Le marin musicien

Je me demandais ce qui avait conduit les responsables de Warner à publier cet excellent coffret :

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Un anniversaire ? Bien vu ! Le sesquicentenaire de la naissance à Tourcoing – le 5 avril 1869 – d’Albert Roussel, un compositeur français qu’on a souvent évoqué ici, grâce notamment aux souvenirs du violoniste Robert Soëtens (lire Evocations de Roussel). Touchante, cette lettre adressée par Roussel à celui qui fut son interprète lors du Festival Albert Roussel organisé à la Salle Gaveau à Paris, il y a 90 ans, le 18 avril 1929, pour le soixantième anniversaire du compositeur :

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Roussel aimait la mer, au point d’y commencer sa vie – Ecole Navale puis sept ans de Marine – et de choisir sa dernière demeure à Varengeville (lire L’inconnu de Varengeville) : « C’est en face de la mer que nous finirons nos existences et que nous irons dormir pour entendre encore au loin son éternel murmure »

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Le coffret qui vient de sortir n’est pas au sens strict une intégrale, mais constitue, à petit prix, un panorama remarquable et complet de l’oeuvre de Roussel :

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Qui connaît (et joue encore) les pièces pour piano, la musique de chambre, les mélodies ? On cherche en vain dans les programmes de concert…

Quant à l’oeuvre symphonique et chorale, il suffit de regarder les versions choisies pour ce coffret, toutes gravées il y a plus de trente ans,  pour mesurer combien Roussel est complètement passé de mode, sauf exceptions notables comme l’excellente intégrale symphonique gravée par Stéphane Denève en Ecosse !

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Tous les détails du coffret Roussel ici : bestofclassic Roussel Edition

Indispensable évidemment !

 

Disques d’été (VII) : Nuits dans les jardins d’Espagne

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L’oeuvre est centenaire, pas vraiment un concerto, ni un poème symphonique, une suite de trois tableaux, de trois évocations plutôt. C’est en 1915 que Manuel de Falla écrit ses Nuits dans les jardins d’Espagne, qu’il dédie à son compatriote, le pianiste Ricardo Viñes. Ce n’est pourtant pas lui qui crée l’oeuvre le 9 avril 1916 au Teatro Real de Madrid mais José Cubiles avec l’orchestre symphonique de Madrid dirigé par Enrique Fernandez Arbos.

Le premier volet a un rapport direct avec Grenade et les photos ci-dessus : En el Generalife / Dans les jardins du Generalife, le palais d’été des princes Nasrides, leurs jardins fleuris de jasmins et de roses, leurs fontaines (https://fr.wikipedia.org/wiki/Généralife)

Les deux autres volets ou mouvements sont intitulés : Danza lejana et En los jardines de la sierra de Cordoba.

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J’ai découvert l’oeuvre par la version mythique de Clara Haskil et Igor Markevitch, à la grande époque de l’orchestre des Concerts Lamoureux. La discographie n’est pas surabondante, mais on trouvera son bonheur dans ces six versions qui savent jouer des ombres et des lumières de l’oeuvre de Falla. Liste non exhaustive, classée par ordre de mes préférences ! Orozco/Colomer (Valois), Larrocha/Commisiona (Decca), Haskil/Markevitch (Philips/Decca), Soriano/Frühbeck de Burgos (EMI/Warner), Rubinstein/Jorda (RCA), Weber/Fricsay (DGG).

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Une version sans doute pas idiomatique, mais attachante : Barenboim au piano, Placido Domingo à la direction :

Pour suivre mes voyages, et beaucoup plus de photos abonnez-vous à :

http://lemondenimages.me/2015/08/23/les-jardins-de-lalhambra/

De l’utilité des concours

Le Concours international de musique Reine Elisabeth vient de s’achever à Bruxelles, cette année il était dévolu au chant. L’année dernière c’était le piano, l’année prochaine ce sera le violon (http://www.cmireb.be/cgi?lg=fr&pag=1692&tab=87&rec=70&frm=0&par=secorig1677).

À Paris, on a un peu de mal à saisir l’engouement que suscite ce concours en Belgique – la radio, la télévision suivent quasiment toutes les épreuves, les concerts des lauréats déplacent les foules, et les passions se déchaînent (lire par exemple : http://camillederijck.over-blog.com/2014/06/cmireb2014-les-regrets-et-les-joies.html )

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Depuis que je suis dans le métier, je n’ai cessé de m’interroger sur l’utilité, voire la pertinence de ce genre de compétitions. Je ne sais plus quel grand pianiste (Claudio Arrau ?) aurait déclaré que les concours c’était bon pour les chevaux… pas pour les musiciens !

J’ai moi-même siégé plusieurs fois (et avec beaucoup de bonheur) dans des jurys de grands concours (Genève, Besançon par exemple). Mais là n’est pas la question…

Les concours sont-ils utiles pour les musiciens, pour le public, pour la musique ?

Trois questions, trois réponses qui ne concordent pas nécessairement.

1. Le grand concours de réputation internationale est-il nécessaire pour un jeune artiste qui veut se lancer dans la carrière ? Réponse à la normande : oui et non. Je suis sûr qu’on arriverait à dresser des listes d’importance équivalente d’une part des grands musiciens qui n’ont jamais eu besoin de concours pour réussir, d’autre part d’autres grands musiciens qu’un (ou des) concours ont mis sur l’orbite d’une grande carrière.

Je ne sache pas que Richter, Arrau, Rubinstein ou Horowitz aient dû leur réputation et leur carrière à un concours. En revanche, l’incroyable succès d’une adolescente argentine à Genève puis à Varsovie (Martha Argerich) a agi comme une révélation pour toute l’Europe mélomane.

Le concours est aussi, malheureusement, un miroir aux alouettes pour des dizaines, voire des centaines, de jeunes talents qui ne survivent pas à l’épreuve et à la notoriété éphémère qui en résulte.

2. Le concours est-il utile pour le public ? Sans doute, la mention d’un prix, d’une distinction, d’un concours prestigieux dans la « bio » d’un artiste, a-t-elle une petite influence sur le public. En tous cas, en Belgique, l’estampille « Lauréat du Concours Reine Elisabeth » pèse d’un poids non négligeable dans la notoriété d’un musicien, et durablement (des pianistes comme Frank Braley ou notre regrettée Brigitte Engerer peuvent en attester).

Un concours (comme le Reine Elisabeth qui fait salles et audience combles chaque mois de mai) a-t-il des effets positifs sur la vie musicale, la fréquentation des salles de concert ou d’opéra ? J’ai beaucoup plus de doutes.