L’Être et le Neamț

Les monastères les plus connus de Roumanie sont situés dans la région septentrionale de la Bucovine. Mais, dans les vallées du Neamț au coeur de la Moldavie historique, se trouve une concentration de hauts lieux de la spiritualité orthodoxe qui n’ont rien à envier à leurs voisins par la beauté de leurs sites, la richesse de leur histoire et l’intensité de la vie monastique.

L’église du monastère de Varatec se distingue de toutes ses voisines par la forme ronde de ses clochers (photos : Le monastère de Varatec

Quant au monastère de Neamț (prononcer Neamts), c’est à la fois le plus ancien, le plus austère et le plus emblématique de la grande figure politique et religieuse de la Moldavie du XVème siècle, Etienne le Grand (Ștefan cel Mare)

On a beaucoup aimé le monastère de Secu (prononcer Sé-cou) sur la commune de Vânători-Neamț

Dominant la vallée et la ville de Târgu Neamț, il faut évidemment voir la Citadelle de Neamț, après avoir emprunté un chemin certes goudronné mais escarpé (recommandé pour les sportifs, déconseillé aux mauvais marcheurs !)

Puis reprenant la route du sud qui va vers le chef-lieu administratif de la région, la ville de Piatra Neamț, on s’arrête à Agapiaqu’on retrouve avec émotion, quarante-quatre ans après y avoir dormi dans l’une des maisons des soeurs qui habitent les lieux depuis le XIXème siècle. Aujourd’hui les lieux brillent comme un sou neuf, et les nonnes sont plus nombreuses que jamais (350) mais elles n’hébergent plus le visiteur de passage. Les nombreuses pensions et auberges des alentours – qui n’existaient pas il y a encore vingt ans – ont pris le relais.

A l’époque de ce premier passage (1973) j’avais lu avec passion tous les livres d’un personnage complètement oublié et controversé Virgil Gheorghiu qui a vécu dans sa chair et dans son oeuvre toutes les contradictions de la Roumanie du XXème siècle. Célèbre par son roman La Vingt-Cinquième heure, porté au cinéma par Henri Verneuil avec Anthony Quinn,

91h6Y2sa7sL._SL1500_

Gheorghiu décrit dans Les Immortels d’Agapia une Roumanie rurale, âpre voire cruelle.

Unknown

Photos à voir ici : Les immortelles d’Agapia

Tout au fond d’une vallée se cache un très bel ensemble qui vaut d’être visité, le monastère de Sihastria qui compte plusieurs églises d’époques différentes.

img_1408

Voir les photos : L’ermitage de Sihastria.

A quelques encâblures à l’ouest de Piatra Neamt, sur la route de Bicaz, se cache, en dehors des circuits touristiques, un magnifique ensemble – presque mon préféré de tout le parcours, n’étaient les souvenirs qui me lient à Agapia – celui du monastère de BistrițaToutes les photos à voir ici : Le monastère de Bistrita.

img_1344

La grande ville de la région, Piatra Neamțconserve encore quelques beaux vestiges de son glorieux passé

Le musée et le théâtre de Piatra Neamț (d’autres photos ici : Piatra Neamț)

La route – recommandée – qui va de Bicaz à Târgu Neamț longe le lac Izvorul Muntelui, fermé par un impressionnant barrage.

Toutes les photos de la route des monastères de Moldavie roumaine : Le monde en images

La découverte de la musique (IV) : l’été 73 suite

Après Munich, Salzbourg, Vienne, Budapest (L’été 73), la Roumanie final destination de mon périple estival. On peut encore circuler librement dans le pays dirigé par le sinistre « génie des Carpathes » Nicolae Ceaușescu, moyennant l’obligation de se signaler à la police locale à chacune de nos étapes. L’année suivante les voyages individuels seront interdits. Partout où s’arrête notre Peugeot flanquée de son F (qui nous sera finalement volé), c’est la sensation. Paris, la France, c’est quelque chose pour un peuple si voisin par la langue et la culture… et l’admiration pour le général de Gaulle !

Première étape en Transylvanie dans le village de Blaj près de la petite ville d’Alba Iulia. Mon cousin et moi sommes reçus comme des rois dans la famille de Florin N. au point d’en être embarrassés, mon « correspondant » devenu mon ami – il l’est toujours quarante-trois ans après ! – s’empresse de nous faire visiter les environs, sur les traces de quelque colonie romaine. Beaucoup de Roumains parlent français comme une deuxième langue maternelle (lorsque j’y retournerai trente ans plus tard, il ne subsistera plus beaucoup de signes de cette francophonie/philie). La ville universitaire la plus proche est Cluj Napoca

La grande Julia Varady n’y a pas encore fait ses débuts (en 1982), et je ne suis pas alors très versé dans l’opéra. Mais je me rattraperai dans l’admiration quinze ans plus tard (Carnegie Hall)

https://www.youtube.com/watch?v=TK5uUHFbm-Y

Après Alba Iulia et Cluj, direction le nord du pays, la Bucovine, la Moldavie roumaine et ses fabuleux paysages sylvestres, ses fermes anciennes, ses églises en bois ou couvertes de fresques. Nous dormons dans un couvent de bonnes soeurs à Sucevița (prononcer Sou-ché-vi-tsa). Avant de partir, j’ai dévoré les livres de Virgil Gheorghiu.

71vZXZ5gttL._SL1220_

Après un passage à Iași (une des villes jumelées à Poitiers (Initiation), nous arrivons sur les rives du delta du Danube, non sans encombres. La carte routière  est loin d’être précise : une route qu’on croit goudronnée débouche brusquement sur un chemin à peine carrossable, là où un pont est indiqué, on tombe sur un bac qui ne fonctionne plus la nuit tombée (on en sera quittes pour dormir dans la voiture). On a lu dans un guide qu’on pouvait faire une excursion dans le delta du Danube, en compagnie d’un pêcheur de… grenouilles. On passera quatre longues heures silencieuses dans une barque au milieu de nulle part, à compter les batraciens qui se laissent appâter par les morceaux de carotte que leur tend notre pêcheur. La récompense sera à la hauteur : je ne mangerai plus jamais ensuite d’aussi succulentes et copieuses cuisses de grenouille que celles que nous fera déguster la femme de notre batelier.

Nous avons installé notre tente dans un camping proche de la station balnéaire de Mamaia, et un soir, je ne sais plus comment ni pourquoi, j’y retrouve un autre cousin suisse celui-là (j’en ai de nombreux du côté de ma famille maternelle !), nous dînons sur la plage, à quelques tables d’une immense célébrité nationale que je n’oserai aller saluer même si je l’admire beaucoup, le virtuose de la flûte de Pan Gheorghe Zamfir.

L’un de ses tubes est une mélodie populaire L’alouette (Ciocîrlia), qu’Enesco a reprise telle quelle dans sa célèbre Rhapsodie roumaine n°1

L’étape suivante est Bucarest qui n’a pas encore été défigurée par la folie des grandeurs de Ceaucescu. Cette fois nous sommes accueillis par des amis de la famille de mon cousin. Le père est, semble-t-il, proche de la nomenklatura, et reçoit avec un faste culinaire plutôt inhabituel. Sa fille ne me laisse pas indifférent, je lui conte fleurette, sans parvenir à échapper à la vigilance paternelle. Les photos que je verrai d’A. une dizaine d’années plus tard me confirmeront que les attraits de la jeunesse ne sont pas éternels… À Bucarest, on ne visite pas le palais Cantacuzène, on fait quelques photos devant l’Athénée roumain, mais pas de concert !

La route du retour empruntera les routes sinueuses des Carpathes, où nous ferons halte dans la maison de vacances d’Enesco, comme je l’ai déjà raconté (Chez Enesco à Sinaia)

18-2_d

La dernière nuit passée en Roumanie, dans un vaste camping dont nous étions les seuls hôtes, est associée à un autre souvenir musical. France Inter qu’on captait (on appelait cela alors les « grandes ondes ») diffusait ce soir-là Carmen de Bizet dans la version de Maria Callas et Georges Prêtre. Je ne comprenais pas grand chose à ce que chantait la diva grecque, je me suis longtemps demandé ce qu’étaient les « deux Mansanilla » et ce que voulait dire « je l’ai mis à la portière » (avant que je ne découvre le livret en achetant la version Solti en 1977 : « du Manzanilla » et « je l’ai mis à la porte hier » !!)