Ce qui reste d’une vie

On l’avait constaté à la mort d’Annie Cordy, une vie d’artiste se résume trop souvent à un seul aspect, quelques titres de chansons, dans la mémoire collective

Patrick Davin

Tous les témoignages qui ont afflué depuis jeudi et la mort soudaine de Patrick Davin (Un ami disparaît) démontrent, au contraire, que le chef disparu laisse à tous ceux qui le pleurent une multiplicité d’impressions, de souvenirs, d’expériences vécues. L’homme prend le pas sur le musicien, ou plus exactement chacun se rappelle l’humilité, la simplicité, la bienveillance, la bonne humeur, l’humour distancié, de l’artiste au travail ou en représentation.

L’Orchestre Philharmonique Royal de Liège a publié sur son site (http://www.oprl.be) ce que Patrick Davin avait écrit pour le Blog des 50 ans de l’orchestre, à l’occasion des concerts qu’il avait dirigés en avril 2011 (Carmina Burana de Carl Orff et Shaker Loops de John Adams), vingt ans exactement après son premier engagement à la tête de l’orchestre.

20 ans après!!!

La seule et principale difficulté pour un aspirant chef d’orchestre est de naître (appelons cela: débuter…).

 Après une petite vingtaine d’années de cours, d’étude, de rêves, de stages, de concours, de minuscules prestations, d’examens, d’assistanat, de mois vides, de soirées de découragement, de moments d’exaltation, de certitude et de doute, j’ai vécu cette semaine (car pour les musiciens un concert c’est aussi et parfois surtout la semaine de répétitions qui précède) sans vraiment  en remarquer la visibilité exceptionnelle et franchement disproportionnée (le public, la presse, la télévision…) L’orchestre qui jusque là (lors des concours du conservatoire) m’était tout acquis, a montré son vrai visage, celui de professionnels qu’il faut conquérir, convaincre et emmener avec soi, sous peine de succomber sous son corps glorieux .

Débuter (appelons cela naître…) c’est se dire qu’il reste alors toute une possible vie pour prolonger ces moments, pour conquérir, convaincre et surtout se montrer digne d’être là, en porte-parole pourtant dérisoire des compositeurs (vivants ou morts) et se préparer, jours et nuits après jours et nuits à étudier, rêver, se décourager, s’exalter, douter, conquérir, convaincre partager, donner, brûler et emmener avec soi cette petite flamme, cette bonne étoile, qui nous guide et nous dépasse.

Et tout le reste est carrière, succès, échecs et vanité….qu’il faut traîner aussi comme un fardeau maudit, mais sans grande importance… 

 Patrick Davin

Christian Merlin dans Le Figaro, Pierre Gervasoni dans Le Monde, Camille de Rijck dans Demandez le programme sur Musiq3 avec ses invités, anciens et actuels directeurs des opéras de Bruxelles et Liège, ont tous dit peu ou prou la même chose.

Au micro de France Musique c’est le Patrick Davin que j’ai connu « de l’intérieur » que j’ai essayé d’évoquer : Patrick Davin était un guide fantastique pour les musiciens

En regard de la variété et du nombre de productions lyriques que Patrick Davin a conduites, sa discographie reste relativement modeste, comme on l’a écrit sur Forumopera : Le legs lyrique de Patrick Davin.

Diana Rigg / Emma Peel

Jeudi aussi, c’est la grande actrice britannique, Diana Rigg, qui disparaissait à 82 ans.

Quelle qu’ait été sa carrière au théâtre ou au cinéma, Diana Rigg est, pour l’éternité, la partenaire (voire plus si affinités ?) de John Steed, alias Patrick MacNee, l’énigmatiquement belle et sensuelle Emma Peel de cette monumentale série qu’on n’eût manquée pour rien au monde : Chapeau melon et bottes de cuir et qu’on se repasse régulièrement !

L’audace du public

Deux concerts contrastés, pour le moins, ces derniers jours à Paris. Des programmes « exigeants » comme on dit quand on veut s’excuser de ne pas a priori complaire au « grand public » (lire Le grand public). Et des programmes qui ont conquis, enthousiasmé les publics réunis pour ces concerts.

D’abord jeudi soir, au Théâtre des Champs-Elysées, le pianiste Christian Zacharias

IMG_4730

Je connais Christian depuis presque trente ans, lorsqu’il avait accepté de remplacer un jeune pianiste souffrant comme soliste d’un concert dirigé par Armin Jordan à Genève ! C’était, je crois, en 1990. Même au faîte de sa carrière de pianiste, il n’avait encore jamais joué en Suisse ! Et ce fut, pour lui, le début d’une aventure musicale qui allait notamment le conduire à diriger l’Orchestre de chambre de Lausanne de 2000 à 2013 (à la suite du regretté Jesus Lopez Cobos), et pour moi le commencement d’une amitié qui ne cesserait plus.

IMG_4731.jpg

Ainsi, en 1997 – j’étais alors directeur de France Musique – j’avais été mis dans la confidence de la préparation d’un concert monté par les Amis de l’OSR (Orchestre de la Suisse Romande) pour fêter les 65 ans d’Armin Jordanen même temps que la fin de son mandat à la tête de la phalange genevoise. J’avais trouvé un studio à la maison de la radio à Paris pour que Christian Zacharias et Felicity Lott puissent répéter, dans le plus grand secret, une séquence dont ils feraient la surprise au chef suisse.

En 2010, j’invitai Christian Zacharias à jouer dans la nouvelle série Piano 5 étoiles à la Salle Philharmonique de Liège. Un an plus tard, il dirigeait les forces de l’Opéra royal de Wallonie pour de subtiles Noces de Figaro de Mozart mises en scène par Philippe Sireuil.

Ce jeudi soir, faisant le pari de la confiance du public, il avait choisi un programme très classique, et plutôt rare en récital : Bach et Haydn. Rien pour l’épate, rien pour la virtuosité transcendante ou le romantisme échevelé. Austère presque… Mais quel bonheur d’entendre un piano sonner clair et dense, qui jamais ne cherche à singer ou imiter le clavecin ou le pianoforte. C’est la première fois que j’entendais Zacharias chez ces deux compositeurs, mais je vis depuis longtemps avec ses Scarlatti…sans parler de l’autre grand classique dont il est un interprète de prédilection, Mozart !

81dtLpqY1HL._SL1500_

51HAsgBly5L

61JYFEwG+qL

51Pnw7sDKgL

L’autre moment fort de rencontre entre un musicien hors norme et un public aventurier, ce fut vendredi soir, à l’auditorium de la Maison de la radio. L’Orchestre philharmonique de Radio France avait convié la jeune cheffe polonaise Marzena Diakun (qu’on reverra à Montpellier le 13 juillet prochain – Made in France) à diriger un programme extrêmement (trop ?) copieux. Rien moins que Taras Bulba de Janáček d’entrée de jeu, suivi d’un long (trop ?) concerto pour percussions du Finlandais Kalevi Aho, et en seconde partie la 9ème symphonie de Dvořák.

Le public n’aura peut-être retenu de cette soirée que la prestation exceptionnelle, étourdissante, ébouriffante, de Martin Grubingerla star de la percussion. Déjà en novembre 2014, quelques jours après l’inauguration de l’Auditorium de Radio France, il avait donné un aperçu de son fantastique talent en interprétant Speaking drums de Peter Eötvös sous la direction du compositeur.

71ecIzSuMkL._SL1200_

Je l’avais invité, avec son père et les soeurs Önder, en juillet 2016, à une soirée du Festival Radio France Occitanie Montpellier qui avait failli ne pas avoir lieu (lire Rattrapés par l’actualité). 

Vendredi il a fait une nouvelle démonstration d’un art incomparable, sa seule prestation sauvant de l’ennui une oeuvre vraiment longuette et répétitive qui n’est pas la plus inspirée de son auteur. En bis, Martin Grubinger a proposé un numéro plus sportif que musical, comme il l’a annoncé lui-même pour le plus grand bonheur d’un public aux anges. Court extrait :

Erreur
Cette vidéo n’existe pas