Second rôle

 

Je suis sûr que si l’on avait interrogé les téléspectateurs qui ont appris la nouvelle de sa mort hier, la plupart auraient répondu que cette tête leur était familière… mais qu’ils avaient du mal à lui accoler un nom.

Pourtant Michel Aumont, c’était « un sourire et un regard bienveillants/…./Il avait 82 ans. Acteur populaire et élégant, grand comédien de théâtre, il fut aussi un second rôle prolifique du cinéma chez Chabrol, Tavernier, Lelouch, Zidi encore ou Veber. Les planches étaient toute sa vie, sa passion première -il reçut quatre Molière au cours d’une carrière de plus de soixante ans, dont près de quarante à la Comédie-Française dont il était sociétaire honoraire-, mais les écrans, petit et grand, surent utiliser son grand talent. Souvent commissaire, homme de loi ou politique, son visage était connu de tous. Il avait tant tourné aussi pour la télé, comme « les Dames de la côte », feuilleton culte de la fin des années 1970. » (Le Parisien, 30 août 2019).

J’ai eu la chance de le voir, au théâtre, incarner Richard Strauss dans la pièce de Ronald Harwood Collaboration face à Didier Sandre qui jouait Stefan Zweig.

Admirables performances de ce phénoménal duo, dans une pièce tout aussi admirable, dont Didier Sandre décrit parfaitement le sujet et l’écriture :

Le fruit de cette collaboration entre Strauss et Zweig sera cet opéra Die schweigsame Frau (La femme silencieuse) , créé le 24 juin 1935 à Dresde sous la direction du jeune Karl Böhm.

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L’un des personnages importants de la pièce… et de la vie du compositeur est sa femme Paulinequi a en partie inspiré la Sinfonia Domestica

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Mais la présence de Michel Aumont au théâtre, à la Comédie-Française en particulier, fut innombrable et magnifique. Il est pour l’éternité l’Harpagon de l’Avare

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La filmographie de Michel Aumont au cinéma et à la télévision n’est pas moins importante.

J’avais adoré le film de Valérie Lemercier, Palais Royal, à sa sortie en 2005. Michel Aumont y incarne le conseiller/amant cauteleux à souhait de la reine Catherine Deneuve.

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Huis clos sans fausse note

C’est une histoire de fou : un fan s’introduit dans la loge d’un célèbre musicien, il le prend en otage et ne quittera l’endroit qu’une fois parvenu à ses fins (qu’on ne dévoilera pas ici). Le théâtre raffole des duos de comédiens qui bataillent à coups de mots dans des pièces si tendues qu’elles pourraient se jouer sur des rings de boxe. Il ne manque qu’un arbitre pour compter les coups. En l’occurrence, cet arbitre est le public, témoin du face-à-face entre les deux héros, dont l’un (Christophe Malavoy) traque la vérité quand le second (Tom Novembre) fait tout pour l’esquiver. Les masques tombent, et ce qu’ils dissimulent sent mauvais. De grands thèmes sont brassés : la faute, le pardon, la culpabilité. La pièce est ambitieuse mais cousue à traits si épais qu’il faut aux acteurs une finesse de jeu singulière pour échapper à la caricature. (Télérama)

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Ce n’est pas la première fois que le théâtre explore l’histoire compliquée des liens entre musiciens et politique. On a pu voir à Paris deux pièces à succès  de Ronald Harwood,

La première À torts et à raisons (Taking sides) confrontait Furtwängler à l’officier américain chargé de l’enquête en vue du procès en dénazification du chef allemand, la seconde Collaboration mettait en scène, sous les traits éblouissants de Michel Aumont et Didier Sandrele compositeur Richard Strauss et l’écrivain Stefan Zweig.

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Le propos de Didier Caronl’auteur de cette Fausse note puise à la même inspiration, comme l’expliquent les deux interprètes :

https://www.youtube.com/watch?v=qfpgh8FQjj4

https://www.youtube.com/watch?v=0t1tccLzS1Y

Je n’ai pas vu ni entendu les longueurs ni les « traits épais » que certains ont critiqués, le face-à-face est dense, l’histoire est prévisible certes, le contexte historique et artistique crédible – ce qui est loin d’être toujours le cas dans ce type d’ouvrages -. Et les deux acteurs sont parfaits. Assis au premier rang, je ne pouvais rien manquer de leur belle performance. Chapeau bas Messieurs !

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