Trouvailles et retrouvailles

Juste pour mémoire les suites de ma visite à Louis Langrée à Cincinnati : l’entretien que le chef français, directeur de l’Opéra Comique depuis deux ans, m’avait accordé est maintenant publié sur Bachtrack : « Le chef providentiel n’existe pas ».

J’invite, en particulier, à lire ce que Louis Langrée dit de la vie musicale américaine et du poids de la cancel culture qui a conduit, par exemple, les responsables du Lincoln Center de New York à supprimer Mozart de leur vocabulaire, parce que le nom même est jugé élitiste !! Heureusement la contamination reste limitée en Europe, et le travail exemplaire que font les équipes de l’Opéra Comique est de nature à nous rassurer !

(Louis Langrée dans son bureau de directeur général à l’Opéra Comique devant une affiche-programme de 1950)

L’actualité du chef est aussi ce nouveau disque dont le soliste est Alexandre Tharaud. Pour ne blesser personne, je me contenterai de remarquer que Louis Langrée trouve, dans Ravel et plus encore dans Falla, des couleurs admirables grâce à un Orchestre national en grande forme. Bravo pour le couplage inédit au disque !

Solti suite et fin

Il y a deux ans, j’avais reçu juste avant un séjour involontaire à l’hôpital, le deuxième des coffrets que Decca a consacrés à son chef star, Georg Solti (1912-1997) : Solti à Londres. Après un premier fort volume regroupant les enregistrements faits à Chicago durant un quart de siècle. Cette fois la boucle est bouclée avec un troisième coffret regroupant tout ce que le chef britannique a enregistré ailleurs qu’à Londres ou Chicago, pour la plupart à Vienne. Et ce sont, pour moi, de loin les meilleurs disques de Solti.

Les chauvins y retrouvent le seul disque enregistré avec l’Orchestre de Paris – dont Solti fut brièvement le « conseiller musical », des poèmes symphoniques de Liszt… et les 2e et 5e symphonies de Tchaikovski avec l’ancêtre de l’Orchestre de Paris, la société des Concerts du Conservatoire.

Je ne résiste pas au plaisir de citer encore la version la plus hallucinée des célèbres ouvertures de Suppé, captées en 1957 avec des Wiener Philharmoniker complètement survoltés : ici une Cavalerie légère au triple galop !

Braderie russe

Sur le site allemand jpc.de, je trouve régulièrement, à tout petit prix soldé, des disques dont j’ignorais même l’existence, parce qu’ils n’ont jamais ou très inégalement été distribués en Europe occidentale, publiés par le label Melodia, jadis le seul et unique éditeur officiel de l’URSS. Je viens de recevoir – et d’écouter – quatre albums assez incroyables.

D’abord Evgueni Svetlanov (1928-2002) dont on sait qu’il ne limitait pas son horizon à la seule musique russe, dont il a pourtant enregistré une quasi-intégrale symphonique. Ici c’est Ravel, et beaucoup moins attendu, le grand oratorio d’Elgar, The Dream of Gerontius. Grandiose vraiment !

Autres surprises, un double album consacré à Wagner (édité en 2013 à l’occasion du bicentenaire de sa naissance) et un époustouflant « live » de 1965 où Charles Munch dirige l’orchestre de Svetlanov (le symphonique d’URSS) dans une Mer de Debussy absolument déchaînée (au même programme: la 2e symphonie d’Honegger, la suite de Dardanus de Rameau et la 2e suite de Bacchus et Ariane de Roussel)

(Debussy, la Mer extrait, Charles Munch, Orchestre symphonique de l’URSS, Moscou 1965)

Le bonheur de Mahler

Passant avant-hier chez le libraire de la rue de Bretagne à Paris, je tombe sur un livre de poche au rayon « Musique ». Jamais entendu parler du bouquin à sa sortie en 2021, encore moins de son auteur, Évelyne Bloch-Dano.

«  »On ne connaît pas Natalie Bauer-Lechner. Et pour cause : le nom de cette talentueuse altiste a été effacé par l’entourage de Mahler. Avant-gardiste, membre d’un quatuor de femmes réputé, c’est aussi elle qui, la première, a cru en Gustav Mahler. Jusqu’au mariage du compositeur, elle fut sa confidente, la première lectrice de ses compositions… son âme sœur, dans une Vienne aux codes étouffants, ivre d’art et de musique. Évelyne Bloch-Dano nous emmène à la rencontre de trois personnages, un génie, une artiste et une ville, dans une époque euphorique et impitoyable que balaya la Première Guerre mondiale. Le récit d’une intimité hors normes qui a le souffle d’un roman ». (Présentation de l’éditeur)

Un feuilletage rapide donne l’impression d’un ouvrage sérieux, même si écrit comme une biographie romancée. En tout cas, l’idée n’est pas mauvaise de raconter Mahler par le biais de cette amitié particulière avec une authentique féministe, la musicienne Natalie Bauer-Lechner