La réponse de la musique

Le seul avantage d’un agenda surchargé est d’éviter les flots de commentaires, tous médias confondus, sur l’actualité. Je ne pensais pas tout de même que ce que je prévoyais dans Emotion et impudeur serait à ce point avéré. Il y a, heureusement, des journalistes qui remettent l’actualité en perspective, comme cet éditorialiste de Ouest-France : Attentat de Nice ; un grand moment de médiocrité politique

À Montpellier, nous avons choisi d’opposer à la barbarie, au massacre des innocents, la seule réponse qui vaille, celle de la Culture, et de la Musique. Même si nous avons parfois dû affronter des positions surprenantes au nom du deuil national proclamé pendant ces trois derniers jours. Les préfets avaient demandé aux collectivités locales de renoncer aux « festivités » prévues, certains, heureusement peu nombreux, ont fait pour le moins une interprétation extensive de ces consignes en supprimant les concerts, là où il n’y avait aucun risque quant à la sécurité…

Ce samedi deux beaux rendez-vous étaient prévus, s’y est rajouté un troisième décidé in extremis

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En ces temps troublés, la présence de Menahem Pressler (93 ans) revêtait une importance particulière, et le public l’a bien ressenti, qui a fait salle comble. Après que le doyen des pianistes en exercice nous eût joué, comme dans un rêve de sonorités liquides, le Rondo en la mineur de Mozart, les Estampes de Debussy et la 3ème Ballade de Chopin, ainsi qu’en bis, le nocturne en do dièse mineur et une mazurka en la mineur du même Chopin, je tentai le pari, impossible à tenir en une petite heure, de lui faire évoquer les grandes heures de sa prodigieuse existence. Une leçon de vie pour les hommes de ce temps en quête d’espérance !

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(Après le concert, rencontre impromptue entre Menahem Pressler et Michel Dalberto, qui prépare toute une journée et une soirée consacrée à Brahms ce mardi 19 juillet)

À 20 h, à l’Opéra Comédie, la Maîtrise de Radio France et Sofi Jeannin régalaient un public très familial des aventures de Marco Polo et la Princesse de Chine d’Isabelle Aboulker.

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Et à 21h30 les musiciens de l’Orchestre national de Montpellier et leur chef Paul Daniel, empêchés de se produire à Perpignan pour cause d’annulation intempestive, avaient décidé de jouer à Montpellier cette Cinquième symphonie de Beethoven qu’ils avaient donnée la veille à Mende. Toutes les équipes s’étaient mobilisées pour organiser dans les meilleures conditions ce concert imprévu, France Musique bouleversait sa grille de programmes pour le diffuser en direct, et la foule des citoyens de Montpellier et d’ailleurs emplissait la grande nef de l’opéra Berlioz du Corum. Partageant le message universel de Beethoven, de liberté et de fraternité humaines. Quelques grincheux n’ont pas compris que l’on ne joue pas des musiques tristes ou funèbres, l’affirmation beethovénienne du triomphe de la vie sur les coups du destin, ce finale éclatant de la 5ème symphonie, disaient au contraire avec force notre compassion avec les victimes de Nice et notre espérance d’un monde qui résiste à la barbarie.

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Suites et conséquences : les Français enfin

Ce n’est pas la durée qui fait l’importance d’une fonction ou d’une responsabilité, c’est les changements qu’on imprime, les initiatives qu’on prend.

Rappelez-vous, la critique musicale n’a eu longtemps de cesse de dénoncer l’absence de musique française et de chefs français dans les programmes des orchestres parisiens, et particulièrement ceux de Radio France. Certes les tubes de Ravel, Debussy, Berlioz et basta.

J’aurai au moins réussi à convaincre les directeurs musicaux et les équipes artistiques des formations de Radio France de se réapproprier des répertoires parfois négligés durant de nombreuses années.

Tout récemment Mikko Franck dirigeait un mémorable concert composé de L’enfant et les sortilèges de Ravel et de l’Enfant prodigue de Debussy (Mikko Franck Ravel et Debussy). 

Mais, compte-tenu des délais de préparation d’une saison, c’est naturellement à partir de la saison 16/17 que les décisions prises de faire une place beaucoup plus importante – et légitime ! – à la musique française notamment dans la programmation de l’Orchestre National de France, produisent leurs effets (La saison 2016/17 de Radio France). Et pour la première fois depuis très longtemps, 6 chefs d’orchestre français sont invités à l’ONF dans une même saison, les mêmes qui font de brillantes carrières dans le monde entier et qui étaient encore rares dans leur pays natal.

A Stéphane Denève l’honneur d’ouvrir le ban avec deux magnifiques programmes exclusivement français (Ibert, Schmitt,  Saint-Saëns, Ravel, Milhaud, Connesson, Poulenc…)

DENEVE Stéphane @SWR Uwe Ditz

Stéphane Denève qui avait signé avec Eric Le Sage, Frank Braley et l’orchestre philharmonique de Liège la référence moderne des concertos de Poulenc, qui reste un bestseller souvent réédité par Sony.

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Deux semaines après Stéphane Denève, c’est un autre jeune chef français, Fabien Gabel qui dirige Debussy, Berlioz et Richard Strauss au théâtre des Champs-Elysées (Fabien Gabel / ONF).

Jean-Claude Casadesus continuera de fêter ses 80 printemps avec un programme emblématique (Jean Claude Casadesus / ONF)

Lui succèdera un autre octogénaire, Bernard Haitink, qui a lui-même composé son programme. Eloquent ! Gloria de Poulenc et l’intégrale de Daphnis et Chloé de Ravel !

HAITINK Bernard @Clive Barda

Emmanuel Krivine peut bien se permettre des échappées orientales, lui qui a si souvent et excellemment servi la musique française (Krivine / Rachmaninov / Dvorak) et qui continuera, on l’espère de toutes ses forces, à s’en faire le héraut avec l’ONF.

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Au printemps c’est Alain Altinoglu qui avec Anne Gastinel, proposera Prokofiev, Bloch, Dutilleux et Roussel (Altinoglu / ONF / Gastinel).

Puis un beau doublé pour Louis Langrée : une série de représentations de Pelléas et Mélisande au Théâtre des Champs-Elysées (Pelléas et Mélisande / Louis Langrée), et un concert avec Nelson Freire (dans le 4ème concerto de Beethoven) et, en écho à Debussy, le poème symphonique de Schoenberg... Pelléas et Mélisande (Schoenberg / Pelléas / Langrée)

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Du côté de l’Orchestre philharmonique de Radio France, le répertoire français et notamment les compositeurs du XXème siècle ne seront pas négligés, bien au contraire. Et on peut faire confiance à Sofi Jeannin, la cheffe des deux formations vocales de Radio France, le Choeur et la Maîtrise, pour exciter la curiosité du public et lui livrer Fauré, Duruflé, Messiaen, et tant d’autres.

Comme je l’écrivais hier (Suites et conséquences), il faut parfois croire que l’impossible est possible….

 

Une forme olympique

Après l’affaire – qui n’en est pas une – de l’accent circonflexe, voici qu’on atteint les sommets du ridicule, avec cette histoire parfaitement relatée dans cet article de l’excellent blog http://wunderkammern.fr/2016/02/09/pour-le-concert-de-la-loge-olympique-cest-bien-plus-quune-question-de-forme/. 

Une jeune formation fait revivre l’une des plus prestigieuses organisations musicales du Siècle des Lumières, le Concert de la Loge Olympique, et la voici taxée d’usurpation d’identité. Mais que disent les instances franc-maçonnes ? elles aussi sont mises en cause par l’utilisation du mot Loge… Comme l’écrit Jean-Christophe Pucek, il est vrai que les instances prétendument représentatives du sport donnent un tel exemple de désintéressement et de droiture, et j’ajouterai de culture… qu’on ne peut être étonné de l’intelligence de la réaction du CNOSF (Pierre de Coubertin réveille toi !)

S’ils écoutaient un peu de Haydn, de ces Symphonies parisiennes écrites par un compositeur en forme olympique :

Longue vie à Julien Chauvin et à ses musiciens de la Loge Olympique version 2016 !

https://www.youtube.com/watch?v=MYiKDbuqQz0

Autre lecture cette fois très réjouissante, le long article que Télérama consacre à Sofi Jeannin, qui est la formidable « dame de choeurs » de Radio France : après la Maitrise – depuis 2008 – Sofi a accepté de prendre la direction du Choeur en 2015. Les résultats artistiques sont là, l’avenir est prometteur, et la personnalité de cette musicienne est exceptionnelle : http://www.telerama.fr/musique/sofi-jeannin-directrice-de-choeurs-de-radio-france-la-musique-classique-renforce-l-estime-de-soi,137684.php#xtor=RSS-28

Retour et départ

C’est un retour, et c’est un nouveau départ.

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Retour dans une maison quittée il y a quinze ans, mais dans une fonction nouvelle. Et à dire vrai un sentiment étrange. D’abord les formalités. A l’entrée B de la Maison Ronde, les huissiers filtrent les auditeurs qui attendent d’accéder aux studios d’émissions, je serais passé inaperçu sans doute si je ne m’étais pas spontanément présenté à l’un d’eux. Mon nom n’est sur aucun registre, inconnu au bataillon, normal c’est mon premier jour.. On me laisse néanmoins accéder à l’étage de la Direction de la Musique, on m’explique qu’il faut me faire des badges, m’enregistrer dans le système. Retour au rez-de-chaussée dans les locaux de la Sécurité (qui n’ont pas changé depuis 15 ans !), certains agents semblent me reconnaître, mais on m’explique qu’il faut remplir un formulaire, l’envoyer à tel service, récupérer une photo, etc.. Autre question piège, l’usage du parking de la Maison ronde, c’est un autre service. Je passe le reste, la connexion au réseau, le téléphone, bref les outils de base…l’impression d’un retour en arrière !

Dans l’ascenseur, dans les couloirs, visages connus, qui m’abordent avec beaucoup de sympathie, d’autres moins connus que je soupçonne de s’être opportunément placés sur mon parcours, en demande d’un rendez-vous… le plus tôt possible évidemment.

Garder la tête froide, rester concentré sur les objectifs qu’on s’est fixés, dès ce premier jour avec les cadres de la Direction de la Musique écouter, rencontrer, tracer les perspectives. Répondre aux urgences bien sûr, mais pas dans la précipitation.

L’agenda se remplit à très grande vitesse, mais je ne veux pas en être prisonnier. Garder intactes ses réserves d’énergie et d’enthousiasme.

Même programme intense toute cette semaine, mais d’abord la musique, ce soir déjà au Festival de Saint-Denis, un concert très original de la Maîtrise de Radio-France et de sa cheffe Sofi Jeannin.

Et puis garder un oeil attentif – et affectueux – sur Liège, qui vient de lancer l’appel à candidature pour pourvoir à mon remplacement (avis aux amateurs !).