Femmes en scène

Un jeudi assombri par la nouvelle qui s’affichait sur mon écran de smartphone tandis que j’étais à l’Opéra Bastille : une nouvelle attaque sur les Champs-Elysées. Tristesse, compassion pour les victimes, et plus tard consternation face à certaines réactions ou récupérations irresponsables…

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La journée avait pourtant bien commencé sous l’égide des femmes : l’annonce de la nouvelle cheffe de l’Opéra royal de Wallonie, dont le prénom est déjà tout un programme, Speranza Scappucci

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Puis déjeuner programmé de longue date avec une artiste que je connais, suis et admire depuis ses débuts, Nathalie Stutzmannqui triomphait il y a quelques semaines dans la fosse de l’Opéra de Monte Carlo.

Nathalie me racontait les bonheurs (et les charges de travail) que lui procure son travail de chef d’orchestre – elle est invitée, et immédiatement réinvitée par les grandes phalanges (Sao Paulo, Londres, Rotterdam, Philadelphie…) qui ne se et ne lui posent pas la question stupide de sa « féminité ».  Et nous avons parlé (beaux) projets pour de prochaines éditions du Festival de Radio France

Hier soir c’était la deuxième représentation de l’ouvrage de Rimski-Korsakov, Snegourotchkasur le vaste plateau de l’Opéra Bastille. Un mot d’abord de la traduction française retenue par l’opéra de Paris : La fille de neige. Aussi peu poétique, à la limite du compréhensible. D’ailleurs dans la traduction qui défile au-dessus de la scène, l’héroïne est appelée Fleur de Neige, un nom autrement plus évocateur de ce personnage créé par le dramaturge Alexandre Ostrovski.

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Mais ne boudons pas notre plaisir, ce Conte de printemps – c’est le titre complet de l’oeuvre Снегу́рочка Весенняя сказка – fait une entrée remarquée au répertoire de l’Opéra de Paris.

Un paysan et sa femme se désolent de ne pas avoir d’enfants. Un jour d’hiver, pour se distraire, ils décident de fabriquer un enfant de neige. Celui-ci prend vie : c’est une belle petite fille, qui grandira rapidement, tout en gardant un teint pâle comme la neige : on l’appelle Snégourotchka. Lorsque le printemps arrive, la jeune fille manifeste des signes de langueur. Les autres jeunes filles du village l’invitent à jouer avec elles, et sa mère adoptive la laisse partir à regret. Elles s’amusent et dansent, Snégourotchka restant toujours en arrière, puis l’entraînent à sauter par-dessus un feu de joie : à ce moment, elles entendent un cri, et en se retournant, elles découvrent que leur compagne a disparu. Elles la cherchent partout sans succès : Snégourotchka a fondu, et il n’en est resté qu’un flocon de brume flottant dans l’air.

Ostrovski a conservé, magnifié l’esprit de ce conte, en y rajoutant évidemment des histoires d’amour croisées et contrariées. C’est Tchaikovski qui en avait écrit la musique de scène en 1873, avant que Rimski-Korsakov n’en fasse un opéra en un prologue et quatre actes, créé au Marinski de Saint-Pétersbourg en janvier 1882.

Que dire de ce qu’on a vu et entendu à l’Opéra Bastille ?

Le bonheur l’emporte largement sur les critiques. Certes on s’attendait à plus d’audace ou d’irrévérence de la part du metteur en scène Dmitri Tcherniakovqui restitue à merveille l’esprit du conte originel (souvenirs d’enfance ?). Certes on eût aimé une direction moins routinière, atone (mais n’est pas Gergiev qui veut !). Certes on a été surpris du peu de projection de Thomas Johannes Mayer (l’amoureux Mizguir).

Mais on a été ébloui, de bout en bout, par la beauté de la voix, l’incarnation du personnage, de la jeune soprano russe Aida Garifullina.

Ses comparses n’étaient pas en reste : le berger Lel est chanté par un contre-ténor – Yuri Mynenko, look de pop star 80’s, la jalouse et hystérique Koupava est parfaitement campée par Martina Serafin, la Dame Printemps (la mère de Snegourotchka) après plusieurs défections revient au beau contralto d’Elena Manistina, le père Gel est confié au vétéran Vladimir Ognovenko, etc.. Un spectacle capté pour la télévision, à voir ou revoir bientôt donc !

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En attendant, on peut écouter cette nouveauté

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et (re)découvrir d’autres opéras de Rimski-Korsakov, dans les versions insurpassées de Valery Gergiev, en particulier la merveilleuse Légende de la ville invisible de Kitège.

Une soirée formidable

Huit jours après la performance de Lambert Wilson, j’étais de retour hier soir au Trianon.

IMG_8071 (1)Pour la Nuit de la voix organisée par la Fondation Orange. Je redoutais un peu l’habituel défilé de stars, l’enfilade de « tubes » d’opéra, bref une réplique mondaine de certaines soirées interminables et convenues (ne suivez pas mon regard !)

IMG_8072Ce fut tout le contraire : une soirée parfaite, l’exemple même de ce qu’on rêverait de voir en prime time sur les chaînes de service public. Un organisateur, présentateur, musicien – André Manoukian – virtuose, savant mais non pontifiant, respectueux des musiques et des musiciens qu’il propose, un joyeux enchaînement de styles, d’époques, sans jamais recourir à la facilité – et des artistes exceptionnels qui nous ont épargné la promo de leur dernier disque et au contraire offert d’inoubliables moments de pure émotion musicale.

Du crossover certes, mais d’une rare pertinence. Un enchantement, comme en témoigne la captation de cette soirée.

Des séquences impayables, comme Rosemary Standley chantant Nina Simone, Philippe Jaroussky inoubliable dans Voyage, voyage, Karina Gauvin et Marie-Nicole Lemieux dans Cole Porter et Michel Berger autant que dans Haendel, les cinq chanteuses de D.I.V.A., l’Hallelujah final de Leonard Cohen, et un Happy birthday bien mérité pour les 30 ans de la Fondation Orange.

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Une soirée illuminée aussi par la présence du Concert de la Loge et de son leader Julien Chauvin.

Tristesse, au retour de cette bienfaisante bouffée de musique, d’apprendre la mort d’un grand chanteur, sur le patronyme duquel je n’ai pas été le dernier à faire de mauvaises blagues, Kurt Mollinoubliable Ochs du Chevalier à la rose :

Tristesse encore avec la disparition d’Alberto ZeddaJ’emprunte à Jean-Louis Grinda, l’actuel directeur de l’Opéra de Monte Carlo et des Chorégies d’Orange, ex-patron de l’Opéra royal de Wallonie, l’hommage qu’il rend ce matin au chef italien :

« C’est avec une grande tristesse que j’apprends la disparition d’Alberto Alberto Zedda. Ses immenses connaissances musicales, son amour légendaire pour Rossini, son inextinguible soif de transmettre, de partager, tant avec les jeunes artistes qu’avec le public, ont fait de lui un être rare et précieux. Guillaume Tell, Semiramide, Cenerentola, Moïse et Pharaon,Tancredi, Il Viaggio a Reims mais aussi Sonnambula sont les titres que j’ai eu le privilège de faire avec lui lorsque j‘étais à la tête de l’Opéra Royal de Wallonie. Autant de soirées qu’il avait rendues exceptionnelles par son fantastique engagement. Le public l’adorait, les artistes aussi ; cette affection était contagieuse car en fait , tout le monde au théâtre était touché par tant de force dans un corps si frêle. Et lorsqu’une de ses légendaires colères était passée, tel un orage rossinien, son sourire et ses yeux malicieux disaient silencieusement « nous allons y arriver »…
De toutes ces années passées au service du théâtre lyrique, mes discussions professionnelles ou privées avec Alberto Zedda furent certainement parmi les moments les plus importants de ma formation. Je me sens privilégié d’avoir eu la chance de pouvoir vivre cela.
Regardons cet œil malicieux et sourions en pensant à lui. »

Je confirme, lorsque Zedda était dans la fosse de l’opéra de Liège, le bonheur était partout, sur le plateau, dans la salle, dans les yeux et les oreilles des spectateurs que nous étions…

Heureusement, il nous reste une magnifique collection de CD d’ouvrages de Rossini essentiellement chez Naxos. Des distributions de haut vol, où l’on retrouve bon nombre de stars d’aujourd’hui…

Singin’ in the rain

Trop tard pour espérer encore voir Singin’ in the rain au Châtelet à Paris, mais la production reprend pour les fêtes de fin d’année à partir du 27 novembre. Et il faut s’y précipiter. Les adaptations à la scène de films musicaux ne sont pas toujours réussies, surtout quand on a affaire à un chef d’oeuvre : Singin’ in the rain, le film de Stanley Donen et Gene Kelly, sorti en 1952, en est un, incontestable (http://fr.wikipedia.org/wiki/Chantons_sous_la_pluie) et pas seulement à cause de la chanson et de la scène cultes qui donnent son titre au film :

L’histoire se déroule à Hollywood, à la fin de l’ère du cinéma muet. D’origine modeste, Don Lockwood ancien danseur, musicien et cascadeur est devenu une star du cinéma muet. A son grand dam, Lina Lamont, son insipide et antipathique partenaire, est persuadée qu’ils forment un couple à la ville comme à l’écran. Alors que Le Chanteur de Jazz, le tout premier film parlant, connaît un succès fulgurant, le directeur du studio R.F Simpson n’a d’autre choix que de convertir le nouveau film du duo Lockwood / Lamont. L’équipe de production est confrontée à de nombreuses difficultés, notamment l’insupportable voix de crécelle de Lina Lamont. Le meilleur ami de Don Lockwood, Cosmo Brown, a l’idée d’engager Kathy Selden pour doubler la voix de Lina et de transformer The Dueling Cavalier en comédie musicale intitulée The Dancing Cavalier. Entretemps, Don tombe amoureux de Kathy. Lina découvre leur idylle naissante et, furieuse, exige qu’à l’avenir Kathy continue de jouer les doublures et demeure pour toujours dans l’anonymat. Cette idée révolte Simpson, mais il n’a d’autre choix que d’accepter, tout comme Kathy, liée au studio par contrat. La première de The Dancing Cavalier est un triomphe. Le public conquis réclame une chanson de Lina. Don et Cosmo décident d’improviser : ils proposent à Lina de chanter en playback pendant que Kathy, dissimulée derrière le rideau, créé l’illusion en chantant en simultané dans un second micro. Lina commence à « chanter », Don, Cosmo et Simpson remontent le rideau derrière elle… Le spectacle du Châtelet n’était pas une première parisienne, contrairement à ce qui a pu être dit, puisque le Chantons sous la pluie qui a longuement tenu l’affiche de l’Opéra Royal de Wallonie à Liège en 1999, puis du théâtre de la Porte Saint Martin en 2000, avait obtenu le Molière du meilleur spectacle musical en 2001. Une réussite due à Jean-Louis Grinda, alors directeur de la scène liégeoise, et à une fantastique troupe d’acteurs, chanteurs, danseurs, au premier rang desquels figurait l’inoubliable Kathy Selden d’Isabelle Georges. Robert Carsen a fait le pari de la fidélité au film, dans de superbes décors, avec une troupe d’une parfaite homogénéité (Dan Burton, Daniel Crossley, Clare Halse, Emma Kate Nelson impayable en Lina Lamont).Dans la fosse, Gareth Valentine dirige un Orchestre de chambre de Paris en grande forme. IMG_2653

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