Cantates

Si « les cantates de Bach sont ce qu’il a composé de plus beau, …cette musique mystérieuse et invisible, pleine de vie et d’énergie qui traduit l’idée d’un monde parfait» comme l’écrit John Eliot Gardiner (lire Le mystère Jean-Sébastien Bach), j’imagine l’embarras – qui fut longtemps le mien – de celui qui aimerait s’initier à cet univers.

Par quoi commencer parmi les plus de 250 cantates répertoriées du Cantor de Leipzig ? Quels interprètes, quelles versions ?

71KCovyCQTL._SL1200_Une excellente compilation des chorals les plus célèbres extraits de cantates, des passions (St Jean et St Matthieu), de la Messe en si.

Si on ne veut/peut pas investir dans le projet grandiose entrepris par le chef anglais – l’enregistrement ou ré-enregistrement de l’oeuvre sacrée de Bach – on trouvera un panorama quasi idéal dans ce coffret à prix « budget »

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Ce coffret de 22CD réunit pour la première fois tous les enregistrements de John Eliot Gardiner d’oeuvres vocales de Bach, réalisés pour Archiv Production et Philips du début des années 1980 à 2000. Plusieurs de ces enregistrements  font office de référence : L’Oratorio de Noël, la Passion selon Saint Matthieu, la Passion selon Saint Jean et la Messeen si mineur. 12 CD sont consacrés à une large sélection de 37 cantates, odes et motets , comme Nun komm, der Heiden Heiland, Wachet auf, Herz und Mund und Tat und Leben, et Ich habe genug. On y trouve également le Magnificat et la Cantate 51 enregistrés pour Philips. Et quelle brochette de solistes ! Nancy Argenta, Olaf Bär, Barbara Bonney, Michael Chance, Bernarda Fink, Magdalena Kozená, Derek Lee Ragin, Sara Mingardo, Anne Sofie von Otter, Mark Padmore, Anthony Rolfe Johnson, Andreas Schmidt et Stephen Varcoe. La maîtrise du Monteverdi Choir et des English Baroque Soloists est comme toujours imposante. Un livret de 32 pages contient les tracklistings complets et renvoie sur un lien internet où sont disponibles textes chantés et traductions.

Et puis il y a des disques que je chéris particulièrement, même s’ils ne sont répondent pas aux critères actuels de l’interprétation « historiquement informée », parce que je les ai découverts un peu par hasard. Comme celui-ci :

91rdJb9LBcL._SL1500_Sans doute la fascination de la voix très particulière, sans aucun vibrato, de la soprano américaine Teresa Stich Randallet ce sublime duo de la cantate 78

Et malgré la direction très planplan d’un pionnier du répertoire baroque, le trop oublié Karl Ristenpart, j’ai une affection toute particulière pour la version de la même soprano de la célèbre Cantate 51 (avec le jeune Maurice André à la trompette). Bien des consoeurs de Stich Randall, et de plus célèbres qu’elle, s’y sont essayées et cassé les dents (on évitera soigneusement Mme Schwarzkopf qui y chante constamment faux et surjoué)

https://www.youtube.com/watch?v=i0NK2JzplZU

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Au plus près de la tradition du légendaire Choeur de Saint-Thomas de Leipzig, on trouvera de réelles beautés dans cette généreuse collection de cantates d’église enregistrées in situ par l’un des successeurs de Bach à la direction de cette phalange, Hans-Joachim Rotzsch

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Et, tout aussi avantageux, republié par Brilliant Classics, un coffret de cantates profanesdirigées par le grand Peter Schreier.

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Et puisque c’est la première cantate que j’ai entendue en concert, dans une modeste église de la région parisienne, j’aime toujours autant cette cantate 70 « Wachet, betet » (Veillez, priez), créée le 21 novembre 1723 à Leipzig.

Pour le reste, je renvoie aux spécialistes, aux revues comme Diapason ou Classica, ou à un site passionnant Wunderkammern.fr qui fait la part belle à Jean-Sébastien Bach et à sa discographie récente.

J’évoquais hier le pavé de John Eliot Gardiner, on peut aussi se plonger avec délice dans les ouvrages du grand spécialiste français de Bach, Gilles Cantagrelqui me précéda à la direction de France Musique, et avec qui j’ai eu le plaisir de travailler, regrettant qu’il ne fasse pas plus souvent profiter les auditeurs de la chaîne d’une science aussi vaste que gourmande.

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Quand j’ai eu mon Bach

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L’actualité a complètement occulté l’excellent dossier que le numéro de janvier de Diapason consacre à un compositeur qui n’a jamais fait l’objet des foudres ni de Pierre Boulez ni de David Bowie, ni de quiconque avant eux d’ailleurs. Même si on n’aime ou ne comprend pas toute son oeuvre, Bach est le père, la référence, la source de notre musique. Incontesté. Incontestable.

Il faut donc lire Diapason, et les remarquables articles de Gilles Cantagrel, la discographie proposée par Gaëtan Naulleau et Paul de Louit, et le billet de Jacques Drillon qui recycle le débat, plutôt stérile de mon point de vue, sur : Bach, clavecin ou piano ?.

J’ai plusieurs fois pris parti, ici, pour le piano, sans doute parce que c’est en jouant moi-même du Bach sur mon piano – et pendant mes quelques années d’études au conservatoire – et en entendant Bach au piano sur mes premiers disques. Quoique non… je me rappelle un disque Musidisc avec des concertos pour clavier de Bach joués par le claveciniste Roggero Gerlin et le Collegium musicum de Paris dirigé par Roland Douatte.

 

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Mais le vrai premier choc, ce fut un disque d’Alfred Brendel, retrouvé bien sûr dans l’imposant coffret Philips (http://bestofclassic.skynetblogs.be/archive/2016/01/07/tout-brendel-8552178.html), les deux préludes de choral surtout « Nur komm’der Heiden Heiland » et « Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ ».

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Puis Le Clavier bien tempéré dans la version naguère parue sous étiquette Eurodisc et longtemps considérée comme une référence, puisque c’était celle du grand Sviatoslav Richter

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Depuis on y a regardé de plus près, et le bloc d’admiration s’est un peu fissuré, surtout lorsque beaucoup plus tard on a découvert la liberté, les libertés dont s’emparait le pianiste russe en concert. Et qu’on a retrouvées, magnifiées, dans le coffret du centenaire (attention édition limitée, la meilleure offre reste http://www.amazon.it)

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Dans les années 90, c’est à Tatiana Nikolaieva, en concert à Evian et à Genève, puis au disque, que je dois mes plus grands bonheurs chez un compositeur qu’elle chérissait entre tous (« la base », « la source », m’avait-elle répété, lorsque j’avais eu le bonheur de siéger à ses côtés dans un jury du Concours international de Genève).

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Puis j’ai butiné du côté d’Evgueni Koroliov et Vladimir Feltsman et bien sûr Martha Argerich (sa 2e Partita est la plus jazzy de toute la discographie !)

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Le dernier Kempff, à qui les doigts manquent parfois, pare son Bach d’une poésie ineffable.

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Et puis, à Maastricht, en voisin, j’ai découvert un jour un magnifique artiste, Ivo Janssen, qui me semblait exprimer à la perfection (magnifique instrument, superbe prise de son de surctoît) le Bach que j’aime :

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Et puis, Bach est inépuisable, tout est possible, toutes les visions sont intéressantes, dès lors qu’elles disent l’humanité, la simple grandeur, d’un compositeur qu’on n’aura jamais fini de découvrir.

Ce DVD reflet de concerts suisse et parisien est sans doute plein d’imperfections, il a une qualité primordiale à mes yeux et à mes oreilles : il nous met d’excellente humeur, il raconte la vie.

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