Don Carlos, de Madrid à Paris

800px-Don_Carlos_Spanien

Il y a une semaine à Madrid, au Prado, j’observais ce portrait de Charles d’Autriche dû à Alonso Sánchez CoelloC’est tout l’art d’un peintre officiel que de savoir donner de la grâce et de l’allure au rejeton issu du premier mariage de Philippe II et de Marie-Manuelle de Portugalalors que le jeune homme était ‘difforme, épileptique, d’une laideur repoussante’ comme le rappelle, dans un texte aussi drôle qu’historiquement informé Roselyne Bachelot sur forumopera.com (Don Carlos le vrai).

Je me préparais évidemment pour l’événement de la saison lyrique, le Don Carlos, grand opéra à la française de Verdi créé il y a 150 ans – le 11 mars 1867 – à l’Opéra de Paris, dans une distribution de rêve dominée par le tenorissimo de l’heure Jonas Kaufmann, qui ne ressemble pas exactement, comme le relève l’ex-ministre chroniqueuse, au personnage qu’il incarne.

J’ai eu la chance de pouvoir assister hier soir à la générale d’un spectacle sold out depuis des mois, précédé d’une rumeur sulfureuse, le metteur en scène Krzysztof Warlikowski ayant déclaré vouloir « mettre à poil le drame de Don Carlos » (Forumopera 22 août 2017).

IMG_2360

Petit moment d’angoisse lorsqu’un responsable de l’Opéra se présente sur scène. Ménageant son effet, il énonce la distribution qu’on entendra ce soir, en commençant par les rôles secondaires, puis les personnages principaux, Ildar Abdrazakov en Philippe II, Dmitry Belosselskiy en Grand Inquisiteur, Ludovic Tézier en Rodrigue, Elīna Garanča en princesse Eboli, Hibla Gerzmava en Elisabeth de Valois – première surprise, j’attendais Sonya Yoncheva – et, toute la salle retenant son souffle, Jonas Kaufmann en Don Carlos ! 

Je ne ferai ici aucune critique de ce que j’ai vu, d’abord parce que ce n’est pas mon métier, ensuite parce qu’il s’agissait d’une générale. Mais je peux tout de même dire le bonheur que j’ai éprouvé à entendre une distribution aussi homogène, sans doute la plus belle qu’on puisse réunir aujourd’hui pour un tel ouvrage – la langue française pour un opéra aussi long n’étant pas le moindre des défis à relever pour les stars en présence -. Les uns et les autres se sont parfois économisés – ou plutôt adaptés à la captation filmée – mais jamais au détriment de la musique et du ressort dramatique.

Philippe Jordan dans la fosse magnifie la partition parfois longuette de Verdi, l’orchestre et les choeurs de l’Opéra superbes de cohésion et de nuances. Et Warlikowski, dont le moins qu’on puisse dire est que je ne suis pas toujours fan, réussit son pari d’exalter une intrigue intime qui s’inscrit dans un univers monumental.

Pour les très nombreux déçus qui n’auront pas la chance de voir ce spectacle dans cette distribution, il y aura la consolation de l’entendre sur France Musique – qui consacre cette semaine une série d’entretiens et vendredi prochain toute une journée à Philippe Jordan – et bientôt en vidéo.

DLkEwPBWAAAvg5i

Ce Don Carlos en version française avait déjà été donné, en 1996, dans une autre très grande version et vision, au Châtelet (lire Luc Bondy et Don CarlosJ’en garde un souvenir extraordinaire.

81LVJzQPzZL._SL1500_

51FU0I81tqL