Admiration

« alors admiration »… comme le chante Alain Souchon. « J’aime admirer », c’est ce que répète Jean d’Ormesson dans Je dirai malgré tout que cette vie fut belle.

71aCizKSElL

C’est bien cela, le ressort, la raison de mon métier, du métier que j’ai embrassé il y a bientôt trente ans à Genève, à la radio suisse romande, avec l’Orchestre de la Suisse romande : l’admiration pour les créateurs, les compositeurs, les interprètes.

Qu’a-t-on reproché finalement à certains communiqués officiels consécutifs à la disparition de Nikolaus Harnoncourt  ?(https://jeanpierrerousseaublog.com/2016/03/08/hommages-dommages/). Des erreurs factuelles certes, mais surtout l’absence d’une expression personnelle d’empathie, d’admiration !

Je n’ai pas honte à l’avouer, j’ai besoin d’admirer. À commencer par ceux que j’aime. L’amour ne dure et ne perdure au-delà de l’attraction initiale que s’il se nourrit de l’admiration pour ce qu’est l’autre, pour qui est l’autre, et qui n’est pas un simple miroir de soi-même.(surtout pas !).

J’ai une chance incroyable de travailler pour ceux que j’admire, pour ces musiciens qu’adolescent je révérais non comme des idoles, mais comme des idéaux.

Je garde à jamais gravée dans ma mémoire ma première rencontre physique avec Armin Jordan, en septembre 1986. Je venais tout juste d’être recruté par la radio suisse comme « producteur responsable de la musique symphonique » (ça ne s’invente pas !), ignorant à peu près tout du milieu de la musique, avec mon seul enthousiasme comme viatique. Lorsque je vis s’approcher de moi un chef que j’admirais depuis longtemps en secret, et qu’il me dit très simplement : « Alors bienvenue ! on va travailler ensemble… » je sus qu’il me faudrait désormais être à la hauteur de ces personnages magnifiques et complexes qui peupleraient mon univers professionnel.

Trente ans plus tard, je n’ai pas changé. Je masque moins mes sentiments sans doute, j’ai dû côtoyer, parfois travailler avec des musiciens pour qui je n’éprouvais aucune admiration – surtout quand la réalité est si contraire aux apparences, quand la personnalité profonde est à l’exact opposé de l’image qu’on veut donner !- mais j’ai eu, et j’ai encore, tant et tant d’occasions de manifester mon enthousiasme, mon admiration, que je ne m’embarrasse plus de précautions et de convenances. Notre vie musicale ne peut pas être un filet d’eau tiède. Comment susciter l’adhésion d’un public de festival ou d’une saison de concerts si on n’est pas porté par un enthousiasme conquérant, une admiration explicite pour les artistes, les musiciens, les créateurs qu’on programme ?

Qu’a fait d’autre Ernest Ansermet, infatigable bâtisseur, créateur de l’Orchestre de la Suisse romande, que de convaincre son public de le suivre dans ses aventures, ses découvertes ?

91NcLEZyCZL._SL1500_

Cadeaux

Je ne suis pas revenu les mains vides de mon week-end liégeois, les amis ayant souhaité anticiper un anniversaire qui n’a lieu que dans trois jours. Et comme ils me connaissent bien, ils ne sont pas trompés. Cela peut même donner quelques idées à ceux qui sont encore en panne de cadeaux à faire pour ces fêtes…

71XM+lm7dVL

J’avais déjà reçu des mêmes amis, et dédicacés par Pierre Lecrenier, les deux premiers tomes, inutile de dire que ce troisième est mieux venu encore. Pour ce que j’en ai déjà feuilleté, le trait est juste, les traits jamais excessifs, mais tellement inspirés de la réalité. Bravo !

Dans un genre plus direct, j’ai bien reconnu la patte d’un ami militant de toutes les causes qui nous tiennent à coeur dans le choix de ce qui est en train de devenir un bestseller

51hl5iOlvmL

Pour conjurer l’avenir…

L. avait repéré l’affection que j’ai pour les livres d’André Tubeuf, style et mémoire inimitables. Et qu’il me manquait certainement celui-ci. Bien vu !

519W68Q4NTL

Autre album, intéressant et frustrant à la fois, parce que ce beau livre ne peut donner qu’un faible aperçu de plus de 50 ans de vie, de travail, de création au sein de la Maison de la radio (inaugurée en 1963). L’ami Gérard Courchelle a fait des choix qui n’auraient pas été les miens, mais c’est un travail remarquable, richement documenté, et sans aucun doute passionnant pour qui veut découvrir l’arrière du décor.

71k-gWzJqML81WlmNPHb2L

Et puis demain j’évoquerai dans le détail l’une des plus belles publications discographiques de l’année, somptueux contenant et contenu. À la mesure de celui qu’elle honore pour son centenaire.

71uxYWAdI3L._SL1500_

Sviatoslav Richter ou l’exception faite homme. Et auprès de lui un immense chef d’orchestre, qui mériterait à son tour pareil hommage, Kirill Kondrachine. 

 

 

L’homme qui aimait les autres

J’avais à peine terminé mon billet hier (https://jeanpierrerousseaublog.com/2015/01/24/la-culture-joyeuse/) qu’on apprenait une nouvelle disparition, celle de José Artur. Même sentiment que Guy Bedos interrogé sur France Inter : ces dernières semaines ressemblent à une hécatombe. Les amis de sa génération tombent les uns après les autres, Chancel, Wolinski, Cabu, maintenant José Artur (« sans h » se plaisait-il à rappeler).

Et pourtant, il y a deux mois, pour l’ouverture de la Maison de la radio, José était en direct au micro de Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek, l’humeur et la voix toujours aussi alertes : http://www.franceinter.fr/emission-si-tu-ecoutes-jannule-tout-jose-artur-en-direct-de-lagora)

-

C’est peut-être Armelle Héliot dans Le Figaro qui dit le mieux la personnalité du José Artur que nous avons connu, écouté, aimé : http://www.lefigaro.fr/culture/2015/01/24/03004-20150124ARTFIG00140-jose-artur-l-homme-qui-aimait-les-autres.php)

J’ai parfois croisé José à Radio France il y a une vingtaine d’années, il m’avait invité un soir pour évoquer, je crois, une grille de rentrée de France Musique. Son émission ne se déroulait plus, depuis longtemps, à la Maison de la radio, mais dans un salon du 1er étage du Fouquet’s. On m’avait prévenu que l’interview serait courte, vu le nombre d’invités et le rythme de l’émission. Je ne me rappelle plus la durée de la séquence, mais sa densité et sa pertinence. Il y a des sujets plus « fun » qu’une grille de programmes qu’il faut promouvoir, mais José avait non seulement intégré le dossier qu’on lui avait remis, mais il avait touché juste, en posant les bonnes questions, avec ce qu’il faut d’irrévérence, de curiosité, et il savait de quoi il parlait…

José Artur, comme Jacques Chancel, avait la culture joyeuse. Pourquoi sont-ils partis?*

*https://jeanpierrerousseaublog.com/2014/12/23/il-est-parti/

Il est parti

Je savais en écrivant ce billet le 5 décembre dernier https://jeanpierrerousseaublog.com/2014/12/05/les-vivants-et-les-morts/ que Jacques Chancel n’allait pas bien. Il ne s’en cachait pas dans son dernier ouvrage, que je viens de  refermer. Le voilà parti cette nuit rejoindre tous ceux qui ont fait la légende de la radio et de la télévision…

51rwjtyrfhl

Merci Jacques pour tout ce que tu as offert à l’adolescent que j’étais, ne ratant aucun Grand Echiquier, découvrant grâce à toi un univers, celui des authentiques musiciens, qui est le mien aujourd’hui, regardant fasciné Karajan et son Philharmonique de Berlin, le tout jeune Tedi Papavrami à peine débarqué de son Albanie natale, les duos improbables de Menuhin avec Ravi Shankar ou Stéphane Grapelli, et tant et tant d’autres…

Merci Jacques pour ces quelques conversations pendant ma période France Musique. à l’époque où tu fondais Mezzo.

Et puis merci pour les milliers de Radioscopie, les grandes heures de la télévision…

Comme tu l’aimais bien, et qu’elle aussi je l’avais découverte dans un Grand Echiquier, Anne-Sophie Mutter pour te dire au revoir :

https://www.youtube.com/watch?v=K67o86CS5uo