Série noire

Notre époque est sans mémoire, elle est aussi sans distance par rapport à l’actualité. Une nouvelle tombe, aussitôt suivie de réactions automatiques. Comme celles qu’ont suscitées les récentes disparitions de Georges Prêtre ou Michèle Morgan.

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Rappelons-nous, il y a un an :  La mort et la tristesse. En moins de quinze jours, Pierre Boulez, David Bowie (La dictature de l’émotion), Michel Delpech, Michel Tournier, Ettore Scola…

Hier c’était une disparition beaucoup moins médiatique, la cantatrice française Geori Bouéqui avait fait une apparition très applaudie sur la scène de l’Opéra-Comique en février 2013 pour la première de Ciboulette de Reynald Hahn, dont elle avait été la première interprète au disque.

Et la rubrique nécrologique ne risque pas de se tarir dans les mois à venir…

Je posais donc hier une nouvelle fois la question sur Facebook : pourquoi faut-il qu’à chaque disparition d’une personnalité un peu connue, tout le monde tombe dans le panneau de la louange excessive ? Je me suis fait – gentiment – remonter les bretelles par ceux qui me reprochaient de ne pas considérer Georges Prêtre comme le « géant », le « dernier grand chef », le « musicien préféré des Viennois », abondamment décrit par une presse et des réseaux sociaux qui semblent avoir abdiqué tout esprit critique.

Quand on n’ose pas dire les choses comme elles sont, on use de périphrases, et dans le cas du chef disparu qui avait une conception très élastique du respect des partitions qu’il dirigeait, on évoque des « interprétations particulières ». J’en suis bien désolé, mais je ne vois pas ce qu’il y a de « grand » dans le rubato systématique, la désarticulation rythmique, dont Prêtre usait et abusait. Comme dans cette valse de Strauss (Morgenblätter / Les journaux du matin), qui devient sous sa baguette une caricature de l’esprit viennois : à partir de 45’30…

Maintenant je n’ai pas connu le personnage, autrement que brièvement lors de la journée spéciale du 23 décembre 1995 que nous avions consacrée sur France Musique à Elisabeth Schwarkopf. Georges Prêtre était venu évoquer la première française de Capriccio de Richard Strauss qu’ils avaient donnée à l’Opéra de Paris en 1964, au micro du regretté Jean-Michel Damian