Sainte Nitouche

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Vendredi soir, première parisienne d’un spectacle qui a beaucoup tourné depuis sa création en octobre 2015 à Toulon (sous la direction du chef belge Jean-Pierre Haeck), Mam’zelle Nitouche, l’opérette sans doute la plus connue de Louis-Auguste-Florimond Ronger, dit Hervé.

Au théâtre Marigny, à deux pas de l’Elysée, rouvert depuis quelques mois sous la houlette de l’ancien directeur du Châtelet, Jean-Luc Choplin, qui en a fait un nouveau temple de la comédie musicale et de l’opérette. En l’occurrence, cette série de représentations de Mam’zelle Nitouche – jusqu’au 15 juin – est à l’initiative du Palazzetto Bru ZaneOn avait déjà applaudi une première « résurrection » de l’oeuvre d’Hervé due au PBZ, Les Chevaliers de la Table ronde en décembre 2015 !

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On ne change pas une équipe qui gagne ! La recette du succès de ces Chevaliers a été appliquée avec bonheur à Mam’zelle Nitouche : la mise en scène loufoque et déjantée de Pierre-André Weitzla direction spirituelle de Christophe Grapperon (avec, cette fois, dans la fosse, les excellents musiciens des Frivolités parisiennes).

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Et une distribution qui ne mérite que des éloges :

Denise de Flavigny / Mam’zelle Nitouche, Lara Neumann
Célestin / Floridor, Damien Bigourdan
Fernand de Champlâtreux, Samy Camps
Le Major, comte de Château-Gibus, Eddie Chignara
La Tourière / Sylvia, Sandrine Sutter
Le Directeur, Antoine Philippot
Lydie, Clémentine Bourgoin
Gimblette, Ivanka Moizan
Gustave, officier, Pierre Lebon
Robert, officier, David Ghilardi
Le Régisseur, Piero (alias Pierre-André Weitz)

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Au milieu de tout ce petit monde, tour à tour Mère supérieure du couvent de Hirondelles,    Corinne, chanteuse de cabaret sur le retour, ou Loriot, Olivier Py s’en donne à coeur joie.

L’apparition de Sainte Nitouche au dernier acte n’est pas la moins réussie des surprises que nous réserve la mise en scène de Pierre-André Weitz !

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Bref, on s’amuse beaucoup. Même si le sujet est un peu daté, la substance musicale un peu courte. On en redemande !

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Il y a vingt-cinq ans : l’aventure France Musique (I)

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Vingt-cinq ans ont passé depuis le 23 août 1993. Le temps me semble venu de raconter l’origine et les débuts d’une aventure qui m’a passionné : France Musique.

De décevoir aussi tous ceux qui s’attendent à lire les exploits d’un ambitieux carriériste sous les traits d’un nouveau Rastignac.

Ce lundi 23 août 1993, je me suis levé tôt, pour être à mon nouveau bureau vers 9 h. Je me présente à l’entrée B de la Maison de la Radio. Je donne mon nom à l’appariteur qui m’indique l’étage où se trouvent les bureaux de la direction de la Musique et de France Musique (le 6eme). Arrivé sur place je ne vois que portes closes et pas âme qui vive…

Je redescends aux Ondes, l’immuable bistrot où tant de figures illustres de la Radio ont leurs habitudes. Vide comme la Maison de la Radio. On est encore au mois d’août et je n’ai pas encore pris le pli des horaires parisiens (que je ne prendrai jamais d’ailleurs, arrivant vers 8h30 le matin et partant rarement avant 20h30 le soir !) Un double café crème et des croissants pour patienter. Lorsque vers 10 h j’aperçois un semblant d’animation du côté de la porte B, je reprends la direction de ce qui sera mon bureau pendant presque six ans.

En avril de cette année 1993, l’un de mes collègues de la Radio suisse romande revenant d’une réunion à Paris me transmet un message de la responsable du programme de France Musique – que je connais un peu pour l’avoir rencontrée lors de réunions des radios francophones et surtout depuis que j’ai organisé avec elle en mai 1992 à Genève une journée commune France Musique / Espace 2 (la chaîne culturelle de la RSR). Sophie Barrouyer me fait demander de l’appeler. J’oublie ou je suis trop occupé pour le faire… Les téléphones portables n’existent pas encore.

Le 1er mai 1993, je suis en déplacement dans le sud de la France, à Toulon précisément, avec le Maire et la municipalité de Thonon-les-Bains (dont je fais partie) pour « baptiser » un chasseur de mines de la Marine nationale. Ce jour là nous faisons une belle sortie en mer, contournant le fort de Brégançon, et nous dînons d’une excellente bouillabaisse dans un établissement réputé de Toulon. Nous rentrons peu avant minuit au mess de la Marine où nous sommes hébergés. Le veilleur de nuit a les yeux vissés sur le petit téléviseur de sa loge : Pierre Bérégovoy s’est suicidé sur les bords de la Nièvre. Sa dépouille a été rapatriée dans la soirée au Val de Grâce. Nous sommes sous le choc.

Au moment de nous donner les clés de nos chambres, le veilleur me donne un message : vous devez rappeler ce numéro, c’est urgent ! Je ne sais toujours pas comment Sophie Barrouyer m’avait pisté jusqu’à Toulon… un 1er Mai de surcroît !

Le surlendemain, de retour en Haute-Savoie, je rappelle enfin Sophie B. En quelques mots elle m’explique qu’il va y avoir du changement à la Musique à Radio France : le Délégué aux Programmes – titre un peu pompeux et inventé tout exprès pour l’aimable Jean-Albert Cartier, débarqué de la direction du Châtelet puis de l’Opéra de Paris et recasé à Radio France – s’en va et Sophie B. son adjointe pour France Musique aussi. On cherche l’oiseau rare pour prendre les deux places et Sophie Barrouyer de me proposer : « Si tu veux, le job est pour toi ! »

Je suis quand même abasourdi par cette conversation. Il n’y aurait donc personne à Paris de plus qualifié et de plus titré qu’un producteur de la RSR complètement inconnu dans la capitale ?

Sophie me supplie de venir au plus vite rencontrer Claude Samuel, le directeur de la Musique de Radio France (qui, à l’époque, a également la tutelle de France Musique et du programme musical de France Culture)

Le 11 mai 1993, j’invoque un prétexte d’absence auprès de la direction de la chaîne suisse pour faire un aller-retour en avion Genève-Paris. J’arrive en retard au rendez vous fixé avec Claude Samuel en fin de matinée. Je ne connais pas le directeur de la Musique, je sais qu’il a été journaliste, responsable de festivals de musique contemporaine. Je m’attends à une sorte d’entretien d’embauche au cours duquel je serai interrogé sur mes précédents faits d’armes, mon expérience, mon parcours, bref mes aptitudes aux fonctions qu’on voudrait me confier. Rien de tout cela, plutôt une aimable conversation et deux questions : Quand pouvez- vous commencer ? Seriez-vous disponible pour rencontrer Jean Maheu, le PDG de Radio France au festival d’Evian le 25 mai ?

J’étais encore plus abasourdi qu’après ma conversation téléphonique avec Sophie B. Ainsi Claude Samuel considérait mon accord comme acquis. Nous n’avons discuté de rien, ni contrat, ni organisation du travail.

A la Radio suisse, j’ai un contrat à durée indéterminée, un bon salaire, en sept ans on m’a confié à peu près toutes les fonctions, hors la direction de la chaîne culturelle, plusieurs fois promise, mais finalement confiée à une clone de Chantal Nobel (dans Châteauvallon). Depuis trois ans nous subissons une directrice dont l’incompétence fait le bonheur des gazetiers et le malheur des producteurs. Sans doute consciente de ses faiblesses, elle laisse à ses adjoints – dont je suis – une latitude certaine, quoique surveillée (Au retour d’un déjeuner, elle me téléphone pour s’inquiéter que, dans l’émission de midi, on ait diffusé du Boulez. Elle n’a pas entendu elle-même l’œuvre incriminée mais on le lui a rapporté. Je vérifie auprès de la productrice qui, amusée, finit par trouver le coupable : un extrait de Ma Mère l’Oye de Ravel dirigé par…Pierre Boulez !)

J’ai aussi ma petite famille à Thonon-les-Bains et des responsabilités municipales depuis 1989 (comme Maire-Adjoint chargé de la Culture, de la Jeunesse et de la Vie associative).

Quitter tout cela pour un saut dans l’inconnu (à une exception près, les patrons de France Musique ont rarement duré plus de trois ans à leur poste). Sous le sceau du secret le plus absolu, je consulte un ou deux amis, dont mon camarade François Hudry, avec qui je fais équipe dans l’émission Disques en Lice qu’il a fondée fin 1987. Ils me disent à juste titre que pareille proposition – la direction d’une chaîne qui nous a tous nourris, accompagnés, formés depuis l’adolescence, une « référence » – ne se refuse pas !

img_3495(J’adore cette photo de notre premier Disques en Lice : de gauche à droite, François Hudry, votre serviteur avec lunettes et cravate (!!), Chiara Banchini, Michel Corboz et Pierre Gorjat)

Dès que j’ai rencontré Jean Maheu fin mai – entretien purement formel à l’entracte d’un concert – et après qu’une proposition de contrat – à durée déterminée ! – m’a été faite – je vois Gérald Sapey le directeur de la RSR et lui annonce ma démission pour la fin août.

Les semaines à venir seront mises à profit pour trouver un logement dans la capitale. Un cousin éloigné est prêt à me louer un 2 pièces un peu défraîchi dans le 11eme arrondissement. Un week-end avec mon fils aîné début août permettra d’acheter le strict minimum pour le meubler. Et je tiendrai la promesse faite à ma petite famille de lui faire découvrir un peu de Londres et de l’Angleterre juste avant mes débuts parisiens.

Suite au prochain épisode, ou mes premiers pas dans la Maison ronde !

Des chevaliers, une élection

Après la réussite de samedi (https://jeanpierrerousseaublog.com/2015/12/12/vive-la-vie/), on ne pouvait pas imaginer un dimanche gâché.

On a d’abord voté, puis repris quelques habitudes dans son quartier, le café, la librairie (des cadeaux intelligents pour les tout-petits à mettre sous le sapin), le maraîcher, un déjeuner léger et bio. Et puis cap sur un centre culturel bien caché au coeur d’Argenteuil pour un rendez-vous que je ne voulais pas manquer. Une production épatante qui tourne depuis les triomphes de la création à Bordeaux en novembre dernier : Les Chevaliers de la table ronde de Louis-Auguste-Florimond Ronger, plus connu sous le pseudonyme de Hervé (https://fr.wikipedia.org/wiki/Hervé_(compositeur).

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L’opérette française dans toute sa splendeur, c’est-à-dire coruscante, impertinente, débridée, comme elle était conçue et jouée du temps d’Hervé et d’Offenbach, et telle que Pierre-André Weiz l’a mise en scène. Le cast est parfait vocalement et scéniquement : rien que le très sage Rémy Mathieu (qu’on avait entendu dans Fantasio à Montpellier l’été dernier) en loulou de banlieue, chaîne et survêt (Roland), le Médor ébouriffant de Manuel Nunez Camelino, les lascifs chevaliers Théophile Alexandre et David Ghilardi, les invraisemblables caricatures de personnages féminins toutes magnifiées par Ingrid Perruche (la Duchesse), Lara Neumann (la jeune fille si nunuche), Chantal Santon Jeffery (Mélusine) Clémentine Bourgoin (Fleur-de-Neige), et tous les autres qu’il faudrait citer. Une douzaine d’excellents instrumentistes sous la houlette inspirée de Christophe Grapperon. Une salle moderne à l’acoustique excellente, remplissage moyen, mais beaucoup de rires d’enfants qui ne captaient peut-être pas tous les non-dits de la partition, mais qui marchaient à fond dans le comique des situations et des personnages.

Un spectacle à voir absolument, encore beaucoup de dates à Toulon, Nantes, Rennes, Charleroi, etc. (http://www.bru-zane.com/les-chevaliers-de-la-table-ronde/index-fr.html)

En sortant du Figuier blanc d’Argenteuil, j’avais déjà affichés sur mon smartphone les premiers résultats du second tour des élections régionales, les médias belges n’étant pas tenus à la même réserve que les français. Ils annonçaient unanimement ce qu’on pouvait raisonnablement prévoir, qu’aucune région française ne serait présidée par un représentant du Front national. Mais la soirée allait réserver son lot de suspense et de surprises.

Trois régions où le score a été particulièrement serré et incertain jusqu’au décompte final (Ile de France, Normandie, Centre), un résultat finalement équilibré entre gauche et droite républicaine.

Mais, derrière les apparences, ce constat énoncé à la une de La Croix (http://www.la-croix.com/Actualite/France/Regionales-la-defaite-pour-tous-2015-12-13-1392544)

J’avais écrit (https://jeanpierrerousseaublog.com/2015/12/07/pas-de-panique/) que les électeurs voulaient de nouvelles têtes (et il y en avait beaucoup dans les listes du Front national). Le second tour l’a confirmé : de gauche ou de droite, ceux qui incarnent la nouveauté ont été privilégiés à ceux qui représentaient la continuité.

Rien ne serait pire maintenant que d’oublier ce qui s’est passé au premier tour et ce que les électeurs ont, à leur manière, redit avec force ce dimanche…