbaye de Bordagain pour voir se coucher le soleil ou monter la lune au zénith, quitte à prolonger ensuite notre soirée en la maison voisine aux volets rouges, dont l’isolement nous permettait de musiquer ou de deviser jusqu’à des heures fort avancées ? En descendant vers Saint-Jean-de-Luz le matin, je passais devant la maison de Ravel. Un siffle de ralliement bien connu de ses amis d’alors : le thème initial de la Seconde Symphonie de Borodine… Ravel se mettait à sa fenêtre, souvent  en pittoresque costume de bain.

D’autres fois, j’entendais son piano, je grimpais ses étages, et j’avais souvent de précieuses surprises. Une autre fois – beaucoup plus tard – je goûtais le savoureux spectacle de voir Ravel en peignoir jaune et en bonnet rouge écarlate, me jouant d’un doigt, avant d’aller prendre notre bain matinal, le thème du Boléro, et me disant : « Mme Rubinstein me demande un ballet. Ne trouvez-vous pas que ce thème a de l’insistance ? Je m’en vais essayer de le redire un bon nombre de fois sans aucun développement en graduant de mon mieux mon orchestre. » On sait avec quelle étourdissante virtuosité il sut réussir cette gageure.

D’autres jours, nous allions faire de longues promenades pédestres ou des randonnées automobiles en Béarn, sur la côte espagnole jusqu’à Santander, en Navarre, en Soule. Je me souviens, en particulier, de celle qui nous amena, par l’admirable route du col de Lesaca, de Pampelune à Estella, et retour par Roncevaux, Saint-Jean-Pied-de-Port et Mauléon. Ravel en avait rapporté le plan d’une œuvre basque pour piano et orchestre, « Saspiak bat », dont il m’a souvent parlé, et que seule la difficulté qu’il éprouva à trouver l’idée pour la pièce expressive du milieu, à laquelle il tenait particulièrement, lui fit abandonner. J’ai toujours pensé que les éléments des pièces vives, notamment de la première et la dernière : une fête sur la place de Mauléon, avaient été utilisées dans les pièces correspondantes du Premier Concerto de piano… »

Saint-Jean-de-Luz et Louis XIV

Saint-Jean-de-Luz est entrée dans la grande histoire de France pour avoir hébergé le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche le 9 juin 1660 en l’église Saint-Jean-Baptiste.

L’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz

La maison, construite en 1643, où Louis XIV séjourna durant un mois en 1660, aujourd’hui appelée Maison Louis XIV

Donnant sur le port, la demeure où résida l’Infante d’Espagne avant son mariage avec Louis XIV.

L’attrait principal de Saint-Jean-de-Luz est bien entendu son bord de mer, qui n’est pas, comme d’autres de la côte basque, envahi par les terrasses et les échoppes.

Ce que j’ai découvert, en longeant l’élégant bâtiment de La Pergola, qui abrite le Casino, c’est que c’est l’oeuvre de l’architecte Robert Mallet-Stevens en 1927

Saint-Jean-Pied-de-Port et les pèlerins de Compostelle

Sans le savoir, j’ai emprunté les routes qu’aimait parcourir Ravel avec son ami Samazeuilh, dans ce pays basque pyrénéen si charmant. Ainsi cette halte à Saint-Jean-Pied-de-Port, où l’on a vu nombre de pèlerins en chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

La porte du Roy qui donne accès à la citadelle qui surplombe la ville.

On aurait pu emprunter le col de Roncevaux, se remémorer la Chanson de Roland, mais une manifestation apparemment sportive nous a privé de cet itinéraire. Pour s’en consoler, on peut écouter cet air extrait d’un opéra dont j’ignorais même jusqu’à l’existence avant que le Palazzetto Bru Zane ne l’exhume – Roland à Roncevaux – d’Auguste Mermet, un ouvrage de 1864.

Musiques d’époque

De la même manière qu’il y a des marronniers dans les médias, il y a des marronniers dans le spectacle.

Casse Noisette

Ainsi l’ultime ballet de Tchaikovski – Casse-Noisette -créé à Saint-Pétersbourg quelques mois avant la mort du compositeur est-il programmé partout en cette période de Noël (la liste publiée par Bachtrack est éloquente !). En France et à Paris, on n’y échappe pas.

Je me réjouissais d’assister jeudi au concert de l’Orchestre national de France, qui annonçait l’intégrale de la musique du ballet (alors que l’Orchestre de Paris et son chef Klaus Mäkelä n’avaient programmé que le 1er acte, à la grande satisfaction certes d’Alain Lompech sur Bachtrack). J’attendais aussi le jeune chef tchèque Petr Popelka, pour des raisons qu’on n’a pas pris la peine de nous expliquer il a été remplacé par Fabien Gabel (une ressemblance capillaire ?)

Mais je m’attendais surtout – puisqu’on était à la Maison de la radio et de la musique – à la présence des voix de la Maîtrise de Radio France dans la merveilleuse valse des flocons de neige qui clôt le deuxième tableau du 1er acte. C’était l’occasion ou jamais de présenter une intégrale… vraiment intégrale. La présence au premier rang de la présidente de Radio France et de sa famille n’aura pas suffi. Dommage !

Sachant la redoutable difficulté d’une partition qu’on connaît par coeur, je veux rester indulgent à l’égard d’un chef et d’un orchestre qui d’évidence auraient eu besoin de plus de répétitions ne serait-ce que pour mieux caractériser chaque scène, chaque épisode, où Tchaikovski fait preuve d’une invention mélodique, d’un traitement de la matière orchestrale, absolument extraordinaires (c’est dans Casse Noisette qu’on entend pour la première fois le célesta comme instrument soliste dans la fameuse Danse de la fée Dragée). Jeudi j’avais encore le souvenir très vif d’une soirée inoubliable du festival d’Aix-en-Provence 2009, où Simon Rattle et l’orchestre philharmonique de Berlin avaient donné (comme Mäkelä et l’Orchestre de Paris !), l’ouverture et le 1er acte de Casse-Noisette avant Le Sacre du printemps de Stravinsky. C’est avec émotion que je retrouve la critique qu’en avait faite dans Télérama le regretté Gilles Macassar, disparu en 2015 (lire son beau portrait de Fabienne Pascaud).

La Valse des flocons de neige… avec les voix d’enfants !

La Chauve-Souris

Autre « marronnier » des fins d’année, Die Fledermaus / La Chauve-Souris, l’opérette la plus populaire de Johann Strauss, qu’on programme à cette époque parce qu’elle s’inspire d’une pièce française de Meilhac et Halévy… le Réveillon ! (lire Revue de Chauves-Souris)

Mercredi soir, et malheureusement pour une seule soirée, le Théâtre des Champs-Elysées recevait la meilleure équipe qui se puisse rêver pour ce chef-d’oeuvre. Comme on l’a écrit pour Bachtrack : Une Chauve-Souris authentiquement viennoise au théâtre des Champs-Elysées.

Je n’avais pas vu la vidéo de présentation de ce concert, je partage non seulement tout ce que Marc Minkowski dit de l’oeuvre et de cette musique, mais je constate avec plaisir que le chef français a très exactement fait ce qu’il a dit. J’espère que cette production est ou sera enregistrée dans le cadre de sa tournée européenne.

Quant à mes versions favorites au disque ou en DVD, j’invite à relire Revue de Chauves-Souris.