Les bonnes raisons

Mon père, qui aurait eu 95 ans hier, si la grande faucheuse ne l’avait brutalement emporté il y a cinquante ans, me disait toujours quand je critiquais un camarade d’école ou de collège : « Il y a toujours quelque chose de bon à trouver chez chacun, dans chaque situation ». Vision angélique ou naïve ? Je me demande ce que le professeur adoré de ses élèves qu’il était aurait pensé du monde d’aujourd’hui. Mais je n’ai jamais oublié son injonction, qui continue de me guider. Pourquoi perdre son temps et son énergie à détester, combattre, se fâcher? Les bonnes raisons d’espérer existent en ce début d’année 2023. À nous de les préférer à la résignation.

Inutile méchanceté

Mais puisque mon dernier billet – Même pas drôle – a suscité quelques commentaires, je confirme et signe ce que j’ai écrit à propos de Roselyne Bachelot et de son passage plus que controversé au ministère de la Culture. Le Monde (Michel Guerrin) n’est pas moins sévère que moi : « Si Roselyne Bachelot pose une bonne question – à quoi sert une politique culturelle aujourd’hui ? –, ses réponses sont un peu courtes ». Le Point relève : Roselyne Bachelot règle ses comptes avec la culture, ce qui est quand même un comble pour une ministre qui était censée défendre et aider le monde de la culture.

En fait, ce bouquin est la pire des publicités qu’on puisse faire à la Culture, Comme si nous avions besoin de tomber encore plus bas… Imaginons seulement la même chose de la part d’un ancien ministre de l’Intérieur ou de la Justice qui passerait « à la sulfateuse » – c’est l’expression employée par les médias pour Bachelot – les magistrats, policiers, gendarmes, hauts responsables dont il avait la charge. Ce serait un scandale ! Mais puisque c’est la Culture, allons-y gaiement. Non merci Roselyne !

Les jeunes Siècles

L’année musicale a bien commencé pour moi. Il y a une semaine c’était le concert-anniversaire des 20 ans des Siècles au Théâtre des Champs-Elysées. J’ai écrit pour Bachtrack un compte-rendu enthousiaste : Les Siècles ont vingt ans : une fête française.

Le même programme avait été capté le 5 janvier à Tourcoing. A déguster sans modération, surtout pour la première suite de Namouna de Lalo.

Les fabuleux Pražák

Depuis que je suis rentré de vacances, je prends un plaisir non dissimulé à découvrir le contenu d’un fabuleux coffret : celui que le label Praga consacre au plus célèbre quatuor tchèque du siècle dernier, les Pražák (prononcer Pra-jacques)

Une somme admirable, un enchantement sur chaque galette

Le marin musicien

Je me demandais ce qui avait conduit les responsables de Warner à publier cet excellent coffret :

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Un anniversaire ? Bien vu ! Le sesquicentenaire de la naissance à Tourcoing – le 5 avril 1869 – d’Albert Roussel, un compositeur français qu’on a souvent évoqué ici, grâce notamment aux souvenirs du violoniste Robert Soëtens (lire Evocations de Roussel). Touchante, cette lettre adressée par Roussel à celui qui fut son interprète lors du Festival Albert Roussel organisé à la Salle Gaveau à Paris, il y a 90 ans, le 18 avril 1929, pour le soixantième anniversaire du compositeur :

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Roussel aimait la mer, au point d’y commencer sa vie – Ecole Navale puis sept ans de Marine – et de choisir sa dernière demeure à Varengeville (lire L’inconnu de Varengeville) : « C’est en face de la mer que nous finirons nos existences et que nous irons dormir pour entendre encore au loin son éternel murmure »

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Le coffret qui vient de sortir n’est pas au sens strict une intégrale, mais constitue, à petit prix, un panorama remarquable et complet de l’oeuvre de Roussel :

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Qui connaît (et joue encore) les pièces pour piano, la musique de chambre, les mélodies ? On cherche en vain dans les programmes de concert…

Quant à l’oeuvre symphonique et chorale, il suffit de regarder les versions choisies pour ce coffret, toutes gravées il y a plus de trente ans,  pour mesurer combien Roussel est complètement passé de mode, sauf exceptions notables comme l’excellente intégrale symphonique gravée par Stéphane Denève en Ecosse !

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Tous les détails du coffret Roussel ici : bestofclassic Roussel Edition

Indispensable évidemment !

 

Les défricheurs

En moins de 24 heures, on a appris la disparition de quatre personnalités liées à la musique. Black Friday comme l’écrivait un de mes amis sur Facebook.

Milos Forman, Jean-Claude Malgoire, Irwin Gage et Pierre-Emile Barbier.

Milos Formanc’est bien sûr l’immense cinéaste de tant de films qui nous ont marqué, et c’est celui qui, en adaptant la pièce de Peter SchafferAmadeus -, a fait de Mozart un personnage universel et familier. C’est en revoyant, il y a quelques jours, ce film dont je ne me lasse pas, que je me suis aperçu que l’acteur qui incarnait Salieri, F.Murray Abrahamétait l’énigmatique Dar Adal de la série Homeland

C’est aussi avec la bande-son d’Amadeus signée Neville Marriner que des milliers de mélomanes en herbe ont découvert par exemple la « petite » symphonie en sol mineur, la 25ème de Mozart.

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https://www.youtube.com/watch?v=7lC1lRz5Z_s

On reviendra plus tard sur la personnalité et l’oeuvre de Milos Forman.

Autre disparition annoncée ce matin, celle du musicien Jean-Claude Malgoireque les circonstances de ma vie professionnelle ne m’ont malheureusement jamais fait approcher. Mais tous les hommages que je lis depuis ce matin – François-Xavier Roth, Raphael Pichon, Alexis Kossenko… – confirment l’impression que j’avais de ce personnage : musicien engagé jusqu’au bout, infatigable défricheur, passeur, pédagogue.

Je me rappelle certains de mes premiers disques « baroques », c’était lui, ça sentait bon l’artisanat, la découverte, ça sonnait un peu aigrelet, pas toujours très juste, mais il y avait tant de générosité dans ces enregistrements… Ainsi mon premier Serse (Xerxes) de Haendel

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Irwin Gage est nettement moins connu que ses compagnons d’infortune mortuaire. Pour beaucoup de mélomanes, juste un nom, l’accompagnateur au piano de grands gosiers – Elly Ameling, Gundula Janowitz, Cheryl Studer, Christa Ludwig, Walter Berry, Dietrich Fischer-Dieskau, Peter Schreier, Brigitte Fassbaender, Jessye Norman ! Beau tableau de chasse pour un musicien justement chéri par ces grands chanteurs. Je reparlerai un jour de ce mot – mal choisi – et de rôle d’accompagnateur.

Dans cette belle discographie, on a l’embarras du choix. Dans mes préférences, Gundula Janowitz

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Quant à Pierre-Emile Barbier, son nom ne dit rien à ceux qui ne l’ont pas entendu jadis participer parfois à la Tribune des critiques de disques première manière ou lu dans Diapason. Je l’ai un peu connu quand j’étais en charge de France-Musique, il était encore ingénieur chez Thomson si je me souviens bien, déjà plein de projets et d’enthousiasme pour des interprètes et des répertoires qu’il a, lui aussi, largement défrichés, avant de fonder le label Praga. Au départ pour soutenir des artistes tchèques, par exemple le Quatuor Prazak (prononcer Pra-jak) et très vite exploiter et éditer les très riches fonds de la radio de Prague, après la chute du Mur. Depuis quelques années, le label se consacrait aussi à la réédition/remasterisation d’enregistrements légendaires.

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