Mes préférés (IV) : Les Puritains

Je me demande si ce n’est pas le premier coffret d’opéra que j’ai acheté. Pourquoi celui-ci et pas un autre, à un âge où l’opéra n’était pas ma première préférence? peut-être parce que j’en avais entendu des extraits sur France Musique ?

C’était Les Puritains / I Puritani de Bellini, une nouveauté à l’époque :

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Sitôt mis sur ma platine, j’écoutais en boucle un ouvrage dont les beautés mélodiques, les  ensembles (ah ces choeurs !) et les airs magnifiques, confiés à chacun des protagonistes, me semblaient être l’essence du bien chanter, du bel canto.

J’ai dû voir ensuite une ou deux fois sur scène ces Puritains qui avaient enchanté mon adolescence.

Mais je découvrais hier soir, comme les spectateurs d’un Opéra Berlioz comble et les auditeurs de France Musique, la version dite napolitaine, composée par Bellini pour la Malibran,

Dire que j’ai été ému tout au long de la soirée serait bien en-dessous de la réalité. Surtout avec des interprètes de ce niveau, pour qui c’était une première prise de rôle !

A réécouter absolument :  I Puritani sur France Musique (15 juillet 2017) :/ Festival Radio France.

Il faut les citer tous : Karine Deshayes, impériale dans le rôle si exigeant d’Elvira, les deux ténors, magnifiques, René Barbera et Celso Albelo, et Chiara Amaru, Nicola Ulivieri, Dmitry Ivanchey, Kihwan Sim, le bel ensemble formé par les Choeurs de l’Opéra de Montpellier et de la Radio Lettone, l’Orchestre National de Montpellier Occitanie, à la hauteur de sa réputation et la baguette inspirée du jeune chef italien Jader Bignamini.

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Le dîner qui a suivi n’a pas vraiment engendré la mélancolie, le champagne aidant…

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Champs Elysées

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Deux soirées à une semaine d’intervalle dans une salle – le Théâtre des Champs-Elysées – où j’ai tant de beaux souvenirs.

Le 9 mai c’était la première d’une série de représentations de Pelléas et Mélisande de Debussy, qui s’est achevée hier soir.

IMG_9367(de gauche à droite, Jean Teitgen, Jean-Sébastien Bou, Louis Langrée, Christian Lacroix, Patricia Petibon, Eric Ruf, Bertrand Couderc, Kyle Ketelsen)IMG_9363

Je n’ai aucune objectivité quand Louis Langrée dirige, et singulièrement Pelléas. Depuis une production à tous égards mémorable du Grand Théâtre de Genève, en 2000, avec Alexia Cousin, Simon Keenlyside et José Van Daml’unique opéra de Debussy est pour moi indissolublement associé au chef français qui, comme le souligne Bruno Serrou dans La Croix « exalte avec une impressionnante maîtrise du temps et du son la dimension immémoriale de l’immense partition de Debussy. Il parvient à transcender la déclamation vocale grâce à un flux instrumental digne d’un océan. ».

L’interview de Louis Langrée dans Le Monde (Dans Pelléas, le drame est dans chaque note) est d’une telle évidence, qu’elle rendrait le plus rétif amoureux de la partition de Debussy, qui n’a, lui, rien fait pour séduire l’amateur d’opéra traditionnel : « J’ai voulu que l’action ne s’arrêtât jamais, qu’elle fût continue, ininterrompue. La mélodie est antilyrique. Elle est impuissante à traduire la mobilité des âmes et de la vie. Je n’ai jamais consenti à ce que ma musique brusquât ou retardât, par suite d’exigences techniques, le mouvement des sentiments et des passions de mes personnages. Elle s’efface dès qu’il convient qu’elle leur laisse l’entière liberté de leurs gestes, de leurs cris, de leur joie ou de leur douleur. »

Bref, on l’aura compris, j’ai passionnément aimé toute cette production, ses interprètes, sa mise en scène. Et je suis heureux que Louis Langrée poursuivre cette aventure Pelléas avec l’Orchestre National de France d’abord le 24 mai prochain en concert à l’Auditorium de la Maison de la radio, avec le Pelléas et Mélisande de Schoenberg et le 4ème concerto de Beethoven avec Nelson Freire (http://www.maisondelaradio.fr) et en enregistrant pour France Culture la musique de scène composée par Fauré pour le drame de Maeterlinck.

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Le 16 mai, c’était une autre fête, la réunion de deux belles voix, de deux tempéraments, plus qu’un récital de stars : Aida Garifullina et Lawrence Brownlee

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On avait applaudi la magnifique performance de la première dans Snegourotchka à l’Opéra Bastille (lire Femmes en scène). On se rappelait l’émotion qui avait saisi les milliers d’auditeurs/spectateurs du concert du 14 juillet 2014 sous la Tour Eiffel lorsque Lawrence Brownlee, remplaçant Juan Diego Florez, avait entonné son premier air…

10509504_10152253111387602_4227885483455547857_n(Une photo « historique » de ce 14 juillet 2014 ! De g. à dr. Anne Hidalgo, Bruno Julliard, François Hollande, JPR, Manuel Valls, Mathieu Gallet)

https://www.youtube.com/watch?v=F2LN3s87j-k

https://www.youtube.com/watch?v=UGn1bu8n1XQ

Et pour que le bonheur soit complet, l’Orchestre de chambre de Paris était dirigé par la belle et fougueuse Speranza Scappucci !

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PS. J’en reparlerai, mais la nomination de Françoise Nyssen comme Ministre de la Culture est une excellente nouvelle !

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Le tsar Nicolai

C’est hier, juste avant un concert d’hommage à Kurt Masur – j’y reviendrai demain, que j’ai eu confirmation (merci Forumoperade la disparition, prématurément annoncée en juillet 2015, du ténor suédois Nicolai GeddaLe compatriote de Jussi Björling a eu une carrière d’une longévité exceptionnelle, sur scène comme au disque.

Premiers enregistrements, jamais dépassés, à 27 ans, des opérettes de Johann Strauss, sous la baguette idéale d’Otto Ackermann avec une partenaire de légende.

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Elisabeth Schwarzkopf, interrogée le 23 décembre 1995 par Jean-Michel Damian, avait cité ce Wiener Blut comme l’enregistrement qu’elle préférait. Ce duo avec Nicolai Gedda est bien proche de la perfection (écouter notamment à 2’25 ») :

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Gedda n’a jamais renoncé à ce répertoire où sa voix solaire faisait merveille.

Mais il détient une sorte de record des rôles qu’il a joués et enregistrés, comme en témoigne une discographie d’une incroyable diversité.

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https://www.youtube.com/watch?v=zOQj4U_ATv4

On comprend le secret de sa longévité, en écoutant Nicolai Gedda, ici octogénaire, expliquer, certes en suédois, sous-titré anglais, la technique qui fut la sienne et celle de ses glorieux aînés (Caruso, Björling).

Ici, dans un extrait des Pêcheurs de perles de Bizet, capté dans les années 90, la voix n’a rien perdu de son éclat, et on admire la diction française d’un chanteur qui parlait et chantait couramment toutes les langues de l’opéra.

J’ai eu le privilège de l’entendre chanter pour la soirée surprise organisée, au théâtre de Vevey, pour les 90 ans de son illustre voisin et collègue Hugues Cuénoden 1992. Pour preuve de la modestie de ce grand musicien, cette anecdote rapportée hier par mon ami François Hudry sur sa page Facebook

« Il me revient le souvenir de ma rencontre chez lui, en dessus de Morges, en Suisse, pour une émission de la Radio Suisse. C’était un jour de canicule. Gedda (prononcer Yedda) avait si chaud qu’il m’avait appelé le matin même pour me donner rendez-vous…dans son garage, afin d’avoir un peu de fraîcheur pendant notre entretien. Muni du NAGRA d’usage en bandoulière, j’arrive dans ce que je croyais être son garage, lorsqu’une voix péremptoire me demanda ce que je faisais là. Je répondis que j’avais rendez-vous avec Nicolaï Gedda et la voix de répondre d’un ton sentencieux : « Monsieur, vous êtes ici dans le garage de Madame Audrey Hepburn ». J’avais probablement mal écouté la description faite par un autre de ses voisins célèbres : le ténor et grand ami Hugues Cuenod ! La Suisse Romande est peuplée de célébrités qui vivent dans la quiétude et la discrétion, mais je n’oublierai jamais cette méprise qui me fait rire encore aujourd’hui en ce triste jour de sa disparition. »

Un aspect moins connu du répertoire qu’affectionnait Nicolai Gedda, la chanson populaire russe.

Le ténor magnifique

Il est mort il y a cinquante ans, le 17 septembre 1966, né trente-six ans plus tôt, le 26 septembre 1930. Une carrière abrégée par un accident domestique. Mais un éclat jamais oublié. Le ténor Fritz Wunderlich portait bien son nom.

Ses disques n’ont jamais quitté les bacs, tous – notamment le répertoire léger germanique – n’ont pas toujours été disponibles en France. EMI devenu Warner lui avait déjà consacré un beau coffret, avec pas mal de raretés.

Deutsche Grammophon avait aussi proposé un coffret patchwork.

La nouveauté de cet automne c’est la réédition dans un magnifique boîtier, et à tout petit prix, de tous les enregistrements de studio réalisés par le ténor allemand pour le célèbre label jaune (et ses sous-marques comme Polydor). 

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Aucun inédit, mais enfin rassemblés des enregistrements légendaires, où la voix solaire, virile et lumineuse de Wunderlich transcende des versions parfois un peu datées (les Bach avec Karl Richter) ou restées insurpassées (comme la première Création de Haydn due à Karajan, que Wunderlich n’eut pas le temps d’achever), les opéras de Mozart avec Karl Bôhm, les quelques cycles sublimes de Lieder de Schubert ou Schumann.

https://www.youtube.com/watch?v=glU9DmDp1qU

Détails de ce coffret de 32 CD :

Bach : Oratorio de Noël (K.Richter), Passion selon St Matthieu (Münchinger), Oratorio de Pâques (Couraud), Magnificat + cantate 41 (Couraud) /

Beethoven : Missa Solemnis (Karajan)

Haydn : La Création (Karajan)

Berg : Wozzeck (Böhm)

Monteverdi : Orfeo (Wenzinger)

Mozart : L’enlèvement au sérail (Jochum), La flûte enchantée (Böhm)

Lortzing : Zar und Zimmermann

Tchaikovski : Eugène Onéguine, extr. en allemand (Gerdes)

Verdi : La Traviata, extr. en allemand (Bartoletti)

Airs de Haendel, Gluck, Bellini, Rossini, Verdi, Puccini, Lortzing, Bizet, Maillart, Kreutzer, Mozart, Kalman, etc.

Schubert : La belle meunière

Schumann : Dichterliebe + Mélodies de Beethoven, Schubert

Chansons populaires allemandes et italiennes, chants de Noël, opérette viennoise.

PS Je me demande ce qui justifie une différence de 20 € sur le prix de ce coffret selon qu’on l’achète en Allemagne (Amazon.de) ou en France (Amazon, Fnac ou Gibert)

 

 

Inattendus

Ces deux derniers jours auront été pour moi l’occasion de rencontres et de situations plutôt inattendues.

Comme nombre d’automobilistes distraits ou peu attentifs aux changements de limites de vitesse sur des tronçons qu’on croit connaître par coeur, j’ai dû récupérer les points perdus de mon permis de conduire, au cours de l’un « stage de sensibilisation à la sécurité routière » (sic). Deux jours pleins dans une salle de classe.

Je m’étais préparé à une plongée dans l’ennui. Et ce fut le contraire qui survint, du fait de la composition de notre groupe de « stagiaires » – 15 hommes, une femme, de tous âges, conditions et origines -, de l’humour et du savoir-faire des « animateurs » aussi. Assis entre un jeune chef d’entreprise coiffé en permanence d’une kippa, à la tchatche contagieuse, et une sublime jeune femme, que peu avaient reconnue comme la réalisatrice de Polisse et Mon Roi, j’ai finalement aimé ce condensé d’humanité, le fonctionnement du groupe, les réactions, les emballements, la diversité des points de vue. Je n’ai pas appris grand chose qui change la nature de ma conduite automobile (je fais attention aux limitations !), mais j’ai adoré ces moments finalement rares d’échange avec des personnes qu’on n’aurait jamais l’occasion de côtoyer autrement.

Ce café pris avec Gutemberg – c’est son prénom ! – qui rit lui-même de s’être fait prendre à 2 heures du matin à dépasser le 30 km/h prescrit au centre de Paris… par des policiers qui  partagent la même salle de gym que lui, ou cet autre avec un trentenaire qui semble revenu de tout, révolté par l’injustice de notre société. Et la majorité du groupe qui trouve injuste de perdre des points pour d’infimes excès, ou l’usage d’un téléphone nécessaire à leur métier (comment fait celui qui vient dépanner des gens coincés dans un ascenseur s’il ne peut répondre à l’appel au secours sur son téléphone ?), le retraité au fort accent de titi parigot qui, deux jours durant, ne cessera de râler contre le système français, les incohérences de la politique de sécurité routière, ou cet autre qui fait un stage pour la 4ème année consécutive parce qu’il n’arrive décidément pas à respecter les limitations de vitesse. Quant à M. la seule femme du groupe, au début taiseuse et comme repliée sur elle-même, elle finira par apostropher les quelques machos de l’équipe (« normal que les femmes aient moins d’accidents, elles n’aiment pas les grosses voitures »!), par leur rappeler que le droit, la morale, et la philosophie ne sont pas nécessairement synonymes. Et le tout s’achèvera dans de grands éclats de rires. M. a en tout cas de la matière pour un nouveau scénario…

La journée d’hier s’achevait par un concert attendu, lui, depuis longtemps par ses fans : Jonas Kaufmann chantait les Wesendonck-Lieder de Wagner au Théâtre des Champs-Elysées, avec l’Orchestre National de France dirigé par Daniele Gatti. Le ténor était bien là, mais on peut bien avouer qu’on est resté sur sa faim. Même si les instants de pure grâce n’ont pas manqué dans cet admirable cycle qu’on est plus souvent accoutumé à entendre chanté par une voix de femme. Mais les meilleurs ont aussi leurs faiblesses et leurs fatigues. Par chance il existe un très beau disque de ce cycle :

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https://www.youtube.com/watch?v=PJMG8alloJk

Comédies

Suite promise, chose due (https://jeanpierrerousseaublog.com/2016/04/23/william-et-elizabeth/).

Si l’on s’en tient aux seules comédies écrites par Shakespeare sous le règne d’Elizabeth I, leurs avatars musicaux sont nombreux. Après Beaucoup de bruit pour rien et Les joyeuses commères de Windsor, arrêtons nous au Marchand de Venise (1597) et à la musique de scène – Shylock – qu’a composée Gabriel Fauré pour la représentation de la pièce à l’Odéon en 1889.

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En revanche, A Midsummer Night’s Dream / Le songe d’une nuit d’été (1595) a eu une descendance musicale exceptionnelle et inspiré les plus grands compositeurs.

Moins d’un siècle plus tard, Purcell met en scène The Fairy Queen.

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En 1826, Carl Maria von Weber et Felix Mendelssohn livrent, l’un et l’autre, un chef-d’oeuvre, un opéra pour Weber, Oberon, une musique de scène pour Mendelssohn.

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Hommage au passage à Nikolaus Harnoncourt, expert en féerie mendelssohnienne.

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Ambroise Thomas signe, en 1850, un opéra-comique très lâchement inspiré de la comédie de Shakespeare et resté largement méconnu (une seule version discographique de 1956, due à Manuel Rosenthal)

Mais  Benjamin Britten, en 1960, nous offre l’un des plus beaux hommages qui soient au génie de Shakespeare.  J’ai encore le souvenir intact d’une représentation magique à Aix-en-Provence en 1991 (dans la cour de l’Archevêché, sous un ciel d’été et d’étoiles qui constituait le plus beau décor de la mise en scène de Robert Carsen, reprise l’année dernière)

https://www.youtube.com/watch?v=ysEuB-eAXp0

Plusieurs belles versions au disque, dont celle du compositeur lui-même, mais on a une tendresse pour celle de Colin Davis, qui permet de retrouver le contre-ténor Brian Asawa tout récemment disparu

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Sur les traces de Tintin

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Par bien des aspects, ce mini-périple dans les Balkans m’a donné l’impression de revivre un peu les aventures de Tintin dans le huitième album d’HergéLe Sceptre d’Ottokar. Singulièrement dans l’ancienne capitale royale du MonténégroCetinje, mais tout le long du parcours qui m’a mené de Dubrovnik à Podgorica, puis de Mostar à Split, traversant quatre pays de l’ex-Yougoslavie.

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J’ai même eu droit à une vraie Bianca Castafiore, non pas à l’opéra de Klow, mais dans le petit théâtre de Split. Une version concertante d’un ouvrage de circonstance en cette veille de Pâques, Cavalleria Rusticana de MascagniImageImage

On restera discret sur les qualités approximatives de l’orchestre, le public âgé et clairsemé, plus admiratif de la belle prestation du choeur, et carrément impressionné d’abord par la Santuzza pulpeuse et les moyens vocaux de Kristina Kolar et surtout par un ténor de 34 ans, au physique et à l’accoutrement dignes d’un candidat de The Voice, doté d’une voix absolument magnifique dans toute la tessiture du rôle redoutable entre tous de Turridu. Je ne sais pas si c’est le nouveau Jonas Kaufmann ou José Cura, mais ce Domagoj Dorotic a tout – puissance, justesse, éclat, rondeur – de l’étoffe des plus grands. Et j’ai aimé particulièrement qu’il ne tombe jamais dans les outrances et les sanglots que certains de ses illustres aînés s’autorisaient dans cet ouvrage emblématique du « vérisme ».

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 Une idée – toute récente – filmée dans des conditions précaires à Zagreb il y a moins d’un mois – de ce ténor dont le talent ne devrait pas rester confiné aux scènes croates si l’on veut m’en croire…

https://www.youtube.com/watch?v=S8BF9ZwLfsA