André Tubeuf l’inimitable

La mort a fini par saisir celui qu’on ne pensait pas mortel : André Tubeuf est parti ce matin sur les ailes du chant, au mitan de sa 91ème année.

Au moment de recenser quelques souvenirs que j’ai de lui, et surtout de ses écrits, je tombe sur cet article de La Croix écrit à la veille de son quatre-vingt-dixième anniversaire en juillet 2020 : André Tubeuf, l’art de creuser son microsillon. Je dirais difficilement plus et mieux.

©Vincent MULLER/Opale/Leemage

J’ai d’abord connu André Tubeuf comme auteur de nombreuses pochettes de disques – l’impression qu’il avait un peu le monopole chez EMI ! – puis sur France Musique dans l’émission Domaine privé dans les années 1994/1995, et évidemment d’innombrables fois au concert où il était d’une assiduité redoutée. Mais je n’ai jamais été un de ses familiers, et nous n’avons jamais eu que des rapports d’extrême courtoisie. Je l’admirais infiniment, mais je n’ai jamais osé le lui dire…

France Musique lui avait heureusement consacré une magnifique série d’émissions en 2020 : à réécouter absolument.

Un style inimitable

André Tubeuf, l’érudit, l’intellectuel, le professeur de philosophie, c’est d’abord un style. Inimitable. Il y avait une manière de parler Tubeuf, il y a une manière d’écrire Tubeuf. Parfois agaçantes de préciosité, toujours admirables de science de la langue et de la musique. Avec des enthousiasmes irréductibles – Arrau, Schwarzkopf, Serkin, et d’autres – et des rejets tout aussi abrupts.

Jusqu’à l’an dernier, celui qui fut longtemps critique musical au Point, a tenu un blog dont on se régale à lire et à relire la foisonnante densité : L’oeil et l’oreille.

Une bibliothèque Tubeuf

Sur ce blog, j’ai consacré au disparu plus de billets qu’à aucun autre de ses confrères. Aucun de ses ouvrages n’est anodin, ou moyen.

Revue d’articles :

Des livres de musique

Cadeaux

Quand on vous dit qu’André Tubeuf n’était jamais prisonnier de ses admirations, ce qu’il dit de Régine Crespin (lire Régine et Françoise), l’atteste :  » « en ce début d’années 60 qui étaient celles de sa splendide jeune trentaine… la voix encore dans sa première splendeur soyeuse et lumineuse, capable de liquidités » et, plus loin « jusqu’au moment où ce surmenage lié au fait de n’être chez soi nulle part… altéra sensiblement la beauté purement physique de sa voix, et son aigu, lui, irrémédiablement. »

Dictionnaire amoureux

« Cet ouvrage est le livre d’une vie. Une vie d’écoute et donc de passion. D’aussi loin que je me souvienne, la musique fut pour moi comme une évidence. Du coté de ma mère, tout le monde avait chanté, joué du piano, été à l’opéra. Du coté de mon père, il y avait eu deux très bons professionnels. Enfin, les Sœurs m’ont fait un don, entre tous inestimable : elles m’ont appris à poser ma voix sur mon oreille. L’enfant solitaire que j’ai été n’a pas eu de mal à apprendre du Chérubin de Mozart et, quand on n’a personne pour qui chanter (ou même à qui parler), eh bien, on chante aux brises. Enseignant je fus, ce qui oblige à mieux savoir ce qu’on sait et mieux aimer ce qu’on aime.
Rassure-toi donc, lecteur : de Glyndebourne à Salzbourg, de Bach à Dutilleux, tu trouveras ici tout ce qu’il faut pour te plaire tant le vagabondage de l’auteur est insatiable ».

Rudi le pianiste

« Toutes ces dernières années, je multipliais les livres et on me demandait : « À quand, un sur Serkin ? »… je n’avais jamais eu l’idée d’écrire un livre sur lui. Lui-même répugnait à ce qu’on parle de lui. Il n’y avait rien à savoir, qu’à le regarder faire….

Une soirée avec Serkin, c’était de toute façon une leçon d’incarnation…Ceux qui ont vu cela, ne risquent pas de l’oublier. À ceux qui ne l’ont pas vu on ne peut que donner une idée abstraite : sans l’emprise, renversante, stupéfiante, régénératrice.

D’autres ont été davantage publics, populaires, aimés peut-être, et soucieux de l’être, faisant tout pour l’être. Pas Serkin »

Ce n’est qu’un échantillon du legs littéraire et musicographique que nous laisse André Tubeuf. J’ai quelques autres ouvrages que j’ai mis sur le haut de la pile : après L’Orient derrière soi – l’enfance à Smyrne/Izmir – Les années Louis le Grand, le récit d’une si multiple vie, Bach, Platon, et pourquoi pas, relire les Mémoires d’Elisabeth Schwarzkopf dont je me suis toujours demandé si ce n’était pas d’abord ceux d’André Tubeuf !

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