Des cadeaux intelligents

Nous connaissons tous l’horreur de la question rituelle à l’approche des fêtes de fin d’année : que va-t-on pouvoir offrir à X, quel cadeau original faire à Y ? Et affronter la foule des grands magasins ?

Quelques suggestions personnelles… toutes disponibles sur le Net et sans se ruiner !

D’abord une formidable aubaine : 25 ans d’Europakonzerte de l’Orchestre philharmonique de Berlin25 DVD dans un boîtier format CD (un exemple à suivre, svp Messieurs les distributeurs de DVD !), à moins de 50 €. 51hfw6oqkzl-_sl1200_81adiunl5al-_sl1484_L’idée est née en 1991 de proposer, chaque 1er mai, un concert prestigieux des Berliner dans un lieu ou une salle emblématiques d’Europe. L’affiche de ces concerts – chefs, solistes, programmes – parle d’elle-même. Indispensable !

Autre coffret de DVD, même format, mais plus cher et plus hétéroclite, même s’il restitue l’art multi-facettes du pianiste Daniel Barenboim

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Après une discussion passionnée sur Facebook à propos d’une récente réédition de « live » captés à Dresde sur le chef/compositeur italien Giuseppe Sinopoliprématurément disparu en 2001 à 54 ans, je signale deux coffrets formidables (l’un de 16 CD musique orchestrale et chorale, l’autre de 8 CD concertos) à trouver sur www.amazon.ità des prix inversement proportionnels au talent unique du chef disparu :

71cvmcaiirl-_sl1146_5132aldmcdl(Voir détails des deux coffrets à la fin de cet article)

Une nouveauté qui pourrait passer inaperçue : la 4ème symphonie et le concerto pour violon de Weinberg (1919-1996) dans un boîtier au format livre de poche, et à un prix dérisoire. Un très grand compositeur qu’on commence seulement à redécouvrir et à enregistrer, un magnifique concerto pour violon.

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https://www.youtube.com/watch?v=wMSwLkHrtg4

Dans un registre plus traditionnel en ce temps de Noël, deux jolis disques, qui sortent un peu des sentiers balisés, avec la fine fleur des interprètes français de la jeune génération.

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Trouvé hier chez mon libraire de la rue de Bretagne un excellent ouvrage tout ce qu’il y a de plus sérieux sur une musique qui n’a jamais été très prise au sérieux, l’Easy listening !

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La musique easy listening erre au-dessus de tous les styles musicaux qui existent depuis le XVIIIe siècle jusqu’au début des années 1970. C’est une musique large, sans oeillères, qui va puiser son inspiration à des sources bien dissemblables comme les compositeurs de musique classique, les big bands américains des années 1940, les ensembles gamelan balinais folkloriques, les Beatles, la bossa-nova ou la musique hawaïenne traditionnelle. Elle rassemble des personnages aussi différents que l’illustre Burt Bacharach, l’hypnotique pseudo-Indien Korla Pandit, la diva péruvienne Yma Sumac, le Français Roger Roger, auteur de pastilles musicales pour l’ORTF et de son compère Nino Nardini, ou encore Ennio Morricone, c’est dire la difficulté de recenser tous les représentants de cette famille musicale qui a servi de base de données infinie et de source d’inspiration pour des artistes tels que les Beastie Boys, le Wu-Tang Clan, Stereolab, The Avalanches, Portishead, The Cramps etc. Des ascenseurs et supermarchés au salon des clubs lounge, de l’exotica qui envahit l’Amérique d’après-guerre aux bandes-son des films d’exploitation, cet ouvrage définit les contours d’un genre musical omniprésent et pourtant mal connu. (Présentation de l’éditeur).

Il faut saluer ce travail remarquable, et souhaiter qu’il soit complété par tout un pan de ce qui fait bien partie de l’histoire de l’Easy listening, la profusion de grands orchestres américains, souvent issus de phalanges classiques (Boston Pops, Cincinnati Pops, Hollywood Bowl) ou animés par des musiciens charismatiques (MantovaniXavier Cugat, Frederick Fennell, Morton Gould, etc.).

Et comme, pour la plupart d’entre nous, ce 25 décembre ne sera pas blanc, ce potpourri qui réveille en moi tant de souvenirs d’enfance :

 

  • Coffrets Sinopoli /
  • Orchestral Works (16 CD) Beethoven Symph.9 (Dresde) – Brahms Requiem allemand (Phil.tchèque) – Bruckner Symph.4 & 7 (Dresde) – Tchaikovski Symph.6 & Roméo et Juliette (Philharmonia) – Elgar Variations Enigma & Sérénade cordes & In the South – Maderna Quadrivium & Aura & Biogramma (NDR) – Mahler Symph.5 (Philharmonia) – Mendelssohn Symph.4 (Philharmonia) – Schumann Symph.2 (Vienne) – Moussorgski Tableaux d’une exposition (New York) – Ravel Valses nobles et sentimentales (New York) – Ravel Boléro & Daphnis (Philharmonia) – Debussy La Mer (Philharmonia) – Respighi Pins de Rome, Fontaines de Rome, Fêtes romaines (New York) – Schoenberg La nuit transfigurée & Pelléas et Mélisande – Schubert Symph.8&9 (Dresde) – Sinopoli Lou Salomé (Popp, Carreras, Stuttgart) – R.Strauss Ainsi parlait Zarathoustra (New York) Don Juan (Dresde) Danse des sept voiles (opéra Berlin)
  • Concertos (8 CD) Beethoven Concertos piano 1&2 (Argerich, Philharmonia) – Beethoven Conc.violon & Romances (Mintz, Philharmonia) – Bruch conc.vl.1 + Mendelssohn Conc.vl (Shaham) – Elgar Conc.violoncelle + Tchaikovski Variations Rococo (Maisky) – Manzoni Masse Omaggio a Edgar Varese (Pollini, Berlin) + Schoenberg Symph.de chambre op.9 (Berlin) – Mozart Conc.fl.harpe + Symph.conc.vents (Philharmonia) – Paganini Conc.vl.1 + Saint-Saëns Conc.vl.3 (Shaham, New York) – Sibelius & Tchaikovski Conc.vl (Shaham, Philharmonia)

Pompe et circonstances

Suite et fin (provisoire) d’une petite série royale (https://jeanpierrerousseaublog.com/2016/04/22/au-service-de-sa-majeste/). Retour sur l’étrange corporation des Masters of the Queens / Kings Music, les maîtres de musique de la Cour d’Angleterre. On s’était arrêté à Bax. En 1924, c’est un compositeur célèbre et déjà comblé d’honneurs qui accède à la royale fonction : Edward Elgar (1857-1934). Il a bien mérité cette distinction, c’est lui qui, pour le couronnement d’Edouard VII en 1902, a adapté la première de ses cinq marches intitulées Pomp and Circumstance : Land of Hope and Glory. Qui est quasiment devenue un second hymne national.

Land of Hope and Glory, Mother of the Free,
            How shall we extol thee, who are born of thee?
            Wider still and wider shall thy bounds be set;
            God, who made thee mighty, make thee mightier yet,
            God, who made thee mighty, make thee mightier yet.

https://www.youtube.com/watch?v=vpEWpK_Dl7M

Edward Elgar n’est bien sûr pas l’homme de ces seules marches. Ni celui de la modernité qui s’était emparée de l’Europe centrale dès le début du XXème siècle. On a peine à croire que son très romantique concerto pour violoncelle date de.. 1919 !

Document émouvant que celui-ci, Jacqueline du Pré et son mari de l’époque, Daniel Barenboim, enregistrés en 1967 :

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Pas beaucoup plus révolutionnaire, l’autre chef-d’oeuvre célèbre d’Elgar, ses Enigma Variations (https://fr.wikipedia.org/wiki/Variations_Enigma)

https://www.youtube.com/watch?v=aqvOVGCt5lw

Une version de référence :

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Le XIXème siècle voit défiler une série de Masters of Musick qui n’ont guère laissé de traces, à l’époque où l’Allemagne et l’Europe centrale menaient la danse…

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William et Mathilde

On se rappelle l’aubaine, pour les programmateurs et les maisons de disques : 2013 marquait le bicentenaire de la naissance des deux monstres sacrés qui se sont partagés l’Europe lyrique du XIXème siècle, Verdi et Wagner.

Le hasard a voulu que j’entende cette semaine deux de mes ouvrages préférés de l’un et de l’autre. D’abord lundi soir, au théâtre des Champs-Elysées, Macbeth et hier à Montpellier l’unique cycle de mélodies de Wagner, ses Wesendonck-Lieder. Macbeth c’est d’abord un coup de coeur au disque et c’est, pour moi, plutôt une rareté à la scène, il y a longtemps à Genève (ou à Paris) je crois, plus récemment, le 28 décembre 2013 à Saint-Petersbourg, un souvenir extraordinaire : un cast exclusivement russe (Vladislas Slunimsky en Macbeth, Tatiana Serjan en Lady Macbeth, Evgueni Nikitin en Banquo, et surtout les forces orchestrales et chorales déchaînées par le démiurge Valery Gergiev et une mise en scène d’une grande beauté de David McVicar. La production du Théâtre des Champs-Elysées a beaucoup d’atouts (mais compte-tenu des protagonistes, le devoir de réserve m’impose de ne pas émettre d’avis !).

C’est à l’évidence un opéra atypique dans l’oeuvre de Verdi, puisqu’il suit de près l’ouvrage de Shakespeare. Deux rôles écrasants, le couple Macbeth, surtout elle, il faut une voix grande, large, puissante mais subtile (comme Abigaille dans Nabucco), le reste des comparses ne faisant que des apparitions, un seul air de ténor (celui de Macduff) mais valant à son interprète toutes les ovations.

https://www.youtube.com/watch?v=Bf3auny7u0Y

Comme toujours chez Verdi, le baryton se taille la part du roi, ici le sublime Renato Bruson, qui est l’atout maître de la version Sinopoli 51erK6vCLAL._SX425_

On a toujours considéré que la version d’Abbado était une référence. 41SBN2GRJBL

Sans doute pour la Lady Macbeth de Shirley Verrett dont c’était une grande incarnation, et le timbre rayonnant de Piero Cappuccilli mais comme souvent chez Abbado, je suis en manque de fougue, de théâtre, de sens dramatique…

Ma version de chevet, même imparfaite, c’est Riccardo Muti, pour l’impact dramatique,la vision, l’ensemble; 81HnyH3gQJL._SX425_

Changement de registre, un Wagner plus amoureux qu’héroïque, avec ce cycle de mélodies sur des poèmes de Mathilde Wesendonckhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Wesendonck-Lieder), dans la version orchestrale due à Felix Mottl (qui pourrait être de la plume de Wagner).

A Montpellier, ces Wesendonck étaient couplés au Château de Barbe-Bleue de Bartok, dans une mise en espace et en lumière de Jean-Paul Scarpitta. Couplage audacieux.

Encore un « rôle » exigeant une tessiture large, de la puissance et de la douceur. On a naguère invité Nora Gubisch à Liège qui donnait une intensité charnelle à ces poèmes, on a entendu hier soir Angela Denoke, timbre ample, pulpeux, épanoui, qui ne m’a jamais déçu.

Un peu compliqué au disque : je n’accroche pas vraiment aux « spécialistes » wagnériennes comme Flagstad, Nilsson ou Varnay. Découverte sur le tard, ma version n°1 est celle d’Eileen Farrell.. et Leonard Bernstein, un couple plutôt inattendu surtout dans Wagner ! Magnifique… 51eP0bJSeRL

Mais j’ai grandi avec Jessye Norman et Colin Davis. 516UIygeP2L

Et bien sûr on ne peut passer à côté de la récente et inattendue version masculine de Jonas Kaufmann https://www.youtube.com/watch?v=2HgPlGxeyYg 71QmalNmmAL._SL1086_