Tristes constats et Renaissance

J’ai, depuis quelques jours, l’humeur morose, à l’image du ciel pourri de ce début d’été. Ce n’est pas pourtant pas mon habitude, surtout à l’approche d’une échéance électorale qui devrait raviver mon goût pour la politique. J’ai commencé un texte, je n’en trouve pas l’issue, je ne sais pas si je l’achèverai avant le 30 juin.

Tristes constats

Quand une figure aussi reconnue du monde de la culture, Ariane Mnouchkine, fait un redoutable constat devant la montée inexorable de l’extrême droite :

« Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds ». Elle continue :  « pas certaine qu’une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive », car « une partie de nos concitoyens en ont marre de nous : marre de notre impuissance, de nos peurs, de notre narcissisme, de notre sectarisme, de nos dénis ».

Une longue interview croisée dans Le Monde d’Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, et de Tiago Rodriguez, le directeur du Festival d’Avignon, ne dit pas autre chose : « La culture n’a plus aucun poids dans le débat politique »

Je m’effare moi-même en relisant un billet écrit le 25 mars 2017 : L’Absente.

Ils sont partis avant nous

Nous restons sidérés par la disparition, si jeune, de Jodie Devos (voir Jodie dans les étoiles), pointant l’injustice d’une maladie, le cancer, qui l’a emportée en quelques mois.

(Le 15 juillet 2022 à Montpellier Jodie Devos chantait Ophélie dans Hamlet d’Ambroise Thomas avec le ténor John Osborn (Hamlet) et le chef Michael Schonwandt)

Elle n’est pas malheureusement pas la seule chanteuse à avoir subi le même sort. Il y a vingt ans, la soprano britannique Susan Chilcott mourait à tout juste 40 ans.

Qui a pu oublier la destinée tragique de la contralto Kathleen Ferrier, morte elle aussi à 40 ans ?

À chaque fois que je pleure une disparition, je me récite le sublime poème de Friedrich Rückert que Mahler a mis en musique dans ses Kindertotenlieder, et j’écoute Kathleen Ferrier…

Oft denk' ich, sie sind nur ausgegangen,
Bald werden sie wieder nach Hause gelangen,
Der Tag ist schön, o sei nicht bang,
Sie machen nur einen weiten Gang.

Ja wohl, sie sind nur ausgegangen,
Und werden jetzt nach Haus gelangen,
O, sei nicht bang, der Tag ist schön,
Sie machen den Gang zu jenen Höh'n.

Sie sind uns nur voraus gegangen,
Und werden nicht hier nach Haus verlangen,
Wir holen sie ein auf jenen Höh'n
Im Sonnenschein, der Tag is schön

Souvent je pense qu’ils sont seulement partis se promener,
Bientôt ils seront de retour à la maison.
C’est une belle journée, Ô n’aie pas peur,
Ils ne font qu’une longue promenade.

Mais oui, ils sont seulement partis se promener,
Et ils vont maintenant rentrer à la maison.
Ô, n’aie pas peur, c’est une belle journée,
Ils sont seulement partis se promener vers ces hauteurs.

Ils sont seulement partis avant nous,
Et ne demanderont plus à rentrer à la maison,
Nous les retrouverons sur ces hauteurs,
Dans la lumière du soleil, la journée est belle sur ces sommets.

Eric Tappy

La disparition le 11 juin dernier du magnifique ténor suisse Eric Tappy (1931-2024) a été éclipsée par celle de Jodie Devos. Diapason lui rend l’hommage qui lui est dû. Je l’avais moi-même évoqué lors de la disparition de Rachel Yakar (lire Rachel et Zémire).

Les voici l’une et l’autre dans un extrait d’un Couronnement de Poppée mythique, dirigé par Nikolaus Harnoncourt.

Renaissance

Voulant échapper à ces tristes torpeurs, j’ai profité de la visite d’un ami étranger à Paris, pour visiter – c’était le dernier jour ! – une magnifique exposition L’invention de la Renaissance à la Bibliothèque Nationale de France dans ses locaux historiques de la rue de Richelieu.

La grande salle ovale de lecture était comble ce dimanche matin : des bacheliers qui préparaient l’épreuve de philo ?

La galerie Mazarin

(Copie du portrait de Pétrarque peint par Andrea del Castagno au musée des Offices à Florence)

(Copie du portrait de Virgile conservé au Musée du Louvre)

Le nombre et la beauté des livres et des manuscrits exposés fait regretter que cette exposition ne dure pas plus longtemps. On a surtout envie de lire et relire les grandes figures de la Renaissance, en premier lieu Pétrarque.

La Commedia, Dante Alighieri (1481)

Triomphes de Pétrarque (1503)

Apollon et Daphnis, Pérugin (1490)